Comptes rendus

François Rocher, Guy Rocher. Entretiens, Montréal, Boréal, 2010, 242 p.[Notice]

  • Céline Saint-Pierre

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Il y a vingt ans, Guy Rocher a engagé une conversation avec George Khal qui a donné lieu à la parution du livre Entre les rêves et l’histoire – Entretiens avec George Khal (1989). Nous y découvrons des tranches de vie importantes de ce grand intellectuel québécois à travers sa vie d’étudiant en sociologie, son militantisme au sein de la Jeunesse étudiante catholique (JEC), son rôle au sein de la Commission Parent, sa contribution majeure au développement de l’enseignement de la sociologie et à la formation de milliers de futurs sociologues ainsi que l’évolution de sa pensée politique autour de la question nationale au Québec. Voici qu’en 2010 paraît cet ouvrage dans lequel son neveu François Rocher, politologue et universitaire, l’invite à nouveau à faire état de diverses facettes de sa vie, mais sous un angle différent. Cette fois, nous sommes conviés à partager le récit d’un parcours qui s’étale sur plus de 70 ans, un récit qui met à découvert la pensée de l’intellectuel et l’analyse du sociologue, à distance d’une histoire racontée linéairement et d’une chronologie des étapes de sa vie. Tout comme dans les premiers entretiens, on découvre une pensée riche et documentée donnant accès à une compréhension de l’évolution de la société québécoise dans des moments cruciaux de sa transformation. On pense pourtant bien connaître Guy Rocher puisque ses réalisations à l’université, ses responsabilités au sein du gouvernement du Québec et ses publications sont notoires. Où est donc l’intérêt de procéder à de nouveaux entretiens ? C’est la question que s’est posée d’entrée de jeu François Rocher en élaborant son projet de livre. Plus d’un est à même d’observer que Guy Rocher s’est fait plutôt discret sur lui-même au cours de sa vie, et nous l’aurons entendu répéter à maintes reprises ne pas aimer parler de lui ni à partir de lui. Et pourtant, force est de constater, à l’instar de François Rocher, que toutes ses interventions au cours des dernières décennies ont montré qu’il a tant à dire sur la société québécoise. Pourquoi ne pas lui donner une nouvelle occasion de faire partager sa vision et ses analyses d’une manière qui soit plus structurée dans un espace qui soit convivial et souple ? Cette préoccupation marque le point de départ du projet de ce livre qui se présente comme un long dialogue qui s’est déroulé entre février 2006 et juin 2007. Ensemble, « les points de rupture et de continuité dans sa pensée sociale et politique » ont été identifiés et sont devenus les grandes thématiques des entretiens. Les questions bien documentées de François Rocher tracent le fil conducteur de l’ouvrage et s’avèrent très utiles aux lecteurs pour appréhender dans toute sa dynamique le parcours intellectuel et la pensée sociologique et politique de Guy Rocher. Six chapitres composent le livre dont un seul, le premier, ne s’appuie pas sur des références à des textes déjà publiés. Ce chapitre révèle des choses nouvelles ou peu connues publiquement. Ainsi, avec deux autres collègues de la Commission Parent, Guy Rocher avait pensé rédiger un rapport minoritaire à la suite d’un désaccord à propos de la fréquentation de l’école française qu’ils auraient souhaitée obligatoire pour les élèves immigrants. Nous y apprenons aussi qu’il est devenu indépendantiste après les événements d’Octobre 70 et ses raisons sont bien étayées. Le changement social et les processus qui le rendent possible ont constitué l’axe central de sa pensée théorique et de ses analyses sociologiques. C’est l’objet du chapitre 2 dans lequel il explique pourquoi privilégier l’étude des réformes pour comprendre l’évolution et les transformations des sociétés occidentales au 20e siècle et celles du …