Comptes rendus

Ignace Olazabal (dir.), Que sont les baby-boomers devenus ? Aspects sociaux d’une génération vieillissante, Québec, Éditions Nota Bene, 2009, 295 p. (Santé et société.)[Notice]

  • Charles Fleury

…plus d’informations

La vie et les valeurs des baby-boomers ont fait couler beaucoup d’encre. Les portraits qui ont été brossés à différents moments de leur parcours de vie n’ont pas toujours été flatteurs, ayant même été assez incisifs, voire accusateurs. Les termes péjoratifs ne manquent d’ailleurs pas pour qualifier cette génération, née au cours des vingt années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale : génération gâtée, génération égoïste, génération parasite, etc. En fait, que ce soit dans les discours médiatiques ou dans certains discours scientifiques, cette génération dérange, fait peur, coûte cher… au point où certains observateurs en viennent à espérer qu’elle finisse par crever. Le récent ouvrage dirigé par Ignace Olazabal tranche heureusement avec cette littérature générationnelle et généralisante entourant les baby-boomers. Issu d’un colloque organisé en 2007 dans le cadre du Congrès de l’Acfas, cet ouvrage regroupe les contributions d’une quinzaine d’auteurs issus des sciences sociales et de la santé. Il a pour objectif de discuter de différents aspects sociaux de la vie des baby-boomers vieillissants, notamment de leurs conditions de vie, des représentations qu’ils ont d’eux-mêmes et de leur corps ainsi que de leurs relations intergénérationnelles. L’ouvrage comporte trois parties. Il explore le devenir socioculturel des baby-boomers et rappelle que cette génération ne constitue pas un groupe homogène, d’importantes différences s’observant entre les premiers et les derniers nés du baby-boom et entre les différents groupes qui composent cette génération. Cette partie regroupe les contributions de Jacques Hamel, qui expose la conception que les sociologues ont développée au sujet des baby-boomers, celle de Solange Lefebvre, qui clarifie les éléments essentiels du rapport entre jeunesse et innovation ainsi que celle d’Ignace Olazabal, Laure Blein, Nancy Guberman et Jean-Pierre Lavoie, qui examinent la question de l’identité chez les baby-boomers. Particulièrement intéressante, cette dernière contribution met en lumière l’important fossé qui existe entre l’identité assignée et l’identité que s’attribuent les membres de cette génération, peu de baby-boomers se considérant comme de véritables baby-boomers, mais n’hésitant pas à qualifier ainsi certains membres de leur classe d’âge. Cela témoigne bien de la force de l’image péjorative (égoïste, gâtée, matérialiste, ingrate, etc.) qui marque les représentations sociales à l’égard des baby-boomers, y compris chez les principaux concernés. La deuxième partie examine la question de la culture du corps et des stratégies communicationnelles propres aux baby-boomers. Elle réunit les contributions de Thomas Vannienwenhove, qui développe la question de la corporéité de l’individu vieillissant, celle de Christine Thoër et Catherine de Pierrepont qui, à travers l’étude des femmes et du traitement de la ménopause, illustrent le rôle actif que jouent les baby-boomers dans la recherche de traitements médicaux, puis celle de Joseph J. Lévy, Louis-Robert Frigault, Kim Engler et Alain Léobon, qui présentent les résultats de leur étude sur les usages sociosexuels d’Internet parmi les baby-boomers d’orientation homosexuelle et bisexuelle. Il ressort de cette deuxième partie comment certains baby-boomers se sont approprié les nouvelles technologies de l’information, non seulement pour devenir des usagers éclairés de la médecine, mais également pour poursuivre leur libération sexuelle. Il ressort également comment, ironiquement, malgré les craintes des mouvements féministes des années 1970 (et grâce à elles !), les femmes sont parvenues à apprivoiser leur corps vieillissant. En fait, et contre toutes attentes, il apparaît que les femmes de cette génération parviennent à interpréter relativement positivement les changements de leur corps dus au vieillissement alors que les hommes, de leur côté, envisagent encore assez négativement de tels changements, non seulement lorsqu’il s’agit du corps de la femme, mais également lorsqu’il s’agit de leur propre corps. La troisième partie s’inscrit pour sa part dans la perspective des différents travaux sur les solidarités intergénérationnelles …