D’utiles et vitaux à désuets et patrimoniaux, les moulins à vent ont joué un rôle capital sous le Régime français pour ensuite voir leur auréole s’estomper au profit des moulins à eau. Si aujourd’hui quelques traces de leur présence subsistent encore, c’est grâce à certaines personnes qui ont su voir la richesse historique de cette structure à voilure moulant les grains. L’auteur de cet ouvrage se livre à une véritable synthèse sur le sujet, une vue d’ensemble qui fournit de précieux renseignements sur notre passé préindustriel. Passionné du sujet depuis plusieurs années, Gilles Deschênes rapaille avec la collaboration de son frère Gérald-M. Deschênes l’ensemble des connaissances disponibles à l’heure actuelle sur la meunerie à vent au Québec, depuis le milieu du XVIIe jusqu’au début du XXe siècles. Divisé en quinze chapitres, l’ouvrage suit une chronologie qui offre aux lecteurs les bases historiques nécessaires pour bien suivre et comprendre l’ensemble du perfectionnement technique, logistique et esthétique qu’ont subi au fil des vents ces moulins fonctionnant à l’énergie éolienne. De l’origine du moulin à vent au Moyen Âge à l’utilisation de son image pour la réclame du fromage Brie de Portneuf en 2001, l’ouvrage brosse un panorama global du sujet. Les premiers chapitres retracent l’origine du moulin dans le monde occidental, pour ensuite se déplacer vers la vallée du Saint-Laurent avec l’arrivée des Français. Les chapitres suivants exposent la progression et le déclin de cette aventure. Cette mise en application des forces de la nature au profit de l’homme permet de lever le voile sur les moulins d’origine seigneuriale, avec leur monopole. En effet, pour les rendre obligatoires, on confisqua dans les campagnes les meules à bras domestiques. Les moulins à vent donnent également naissance à de nouveaux métiers et spécialisations, bien sûr le meunier, mais également le rhabilleur de meules et l’amoulangeur de meules. On souligne que ces bâtiments ont joué un rôle défensif au temps des guerres iroquoises au XVIIe siècle et que la tour de certains a servi de prison au XVIIIe siècle. Les chapitres subséquents s’emploient à présenter son architecture et son mécanisme de manière technique. Le meunier, figure de légende, n’est pas en reste puisqu’un chapitre entier lui est consacré, signalant son expertise, mais également les risques fatals du métier. Le dernier chapitre conclut sur les représentations qu’il a suscitées chez les artistes. Cet essai rigoureusement documenté est agrémenté de plusieurs illustrations, photos et schémas qui permettent de mettre une image sur les moulins, leur fonctionnement et les personnes évoquées. Des encarts apportent un complément d’information, souvent anecdotique, dont l’histoire dramatique du meunier Joseph Nadeau pendu à une vergue de moulin à vent le 30 mai 1760 par le gouverneur Murray pour insoumission. En s’intéressant à ce patrimoine architectural, Gilles Deschênes met en valeur et rappelle l’importance de ne pas oublier ces témoins d’une industrie si vitale en leur temps. L’apport de cette publication est indéniable, tant par son contenu historique qu’iconographique, un travail colossal qui mérite d’être souligné.
Gilles Deschênes, Quand le vent faisait tourner les moulins. Trois siècles de meunerie banale et marchande au Québec, Québec, Septentrion, 2009, 312 p.[Notice]
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Pascal Huot
Ethnologue,
Université Laval.
pascal.huot@gmail.com