Depuis le début, nous avons voulu aborder dans ce numéro de Recherches sociographiques la question de l’intégration économique des immigrants et des minorités ethnoculturelles sans a priori aucun. Bien que la subjectivité soit omniprésente dans le choix des objets étudiés et dans la manière de les analyser, il est possible, croyons-nous, d’emprunter des chemins qui laissent une place de choix à une analyse distanciée des thématiques liées aux rapports sociaux ethniques. Outre notre volonté d’étudier la question de l’intégration économique des immigrants et minorités ethnoculturelles sous différents angles, ce numéro de Recherches sociographiques a été conçu à partir de trois idées fortes. Premièrement, étudier cette intégration en fonction de différents niveaux d’analyse, macro, meso et micro, permet d’accroître la compréhension de ce phénomène aux multiples ramifications et complexités. Le Québec s’est doté au cours des dernières décennies de nombreuses structures, organismes et institutions dédiés aux questions migratoires. Les différents acteurs oeuvrant au sein de ces structures ont développé des compétences et connaissances aptes à favoriser une meilleure intégration économique des immigrants et membres des minorités ethnoculturelles. Deuxièmement, l’approche par niveaux ici privilégiée permet d’atténuer la rigidité des catégories qui enferment les chercheurs dans un camp ou dans l’autre lorsqu’il s’agit d’aborder l’intégration des immigrants et des minorités ethnoculturelles. Troisièmement, en dépit des moyens existants et des avancées, des problèmes persistent, d’où l’intérêt de contribuer, grâce à ce numéro spécial, à faire connaître certaines facettes encore méconnues de l’intégration économique, ou du moins qui en demeurent mal comprises. Ces trois idées sont développées dans cette présentation, ce qui nous mènera vers le coeur de ce numéro, soit les articles retenus. Pour revenir à notre première idée, il appert que lorsqu’ils veulent étudier un phénomène migratoire, plusieurs avenues s’offrent au chercheur et à l’expert. Tout d’abord, il est possible de privilégier des analyses à partir de perspectives larges. Ici, les études sur des phénomènes migratoires, des comparaisons entre pays, régions ou continents ainsi que des tendances lourdes au sein de certains groupes sont privilégiées. De même, l’interdisciplinarité est souvent mise à profit et tant la démographie que la sociologie, la science politique, la psychologie, l’économie et l’anthropologie permettent de saisir en quoi l’immigration, récente et plus ancienne, contribue à modifier le tissu social et le vivre-ensemble. C’est la mission que se sont donnée notamment les rédacteurs de la revue scientifique pancanadienne Études ethniques au Canada/Canadian Ethnic Studies et la revue québécoise Diversité urbaine. De même, notons la présence au Québec de centres de recherche dédiés aux questions migratoires et aux études ethniques. C’est le cas du Centre métropolis du Québec/Immigration et Métropoles, du Centre d’études ethniques des universités montréalaises, de la Chaire de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté ou encore de la Chaire d’enseignement et de recherche interethniques et interculturels situées à l’Université du Québec à Chicoutimi. Sur le plan théorique, les travaux effectués dans la lignée des Cultural Studies, présents dans le monde anglo-saxon mais ayant une influence bien au-delà de cette aire géographique, adoptent également une posture interdisciplinaire, comparative et intersectionnelle. Des auteurs tels que Stuart Hall (1986) et Paul Gilroy (1982, 1987, 1993, 2000) figures dominantes des Culturals studies, ont eu une certaine influence au Québec, notamment dans la manière d’articuler la notion d’ethnicité avec d’autres types de rapports sociaux (économique et de genre par exemple). Au Québec, l’article de Pierre Anctil sur la notion de double majorité (1984) et les travaux de Danielle Juteau (1983, 1999) ou encore de Micheline Labelle (1995) et de Denise Helly (1992) ont enrichi la réflexion théorique et consolidé le champ des études ethniques au Québec. Dans une perspective …
Parties annexes
Bibliographie
- Anctil, Pierre, 1984 « Double majorité et multiplicité ethnoculturelle à Montréal », Recherches sociographiques, 25, 3 : 441-456.
- Gilroy, Paul, 1982 The Empire Strikes Back – Race and Racism in ‘70s Britain, Hutchinson/Centre for Contemporary Cultural Studies, Londres, Routledge.
- Gilroy, Paul, 1991 There Ain’t No Black in the Union Jack : The Cultural Politics of Race and Nation, The University of Chicago Press, Chicago.
- Gilroy, Paul, 1993 The Black Atlantic : Modernity and Double Consciousness, Verso, USA.
- Hall, Stuart, 1986 « Gramsci’s Relevance for the Study of Race and Ethnicity », Journal of Communication Inquiry, 10, 2 : 5-27.
- Helly, Denise, 1992 L’immigration pour quoi faire ?, Québec, IQRC.
- Juteau-Lee, Danielle, 1983 « La production de l’ethnicité ou la part réelle de l’idéal », Sociologie et société, 15, 2 : 39-54.
- Juteau, Danielle, 1999 L’ethnicité et ses frontières, Montréal, Presses de l’Université de Montréal.
- Labelle, Micheline (en collaboration avec J. J. Lévy), 1995 Ethnicité et enjeux sociaux. Le Québec vu par les leaders de groupes ethnoculturels, Montréal, Liber.