La société française du XVIIe siècle a été la scène sur laquelle ont évolué un nombre impressionnant de grands personnages. La politique, la religion, les arts et les lettres, pour ne nommer que ces domaines, ont pu profiter de l’apport de Richelieu et de Colbert, de François de Sales et de Jacques Bénigne Bossuet, de Marc-Antoine Charpentier et de Nicolas Poussin, de René Descartes et de Molière. Samuel de Champlain a-t-il sa place parmi ces grands ? Oui, si l’on en croit la première phrase du livre que lui consacre Christian Morissonneau : « Samuel Champlain est l’une des grandes figures françaises du XVIIe siècle ». Mais la démonstration qu’il en fait n’est guère convaincante. L’objectif du livre est de présenter l’oeuvre américaine de Champlain et de mettre en lumière toute la persévérance qui lui a été nécessaire afin de la concrétiser. Champlain était animé de deux rêves se complétant : trouver une voie d’accès vers la Chine et installer de façon permanente une colonie française qui deviendrait le poste de douane obligé sur le chemin reliant l’Europe à l’Asie. Les obstacles à surmonter pour les réaliser étaient nombreux. Il fallait d’abord découvrir le pays et l’apprivoiser. Il fallait faire face à ceux qui s’opposaient à une présence française permanente en Amérique du Nord : Espagnols, Hollandais et Anglais. Il fallait négocier avec les populations amérindiennes et gérer les ambitions de Français installés en Amérique du Nord qui ne partageaient pas nécessairement la vision de Champlain. Il fallait convaincre les autorités de la métropole que le projet était viable. Afin d’illustrer ce parcours, l’auteur se fie essentiellement, mais pas unique- ment, sur les écrits de Champlain qu’il s’efforce de replacer dans le contexte général de l’époque. Puisque nous savons très peu de choses des années de jeunesse du découvreur, Morissonneau brosse un portrait rapide de l’environnement physique et social dans lequel il a évolué. Malheureusement, nous n’avons pas ou peu d’informations sur la formation intellectuelle du jeune Champlain. Ainsi, nous ne savons pas toujours ce qui a pu le motiver dans certains de ses choix ou visions. On en trouve un exemple dans le type de société coloniale auquel il rêve, selon l’auteur de ce livre. Alors qu’il aurait proposé pour la Nouvelle-France une société davantage égalitaire que celle qui se retrouve outre-Atlantique, il aurait été intéressant de savoir s’il a pu lire les utopies rédigées par Thomas More, Tommaso Campanella ou Francis Bacon. Nous ignorons également si l’égalité devant Dieu prônée par le protestantisme a pu influencer un jeune homme qui a eu des contacts fréquents avec des adeptes de cette religion. Cette absence de références amène Morissonneau à faire des rapports ou comparaisons avec des auteurs postérieurs à Champlain, tels Jean-Jacques Rousseau (p. 83) ou Saint-Jean de Crèvecoeur (p. 217). Ceci l’amène à surdimensionner le côté visionnaire de Champlain. Cela se voit également dans l’affirmation que l’on retrouve à la page 70 selon laquelle, si Champlain avait pu continuer ses explorations au lieu de gérer la colonie, il aurait « assurément précédé Nicolet au lac Supérieur vers 1630, ainsi que Marquette et Jolliet le long du Mississippi, en 1673 ». Un autre exemple de ce genre de supposition qui n’est pas fondée sur des faits se trouve à la page 121. Morissonneau aurait pu contourner cet obstacle en s’attardant davantage sur l’imaginaire de Champlain, qui est rapidement évoqué à deux reprises (p. 56 et 94). Il mentionne, avec raison, que l’imaginaire des personnages historiques n’est pas assez pris en considération par les chercheurs. Mais lui-même n’exploite pas assez cette idée pour en faire un argumentaire porteur. …
Christian Morissonneau, Le rêve américain de Champlain, Montréal, Hurtubise, 2009, 252 p.[Notice]
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Michel De Waele
Département d’histoire,
Université Laval.
michel.dewaele@hst.ulaval.ca