Comptes rendus

Christian Jetté, Les organismes communautaires et la transformation de l’État-providence. Trois décennies de coconstruction des politiques publiques dans le domaine de la santé et des services sociaux, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2008, 422 p. (Pratiques et politiques sociales et économiques.)[Notice]

  • Benoît Lévesque

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  • Benoît Lévesque
    Professeur émérite,
    Département de sociologie,
    UQAM.

Ce livre porte sur la reconnaissance et le financement des organismes communautaires (OC) par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), mais il apporte aussi un éclairage de premier ordre sur la transformation de l’État-providence. Plus explicitement, la recherche est centrée sur le Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC) créé en 1973 pour le financement au départ d’une centaine d’OC comparativement à 3000 organismes et 300 millions de dollars en 2001. Sur ce point, l’ouvrage montre comment la politique de financement des OC a été élaborée à partir d’une coconstruction des politiques publiques dans le domaine de la santé et des services sociaux. Plus largement, la constitution d’un tiers secteur formé d’OC (à côté du secteur public et du secteur privé) permet de mettre en lumière la transformation de l’État-providence, au cours des trois dernières décennies. Dans cette perspective, l’ouvrage réussit également à caractériser le modèle québécois, sous l’angle du développement social. Issue d’une thèse en sociologie qui a mérité en 2006 le prix de la meilleure thèse de doctorat de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC), l’excellence de cette contribution s’impose à commencer par l’importance de la recherche réalisée. Une quarantaine d’entrevues en profondeur ont été effectuées, sans compter celles d’informateurs clés provenant aussi bien des OC que du MSSS et des régies régionales. Pour cerner les conditions d’octroi du financement aux OC, l’auteur a procédé non seulement à une analyse qualitative des conditions définies par le PSOC mais aussi à une analyse statistique du financement de ces organismes. Plusieurs autres sources ont été examinées pour la période 1971-2001 : publications gouvernementales, rapports annuels du ministère concerné, lois et règlements, commissions d’enquête, revues et autres publications. Enfin, des sources secondaires ont été considérées, sans oublier de nombreuses monographies dans lesquelles l’auteur a été impliqué, notamment les monographies sur les entreprises d’économie sociale dans les services à domicile. Le cadre théorique mobilise trois grands ensembles de théorie, soit celui des mouvements sociaux, celui de la régulation pour l’analyse de l’institutionnalisation et celui des conventions pour les formes organisationnelles. De plus, pour rendre compte des transformations de l’État-providence, l’auteur s’appuie sur la typologie bien connue d’Esping-Andersen alors que l’apport des organismes communautaires est analysé en termes d’économie plurielle, soit la pluralité des ressources mobilisées, à la suite de Polanyi et de Laville, ou encore les logiques d’actions, à la suite de Boltanski et de Thévenot. De même, les compromis et les ruptures qu’apportent les OC dans le cadre de la transformation de l’État-providence sont analysés à partir de la distinction entre critique sociale (réformisme social) et critique artiste (perspective émancipatoire) telle que proposée par Boltanski et Chiapello. L’ouvrage est structuré en trois grandes parties qui comprennent chacune trois chapitres portant en gros sur les acteurs, les organisations et les institutions. Dans la première partie, la période des années 1970-1979, l’auteur montre bien comment l’institutionnalisation/étatisation des cliniques populaires sous la forme des CLSC ne pouvait donner tous ses fruits de sorte qu’au même moment sera mis sur pied ce qui deviendra le PSOC. Au cours de cette période, les OC se présentaient comme une alternative au réseau public, si bien que leur institutionnalisation a été plus ou moins bien reçue parce qu’elle se présentait comme une étatisation. La seconde période, celle des années 1980-1990, une période fertile en expérimentations, laisse bien voir comment les OC, qui obtiennent une institutionnalisation négociée (et donc favorable en termes d’autonomie), sont ceux qui sont portés par des mouvements sociaux, entre autres les groupes de femmes et les groupes de jeunes. En revanche, la période des années 1991-2001 est celle d’une institutionnalisation …