Nombreux sont les Québécois qui gardent un souvenir attendri de René Lévesque comme en témoignent les séries télévisées sur sa vie. Cependant, nous savons peut-être moins, comme le rappelle Daniel Poliquin dans le premier chapitre de son ouvrage, que plusieurs Canadiens anglais s’étaient aussi pris d’affection pour celui que l’on surnommait familièrement « Ti-Poil ». Cet ouvrage de l’écrivain et essayiste franco-canadien ne se veut pas un travail savant, ni une biographie dans le sens classique du terme comme il s’en est fait sur d’autres hommes politiques. Ceux qui veulent un compte rendu détaillé de la vie de René Lévesque continueront de consulter la somme, en quatre tomes, de Pierre Godin, laquelle demeure la référence incontournable sur le sujet, ce que reconnaît d’ailleurs Poliquin. Les autres qui sont à la recherche d’un travail plus analytique iront voir du côté du collectif dirigé, en 2008, par Alexandre Stefanescu (René Lévesque. Mythes et réalités, VLB éditeur). Toutefois, ceux qui cherchent un ouvrage accessible avec un regard personnel et respectueux sur Lévesque, mais qui ne répugne pas à mettre en lumière la part d’ombre du personnage trouveront ici amplement matière à satisfaire leur curiosité. Ce portrait de Lévesque se lit d’une traite et avec un intérêt constant. Écrit avec style, dans un langage parfois familier (à un moment, Lévesque a même « le feu au cul »), émaillé par de belles formules, il offre une façon personnelle, celle d’un francophone canadien, de voir l’ancien premier ministre, laquelle fait peut-être un peu trop l’économie de son nationalisme au goût de certains. Aux yeux de Poliquin, Lévesque est en effet présenté comme étant une illustration de certaines valeurs bien canadiennes comme le franc-parler, la simplicité et le refus de la domination. D’ailleurs, cet « instantané biographique », si on peut le décrire ainsi, est aussi paru en anglais dans une collection dévolue aux grands Canadiens, sous l’égide de John Saul et avec une préface de sa part, toutefois absente de l’édition française. Logiquement, dans l’ouvrage, c’est une autre grande figure canadienne, Pierre Elliott Trudeau, qui accompagne comme une ombre la carrière de l’ancien chef du Parti québécois (PQ). Robert Bourassa, pourtant l’adversaire politique premier de Lévesque, est pratiquement absent du tableau. Comme d’autres avant lui, Poliquin pense que Trudeau et Lévesque représentaient chacun à sa manière une facette de l’identité québécoise de cette période et c’est pourquoi il écrit que « [n]ous n’avons pas fini d’être l’un et l’autre » (p. 11). De leur première rencontre à la cafétéria de Radio-Canada à la fin des années 1950 jusqu’aux passes d’armes entre les deux hommes au moment du rapatriement de la Constitution, leur trajectoire se croisera à plusieurs reprises. Lévesque et Trudeau étaient, affirme-t-il, tous deux nationalistes, mais le premier croyait que l’individu ne pouvait s’épanouir que si l’identité du peuple était forte alors que le second a toujours maintenu que le collectif devait être subordonné aux droits individuels, les deux hommes ne se réconciliant jamais sur cette question. Selon Poliquin, la fibre démocratique de Lévesque constitue la part de l’héritage la plus digne de valeur qu’il ait léguée. Il ne s’agit pas ici seulement de la moralisation des moeurs électorales avec les lois régissant le financement des partis. Plus fondamentalement, l’auteur fait référence au constant souci démontré par Lévesque pour résister aux sirènes de l’extrémisme politique. Par exemple, celui-ci a mis la démocratie avant le nationalisme, croit Poliquin, lorsqu’il a refusé d’entériner une proposition de François Aquin voulant que « seul le système d’éducation publique de langue française [soit...] subventionné par l’État » (p. 99). À ce moment, au congrès du Mouvement Souveraineté-Association …
Daniel Poliquin, René Lévesque, Montréal, Boréal, 2009, 210 p.[Notice]
…plus d’informations
Frédéric Boily
Campus Saint-Jean,
Université de l’Alberta.
fboily@ualbert.ca