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Professeur titulaire retraité du Département de sociologie de l’Université Laval, Claude Corrivault est décédé à Québec le 26 septembre 2008. Il a été associé à la publication de Recherches sociographiques, d’abord comme responsable de la « revue des revues » dans les premières années, puis comme rédacteur adjoint au début des années 1980.
Claude Corrivault est né à Sainte-Rose de Dorchester, le 5 mars 1921, d’un père chef de gare du Québec Central : situation de privilégié durant les années de crise et observatoire fécond pour éveiller la curiosité de ce remarquable connaisseur de la société québécoise que deviendrait Corrivault. Après un baccalauréat ès arts de l’Université du Sacré-Coeur de Bathurst au Nouveau-Brunswick en juin 1943, il s’est inscrit à l’École des sciences sociales nouvellement créée à l’Université Laval par le père G.-H. Lévesque, où il a obtenu une maîtrise en sociologie en juin 1946. Puis, il a fait des études supérieures en sciences de l’administration à la School of Social Sciences and Public Affairs de l’American University (Washington, D. C.) en 1948.
Claude Corrivault est entré à l’emploi de la Faculté de commerce de l’Université Laval, en septembre 1954, comme professeur assistant. Sa lettre d’engagement – signée par Mgr Alphonse-Marie Parent – lui assigne comme tâche de « dispenser un cours de morale sociale et de sociologie ». À la même époque, il a enseigné aussi les sciences sociales à l’École d’architecture. Agrégé en 1960, il est passé au Département de sociologie et d’anthropologie en 1961, où il a été recruté pour renforcer le volet sociologie du développement, récemment institué. Il y donnera pendant de nombreuses années un cours d’introduction à la sociologie, en plus d’être responsable de stages en milieu de travail pour les étudiants de premier cycle et d’un cours sur la société québécoise à l’École de service social. Il dispensera aussi plusieurs autres cours – Le changement social, Aspects sociaux du droit, La sociologie de C.-W. Mills et Sociologie des professions. Il a assumé la co-direction (avec Jean-Paul Montminy) du laboratoire de recherche au programme de maîtrise en sociologie dans les années 1980.
Parmi les activités de recherche et enseignements aux études avancées de Claude Corrivault, signalons un séminaire sur l’argent, donné en collaboration avec Guy Godin à l’Institut supérieur des sciences humaines. Il a aussi effectué des recherches en sociologie des professions, qui ont surtout nourri son enseignement sur le même thème dans les programmes de maîtrise et de doctorat en sociologie. Soulignons que les meilleurs travaux de l’un de ses séminaires ont été publiés dans un numéro thématique de Recherches sociographiques en 1978. Il a par ailleurs effectué des recherches sur le notariat en 1978 et 1980, réalisé une étude sur les infirmières pour le compte de leur syndicat en 1984 et une autre, sur les ingénieurs forestiers, en 1985. Par la suite, il a collaboré avec Louis Guay à diverses études sur la forêt comme enjeu social, longtemps avant que celui-ci ne fasse l’objet de débats sur la place publique.
Claude Corrivault s’est aussi impliqué dans diverses activités universitaires ou extra-universitaires, et il a été membre de nombreux comités essentiels à la bonne marche de l’Université, quoique de peu de visibilité. Il a entre autres été secrétaire du Département de sociologie et d’anthropologie dans les années 1960 – à l’époque où l’administration des dossiers d’étudiants était de la responsabilité des professeurs eux-mêmes – et directeur des programmes d’études avancées en 1977-1979 et 1985-1987. En 1982, il a fait parti du jury du prestigieux concours « Mémoire d’une époque », organisé par l’Institut québécois de recherche sur la culture. Après sa retraite, le 1er avril 1989, il est demeuré actif à « l’extension de l’enseignement » de l’Université Laval – organisme qui s’occupait de ce qu’on appelait alors l’éducation des adultes – en y assurant un cours sur l’étude de la société québécoise jusqu’à l’hiver 1993.
« Corrivault » – comme il affectionnait être appelé par ses collègues et ses étudiants – a peu publié, se contentant de diffuser ses travaux sous forme de rapports ou de communications, aux Congrès de l’ACFAS notamment, et de faire profiter de son savoir plusieurs étudiants qui ont rédigé des thèses de doctorat ou mémoires de maîtrise sous sa direction. Tous conservent de lui le souvenir d’un homme modeste, attachant et dévoué, à l’empathie hors du commun, tant avec ceux qu’il venait interviewer qu’avec les étudiants qu’il a aidés et dépannés en grand nombre. C’était un travailleur de l’ombre, l’un des pionniers qui ont jeté les bases scientifiques des sciences sociales telles que nous les connaissons aujourd’hui.