Comptes rendus

Anne-Élisabeth Vallée, Napoléon Bourassa et la vie culturelle à Montréal au XIXe siècle, Montréal, Leméac, 2010, 255 p.[Notice]

  • Andrée Fortin

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Qui est Napoléon Bourassa ? Un peintre, et c’est surtout ce dont on se souvient, mais aussi un sculpteur et un architecte. Son oeuvre ne se limite pas aux arts visuels, puisqu’il écrit un roman à caractère historique, Jacques et Marie, ainsi que de nombreux articles dans L’Écho du Cabinet de lecture paroissial, Mélanges littéraires, Les Soirées canadiennes, La Minerve, et surtout dans LaRevue canadienne dont il fut un des fondateurs ; il publie des récits de voyage et des essais politiques ainsi bien sûr que sur l’art. Il oeuvre également comme professeur, dans le cadre informel de son atelier et dans d’autres plus formels. Si l’esthétique religieuse qu’il met de l’avant rejoint peu les sensibilités du 21e siècle, les positions qu’il défend dans ses textes annoncent déjà celles associées à la modernité artistique. Le livre porte bien son titre car à travers la carrière protéiforme de Bourassa, ce que Anne-Élisabeth Vallée met en évidence, c’est la constitution du champ artistique dans la seconde moitié du 19e siècle, ou à tout le moins de ses prérequis : écoles et lieux de formation, lieux d’exposition, critique journalistique et dans des publications plus spécialisées, passage du mécénat au marché. Bourassa, tout au long de sa carrière, est actif dans plusieurs réseaux professionnels et associatifs. Le premier chapitre est en grande partie consacré aux associations culturelles auxquelles appartient Bourassa : l’Institut canadien, où il prononce des conférences, puis la Société royale du Canada. Vallée montre bien l’importance des réseaux intellectuels dans lesquels s’insère Bourassa, et qui rejoignent jusqu’à P.-J.-O. Chauveau, surintendant de l’Instruction publique, ainsi que des réseaux religieux, cruciaux « pour un artiste qui rêve de concevoir des décors religieux » (p. 25). Mais cela n’épuise pas l’analyse des réseaux : gendre de Louis-Joseph Papineau, Bourassa obtient des contrats par l’intermédiaire de sa famille, et plus largement du soutien financier de sa belle-famille. Le deuxième chapitre est consacré « aux premières activités » artistiques de Bourassa. Il est question de l’oeuvre, mais aussi de l’artiste et des problèmes financiers qui l’obligent « à diriger une exploitation de bois » (p. 54) à la Petite-Nation. En effet, le portrait n’intéresse pas Bourassa même s’il existe un marché pour cette forme d’art et même s’il doit malgré tout y consacrer une partie de son temps. Ce à quoi aspire l’artiste, c’est à l’art religieux ou commémoratif ; par ailleurs, il refuse de faire des copies de tableaux religieux, autre domaine pour lequel il existe une demande. Bourassa, en effet, a un « parti pris pour l’originalité » (p. 58) : C’est ainsi que Bourassa publie des annonces dans les journaux et participe à des expositions, comme celles de l’Art Association of Montreal ou l’Exposition provinciale. Bref, s’il propose un art « traditionnel », la façon dont il le fait l’amène à sortir de la tradition. Le deuxième chapitre met en évidence la naissance de la critique au Québec dans les journaux et dans des revues culturelles, critique où la visée pédagogique est centrale, selon Vallée : Comme le montre bien Vallée, Bourassa n’est pas un critique complaisant. Le chapitre 3 est consacré à l’enseignement des arts à Montréal ainsi que du dessin industriel, et bien entendu au rôle exercé par Bourassa en la matière. Dans ce chapitre apparaît clairement le clivage entre anglophones et francophones. Si son intérêt pour l’art religieux tend à l’insérer dans le monde francophone, les expositions auxquelles il participe l’insèrent pour leur part dans le réseau anglophone de l’Art Association of Montreal. En matière d’enseignement, s’il préconise – et pratique – l’enseignement …