Comptes rendus

Claude Lévesque, La censure dans tous ses états, Montréal, Éditions Hurtubise HMH, 2009, 192 p. (Constantes.)[Notice]

  • Yves Laberge

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Ces actes paraissent à la suite du 24e colloque des écrivains de l’Académie des lettres du Québec, tenu à Montréal le 20 octobre 2006. Neuf essais composent cet ouvrage ; les auteurs sont philosophes, psychanalystes, essayistes, thésards ou enseignants, pour la plupart dans la région de Montréal. Dans sa présentation axée sur la littérature, la psychanalyse et quelques pensées de Jacques Derrida, Claude Lévesque affirme que « la censure a pris de nouvelles formes », visant « l'État, l'Église, l'Université, sans oublier l'institution littéraire elle-même » (p. 14). Les textes réunis s'apparentent davantage à des essais, voire à des morceaux de création littéraire, plutôt qu'à des chapitres destinés à la démonstration théorique ou comparative. On n'y trouve aucune volonté théorique, peu de définitions des termes et concepts utilisés, très peu de notes en bas de pages ; pas de références bibliographiques non plus, même si l'on cite au passage telle phrase de Montesquieu (p. 41) ou de Georges Perec (p. 68). Ainsi, l'exposé inaugural des psychanalystes René Major et Chantal Talagrand illustre éloquemment cette volonté de discuter de la censure en des termes littéraires : intitulé « Les voix de la censure en interlocution », ce texte se présente comme un dialogue imaginaire entre « Une voix » et « L'autre », où l'on traite successivement des formes actuelles de la censure, en faisant référence à Freud, au 11 septembre 2001, au terrorisme, à George W. Bush et à Jacques Derrida (pour l'emprunt de certains concepts). Ce texte initial est suivi d'un commentaire, puis d'un entretien des deux auteurs du premier essai, qui était déjà paru en 2007 dans la revue montréalaise Spirale. On peut y lire des affirmations riches en lieux communs et en circonvolutions : « L'exigence inconditionnelle de liberté ou de souveraineté trouve son ressort dans la peur et la terreur, dans la cruauté d'abord psychique à laquelle l'analyste soustrait les alibis qu'elle se donne pour lui laisser le plus d'espacement possible » (p. 70). On pourrait se sentir découragé après une centaine de pages pénibles à lire, hermétiques à souhait. Or, certains essais – inégaux, mais parfois un peu mieux étayés – dans la deuxième moitié du livre offrent au lecteur quelques idées intéressantes : Ginette Michaud propose une courte revue de littérature sur le concept de censure en psychanalyse (p. 98), l'essai suivant sur « Le cens littéraire » contient quelques bonnes réflexions sur la littérature en tant que moyen d'échange au cours des derniers siècles, selon des écrivains comme Rilke et Balzac, dans ce cas en suivant son personnage de Lucien de Rubempré (p. 115). Un autre essai condamne la récupération de la pensée du philosophe Léo Strauss, entre autres par Allan Bloom (p. 149). Un dernier essai propose des similitudes et des correspondances (ou « redoublements », p. 170) entre les écrits de Samuel Beckett et Saint-Denis Garneau. Mais le plus souvent, les postulats initiaux restent au niveau du lieu commun et ne sont pas démontrés adéquatement : ainsi, Georges Leroux soutient que « la censure est cruelle et implacable, mais elle se révèle toujours ultimement impossible, son exercice est vain et ceux qui y recourent n'y trouvent en fin de compte qu’une forme de domination candide et illusoire : même quand elle est efficace, la censure est limitée, toujours très partielle et arbitraire, et la plupart du temps contournée » (p. 123). Somme toute, La censure dans tous ses états ne répond pas aux attentes créées par son titre ou par son sujet, et l'ouvrage ne vaut même pas la peine d'être feuilleté. Sur le plan sociologique, on trouve peu …