L’histoire et la politique constitutionnelles canadiennes ne sont plus tellement à la mode. Il faut dire que la question des rapports entre le Québec et le Canada a été renvoyée aux calendes grecques par les politiciens. En politique comparée, il est vrai, le Québec continue d’occuper une place de choix dans les travaux sur le nationalisme et les débats sur la multination. Par contre, l’engouement des universitaires francophones du Québec pour la politique internationale et le monde universitaire américain font en sorte que de la question des rapports Québec-Canada peut faire sourciller. Qui, aux États-Unis, aura envie d’écouter un spécialiste pérorer sur le statut du Québec au sein du Canada ? On ferait mieux de travailler sur une question plus à la mode comme la mondialisation et davantage publiable dans une revue américaine, en anglais bien sûr. Pourtant, les clivages entre souverainistes et fédéralistes perdurent dans les milieux intellectuel et universitaire québécois. Des essais, en français, ne cessent d’être publiés sur le sujet. Ces dernières années, nous avons eu La raison du plus fort d’Alain-G. Gagnon (2008), Le fédéralisme d’ouverture d’Éric Montpetit (2007), et Le Québec et le fédéralisme canadien.Un regard critique de Réjean Pelletier (2008). Les livres de Daniel Jacques et de Mario Polèse, parus respectivement en 2008 et en 2009, poursuivent sur cette lancée et invitent au renouvellement de la réflexion sur l’avenir du Québec. L’ambition est noble et la possibilité d’un renouveau de la réflexion sur le Québec et le fédéralisme est souhaitable car nombreux sont les Québécois qui n’acceptent toujours pas le statu quo constitutionnel et encore moins le fédéralisme de fermeture. Nous sommes loin d’un véritable programme politique et de recherche qui permettrait de renouveler les perspectives sur la vie politique et constitutionnelle au Québec comme dans le reste du Canada. Par contre, il y a dans les essais de Jacques et de Polèse, la volonté d’une démarche post-souverainiste qui pourrait bien contribuer à un tel programme. Daniel Jacques, professeur de philosophie au collège François-Xavier Garneau et membre fondateur de la revue Argument, a intitulé son ouvrage, La fatigue politique du Québec français, en écho au célèbre texte d’Hubert Aquin, « La fatigue culturelle du Canada français », dont il fait aussi l’exégèse. Il utilise l’expression « fatigue politique », car celle-ci décrirait le mieux la situation d’ambivalence dans laquelle le refus des Québécois de se doter d’un pays indépendant, malgré quarante ans de débats infructueux, les a placés. Cette condition, que Jacques associe à une sorte d’abandon, de déni de soi ou de mépris, est intenable car elle mine la vie politique au Québec. Deux thèses et une conviction animent plus précisément l’auteur dans son essai. Première thèse, l’indépendance du Québec est dorénavant improbable. Deuxième thèse, il faut retrouver la liberté de pensée perdue, sortir de l’enfermement imposé par une certaine pensée souverainiste et envisager l’avenir autrement (p. 13). Jacques est fermement convaincu de la nécessité du renouvellement de l’imaginaire collectif du Québec, invitant du même coup à repenser les sources de son impuissance politique en acceptant, à la suite d’Aquin, « la dimension proprement tragique qui lui est inhérente » (p. 14). L’ouvrage est constitué de quatre chapitres. Un premier, portant sur le thème de « La détestation tranquille », permet à l’auteur de dresser la table pour la suite. Dans ce chapitre, Jacques s’en prend à la représentation de soi sur laquelle repose l’idée de Révolution tranquille. Au lieu d’un autre régime, celle-ci a donné lieu à un nouveau nationalisme fondé sur un discours de « dépréciation radicale du passé canadien-français », à l’image d’une société arriérée, d’Ancien Régime, …
Parties annexes
Bibliographie
- Aquin, Hubert, 1998 [1962] « La fatigue culturelle du Canada français », Blocs erratiques, Montréal, Typo, p. 69-104.
- Béland, Daniel et André Lecours, 2008 Nationalism and Social Policy, Oxford, Oxford University Press.
- Chevrier, Marc, 2009 « La république néo-française », Bulletin d’histoire politique, 17, 3 : 29-58.
- Couture, Claude, 2008 « Révisionnisme, américanité, postcolonialisme et minorités francophones », Francophonies d’Amérique, 26 : 41-62.
- Gagnon, Alain-G., 2008 La raison du plus fort. Plaidoyer pour un fédéralisme multinational, Montréal, Québec/Amérique.
- Gagnon, Alain-G., André Lecours et Geneviève Nootens (dirs), 2007 Les nationalismes majoritaires contemporains, Montréal, Québec/Amérique.
- Harvey, Louis-Georges, 2005 Le printemps de l’Amérique française, Montréal, Boréal.
- Létourneau, Jocelyn, 2000 Passer à l’avenir, Montréal, Boréal.
- Maclure, Jocelyn, 2000 Récits identitaires. Le Québec à l’épreuve du pluralisme, Montréal, Québec/Amérique.
- Meunier, É.-Martin et Jean-Philippe Warren, 2002 Sortir de la « Grande noirceur » : l'horizon « personnaliste » de la Révolution tranquille, Québec, Septentrion.
- Montpetit, Éric, 2007 Le fédéralisme d’ouverture,Québec, Septentrion.
- Paquet, Gilles et Jean-Pierre Wallot, 2007 Un Québec moderne 1760-1840 – Essai d’histoire économique et sociale, Montréal, HMH.
- Pelletier, Réjean, 2008 Le Québec et le fédéralisme canadien. Un regard critique, Québec, Les Presses de l’Université Laval.