L’histoire du Québec d’avant les années 1960 a été influencée – on l’a souvent affirmé – par trois grandes métropoles : la France, la Grande-Bretagne et le Vatican. La recherche relative aux deux premières a été l’occasion d’importants inventaires d’archives à Londres et à Paris depuis la fin du 19e siècle, de la part des gouvernements canadien et québécois. Quant aux archives du Saint-Siège, elles ont longtemps été inexploitées ou consultées par quelques historiens pionniers en histoire religieuse. L’année 1977 marque un tournant dans le nouvel intérêt manifesté au Canada pour les archives romaines, alors que les Archives publiques du Canada (depuis Bibliothèque et Archives du Canada) confient à Luca Codignola la rédaction d’un inventaire des documents sur le Canada dans les archives de la Propagande (Propaganda Fide). Une collaboration s’établit, par la suite, avec Pierre Hurtubise de l’Université Saint-Paul (Ottawa) qui avait également fait des recherches aux archives de la Propagande et à celles de la Nonciature de France à Paris. À partir des années 1980, les Archives publiques du Canada commencent à s’intéresser aux Archives secrètes du Vatican. Quelques chercheurs travaillent à de nouveaux inventaires. Outre Codignola et Hurtubise, il faut citer les noms de Monique Benoît, Gabriele P. Scardellato, Roberto Perrin, Giovanni Pizzorusso, Matteo Sanfilippo, Luigi Bruti Liberati et Nicoletta Serio. Tant et si bien qu’en 1999, un Guide de recherche est publié sous le titre : L’Amérique du Nord française dans les archives religieuses de Rome 1600-1922 (IQRC / PUL). Ce guide offrait aux chercheurs une porte d’entrée, jusque-là quasi inexploitée, dans un vaste corpus documentaire concernant l’histoire du Québec et du Canada. Or, de l’aveu des trois auteurs du présent ouvrage, Luca Codignola, Giovanni Pizzorusso et Matteo Sanfilippo, tous ces efforts des trente dernières années pour mieux faire connaître le potentiel des archives romaines n’ont pas eu d’impact significatif dans l’historiographie québécoise. C’est pourquoi, ils ont voulu faire connaître leurs propres recherches sur ces archives dans le cadre des sept chapitres qui constituent ce livre. Dans un premier chapitre consacré aux rapports entre les représentants du Saint-Siège et le Canada (1608-1939), Matteo Sanfilippo nous présente une vue d’ensemble de la perception romaine du Canada, depuis les débuts de la colonie jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale. À l’époque de la Nouvelle-France, Rome a mis un certain temps à se faire une idée précise de la géographie de l’Amérique du Nord et des missions en terre canadienne. L’intérêt fut variable au fil du temps, bien qu’un regain soit observable dans les rapports, au moment de la conquête anglaise de 1760. Au cours de la première moitié du 19e siècle, Rome a dû s’intéresser à diverses questions, dont la division du vaste diocèse de Québec au moment de la création de diocèses anglophones au Canada et aux États-Unis ; de même, elle a dû arbitrer la controverse autour de la création du diocèse de Montréal (1821-1836). Les débuts de l’ouverture de l’Ouest à la colonisation posaient aussi des problèmes inédits à l’Église catholique. Sanfilippo montre que les autorités vaticanes se sont fait progressivement une idée assez précise de la stratégie à adopter concernant le développement du catholicisme en Amérique du Nord. Pour élaborer sa politique, Rome s’appuie sur divers rapports et quelques ouvrages de synthèse réalisés par des fonctionnaires du Vatican, mais surtout sur des prélats qu’elle dépêche pour visiter les États-Unis et le Canada. Le Québec n’est qu’une partie de leur itinéraire. Gaetano Bedini est le premier de ces émissaires envoyés par Rome en 1853. En 1875, c’est au tour de Cesare Roncetti de visiter l’Amérique du Nord et de …
Luca Codignola, Giovanni Pizzorusso et Matteo Sanfilippo, Le Saint-Siège, le Canada et le Québec. Recherches dans les archives romaines, Viterbo (Italie), Edizioni Sette Città, 2011, 163 p., index. (Strumenti , 37.)[Notice]
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Fernand Harvey
Centre Urbanisation, Culture et Société, Institut national de la recherche scientifique, Québec
fernand_harvey@ucs.inrs.ca