Comptes rendus

Céline Saint-Pierre et Jean-Philippe Warren (dirs), Sociologie et société québécoise : Présences de Guy Rocher, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2006, 319 p.[Notice]

  • Yvan Perrier

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Le moins que l’on puisse dire, au sujet de Guy Rocher, c’est qu’il correspond à un sociologue au parcours long et exceptionnel par la multitude de ses points d’intérêt. Nommons ici les objets de recherche suivants : les rapports entre l’Église et l’État ; l’évolution des théories sociologiques de l’action sociale ; les aspirations scolaires des jeunes Québécois ; la question linguistique ; la sociologie du droit ; l’éthique dans le domaine de la pratique médicale ; la sociologie des réformes, etc. La grande qualité de ses travaux scientifiques en sociologie en fait incontestablement un « modèle » (p. 7) pour plusieurs. Pour nous parler de cet itinéraire singulier et de ses travaux riches et diversifiés, Céline Saint-Pierre et Jean-Philippe Warren ont fait appel à une foule de collègues et d’amis du « premier sociologue montréalais », selon l’expression d’Andrée Fortin. Une vingtaine de sociologues ou d’autres spécialistes des sciences sociales rattachés à diverses universités (Québec, États-Unis, France et Belgique), de même que quelques personnes ayant oeuvré au sein de la haute fonction publique, ont reçu l’invitation de participer à la réalisation de cet hommage qui s’imposait depuis fort longtemps. L’ouvrage se divise en trois parties. Une première à l’intérieur de laquelle est présenté le Québec dans lequel a grandi et évolué Guy Rocher. Un Québec tantôt frappé d’immobilisme (« L’ancienne société traditionnelle, cléricale, repliée sur elle-même ») et tantôt pleinement engagé sur la voie de la mutation et de la modernisation de certaines de ses institutions politiques, sociales et culturelles (« une société postindustrielle, laïque, appartenant de plus en plus à la civilisation nord-américaine »). Une deuxième où une réflexion critique créatrice est proposée autour de la contribution du professeur Rocher dans le domaine de la théorie sociologique en général et de ses champs spécialisés en particulier (droit, éducation, monde du travail, etc.). Enfin, une troisième dans laquelle on retrouve divers témoignages où on présente Guy Rocher en tant qu’ami, homme d’action, concepteur de réformes et scientifique relié à de grands prédécesseurs (Weber et Parsons). L’ouvrage aborde le cheminement de Guy Rocher à travers les diverses composantes de son action et de sa réflexion toujours situées dans le contexte de bouleversements ou de modernisation qu’a connus le Québec de la Seconde Guerre mondiale à aujourd’hui. Guy Rocher est un « sociologue citoyen » qui n’a jamais craint, dans ses analyses, de porter un certain regard critique sur la réalité sociale. Mais justement, d’où lui vient cette soif de connaissance sociologique ? Dans l’article qu’il a rédigé, il nous confie que sa « pratique sociologique a été marquée par un va-et-vient presque incessant entre ce que j’appellerai, d’une part, la pratique de l’action et, d’autre part, la pratique de l’interprétation » (p. 10). Cette dynamique, entre ces deux pratiques, a débouché sur une soif de comprendre et d’expliquer « l’énigme du changement social » (p. 10) tout en participant à la transformation de la réalité sociale. La célèbre triade du chanoine Cardijn (le fondateur des mouvements d’Action catholique), « voir, juger, agir » (p. 11), aura eu l’heureux effet d’inspirer le jeune Rocher sur le plan de la méthode à appliquer dans l’observation de la réalité sociale et de la nécessaire intervention transformatrice de la société. Mais les quatre années qu’il a passées, de 1943 à 1947, en tant que dirigeant permanent de la Jeunesse étudiante catholique, si riches soient-elles, lui ont fait réaliser « la pauvreté » de son « appareil intellectuel » pour interpréter « le milieu social et l’énigme de ses transformations » (p. 11). La découverte de la sociologie sera « déterminante » pour la suite …