Comptes rendus

François Ouellet (dir.), Lire Poliquin, Sudbury, Prise de parole, 2009, 298 p.[Notice]

  • Lélia Young

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  • Lélia Young
    Département d’études françaises,
    Université York, Toronto.
    lyoung@yorku.ca

Daniel Poliquin commente certains points qui occupent les critiques comme la filiation entre les personnages ou leur évolution dans la trame narrative de ses récits. La référence à l’histoire est elle aussi présente dans son discours. L’écrivain affirme par exemple que Le roman colonial est un « essai sans frontière » né à la suite des intolérances d’un débat référendaire auquel il participa. Il réitère ici sa méfiance envers la classe intellectuelle embourgeoisée et le souverainisme québécois. Il rit sans se cacher de cette idéologie qu’il qualifie de « cariée » et « fleurdelisée », dont les contradictions restent invisibles à une « mémoire ignorante ». Son intervention montre que l’engagement idéologique n’empiète pas sur l’aspect esthétique de son oeuvre, et que, bien au contraire, il l’alimente en lui attribuant un caractère universel qui projette sa création au sein des enjeux littéraires et sociopolitiques du Canada. Lire Poliquin a l’avantage de réunir des articles de chercheurs qui se sont déjà penchés sur l’oeuvre et d’autres qui y consacrent leurs premières analyses de fond. Les articles regroupés dans l’ouvrage offrent un large éventail de réflexions et ils traitent, entre autres, du processus narratif et de la problématique identitaire des personnages afin de montrer comment la réalité est utilisée dans la construction du récit poliquinien. Ainsi, la contribution de François Paré, qui parle de dérive et dérivation du romanesque chez Poliquin, montre que, si le romancier entretient une prédilection particulière pour des personnages en perpétuelles transhumances, c’est parce que leur déracinement s’adapte aux formes d’une narration mobile et enchâssée qui permettent de fragiliser la parole narratrice au profit des voix marginales du récit. Par exemple, c’est dans la communication avec le démuni, le marginal, que le narrateur de L’Obomsawin déleste sa conscience et se construit une identité juste (Jimmy Thibeault). Les personnages de Poliquin s’occupent à transformer leur passé et l’histoire des autres (La Côte de sable, L’Obomsawin et L’Écureuil noir). Passé et histoire, mémoire et perte interagissent dans la reconstruction déficitaire du « savoir individuel et collectif » (François Paré, Nicole Bourbonnais). L’article de Lucie Hotte, qui traite de narration, d’altérité et d’éthique, signale que, dans L’Écureuil noir, il n’y a pas multiplicité de narrateurs et que le contexte romanesque aide l’écrivain à exposer des problèmes de conscience, les affres de l’humanité qui l’entoure et à se libérer des obsessions qui le hantent. Le contexte de la nouvelle répond aux mêmes visées. Se penchant sur les deux recueils de Poliquin, Le Canon des Gobelins et Nouvelles de la capitale, Michel Lord montre que les notions d’éthique, d’ethnie, d’esthétisation formelle et de dialogisme opèrent ensemble dans la construction du récit de la nouvelle. Notons ici que toute étude qui aborde la question dite « ethnique » gagnerait à bien définir le mot en fonction de la notion de multiculturalisme (voir les travaux de Gilles Bourque et Jules Duchatel). Lire Poliquin montre encore que, si les relations entre certains personnages sont marquées d’écarts et de distorsions (Marie-Ève Pilote), c’est parce que l’ordre social dominant, en perpétuelle déconstruction, déhiérarchisé et hétérogène, poursuit une volonté de partage et d’égalitarisme qui refuse la doxa et la hiérarchisation chez l’écrivain (L’Obomsawin et L’Écureuil noir). Ce recueil signale aussi qu’à travers l’image composite du Métis (Lyne Girard), un pont entre les peuples et les cultures permettrait aux personnages en quête d’identité d’accéder au bonheur découlant d’une intégration sociale (L’Obomsawin, L’Écureuil noir et Samuel Hearne). Romancier franco-ontarien, Poliquin inscrit ses romans dans une optique culturelle américaine, sans se départir pour autant entièrement de l’influence culturelle européenne qui attire les écrivains de …