En refermant le collectif Contre la réforme pédagogique, on ne peut s’empêcher de repenser à une image rencontrée dans le texte. « Quinze ans après le lancement de la démocratisation scolaire, l’école était devenue une gigantesque pizza sur laquelle tout groupe organisé de la société se sentait autorisé à lancer une boulette à sa ressemblance » (p. 36). En repensant à cette image, on voudrait céder à la tentation d’une réaction typique d’une cour d’école – « celui-qui-le-dit-c’est-lui-qui-l’est » – tellement cette image de la pizza décrit bien l’effort collectif coordonné en 2008 par Robert Comeau et Josiane Lavallée, un effort dans lequel deux auteurs, Éric Bédard et Julien Prud’homme, fournissent la pâte, c’est-à-dire l’essentiel des motifs raisonnables pour être « Contre la réforme pédagogique », les autres contributions se limitant à lui jeter dessus des boulettes de récriminations à la ressemblance des groupes organisés au nom desquels s’expriment les auteurs. À commencer par les syndicats d’enseignants, qui formulent des récriminations souvent légitimes mais sans lien démontré avec l’objet du débat. Je compte donc disposer, dans un premier temps, de ces boulettes, c’est-à-dire des motifs à mes yeux fallacieux de s’opposer à ladite réforme. Dans un second temps, je compte décrire la pâte, c’est-à-dire les motifs intéressants et, pour une partie au moins, inédits de s’y opposer. Je terminerai avec quelques observations sur le travail de l’éditeur, VLB. J’ai repéré dans cet ouvrage un quatuor de récriminations qui méritent d’être analysées en détail : L’ouvrage comporte au moins trois arguments qui mériteraient un espace égal à eux pour être correctement réfutés : Pour clore ce survol, s’il est aisé de comprendre pourquoi, au Québec, le trio Français/Histoire/ECR (Éthique et culture religieuse) retient l’attention des contributions centrée sur des matières, j’estime regrettable le silence complet sur des matières névralgiques comme les mathématiques ou les sciences (où les enjeux ne manquent pourtant pas depuis leur fusion avec l’enseignement de la technologie). C’est Pierre St-Germain qui ouvre l’argumentaire (p. 20), avec cette thèse du complot pour économiser 500 millions de dollars, sans préciser la source. J’ai fini par remonter à la source (ministérielle) de cette somme rondelette. Il s’agit de Benedykta Ristic et Diane Brassard, Le redoublement dans les commissions scolaires du Québec : le coût pour l’année 1989-1990 et l’incidence sur le retard scolaire, Ministère de l’Éducation du Québec, Direction générale de la recherche et du développement et Direction des études économiques et démographiques, 1990. On y lit bel et bien que « Le coût du redoublement est estimé à environ 505,2 millions de dollars, ce qui représente environ 9,9 % des dépenses de fonctionnement des commissions scolaires en 1989-1990. Le redoublement des élèves EDAA coûte 261,8 millions de dollars, soit 51,8 % et celui des élèves ordinaires, 243,4 millions de dollars, soit 48,2 % ». Ce que M. St-Germain omet dans son argumentaire, c’est ce bémol qu’on retrouve trois paragraphes plus bas : « [...] si les mesures préventives conduisaient à l’augmentation de la persévérance scolaire, les coûts pourraient augmenter légèrement, mais le rendement du système scolaire serait amélioré ». Autrement dit, si l’on 1) intervient dès la petite enfance (en mettant sur pied un réseau de centres de la petite enfance ; en étendant à temps plein l’éducation préscolaire à 5 ans ; en soutenant les services de garde scolaire ; en réduisant le nombre d’élèves par classe à l’éducation préscolaire et au premier cycle du primaire, etc.) ; 2) augmente au primaire le temps d’enseignement du français de 14 à 16 heures et celui des mathématiques de 9 à 12 heures ; 3) diversifie les voies …
Critique des détracteurs de la réforme pédagogiqueRobert Comeau et Josiane Lavallée (dirs), Contre la réforme pédagogique, Montréal, VLB éditeur, 2008, 313 p. (Partis pris actuels.)[Notice]
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Amine Tehami
Cadre scolaire en prêt de service,
Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport.
amine.tehami@csmb.qc.ca