Comptes rendus

Benoît Cazabon, Langue et culture : unité et discordance, Sudbury, Prise de parole, 2007, 292 p.[Notice]

  • Annie Pilote

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  • Annie Pilote
    Département des fondements et pratiques en éducation,
    Faculté des sciences de l’éducation,
    Université Laval.
    annie.pilote@fse.ulaval.ca

Ce livre regroupe une série de textes présentant l’état des recherches et des réflexions du linguiste Benoît Cazabon sur des enjeux relatifs à la langue et à la culture en milieu francophone minoritaire au Canada et plus particulièrement en Ontario français. Retraité depuis 1995, l’auteur, qui a connu une reluisante carrière en tant que professeur en didactique du français, signe un ouvrage important et qui participe à l’édifice des connaissances sur l’éducation en milieu minoritaire et sur le fait français au Canada. L’ouvrage comporte deux parties bien distinctes. La première rassemble cinq articles scientifiques produits entre 1990 et 1996 que l’auteur considère « parmi les plus importants [qu’il a] produits en cours de carrière » (p. 47). Ces textes permettent de bien camper sa posture sur les concepts de culture, d’identité et d’appartenance à partir de démarches théoriques et empiriques originales. Si la deuxième partie de l’ouvrage est une suite logique de la première, elle se situe à un tout autre niveau puisque l’auteur a choisi de s’y révéler en tant qu’intellectuel engagé en présentant une quinzaine de textes publiés initialement dans des journaux ou produits à titre d’avis pour divers organismes. Cazabon y dénonce des rapports de pouvoir généralement défavorables aux francophones et met en évidence les limites de certaines formules d’aménagement linguistiques fondées sur le bilinguisme, en raison de la dynamique assimilante qu’elles engendrent. Tournons-nous maintenant vers la première partie de l’ouvrage nettement plus importante au plan scientifique. D’abord, précisons que Cazabon emprunte une perspective interprétative pour cerner les rapports qu’entretiennent les individus, en particulier les jeunes franco-ontariens, avec la langue et la culture. Il montre bien la tension qui traverse la construction identitaire des jeunes entre le désir d’appartenir au groupe majoritaire (anglophone) et celui d’appartenir au groupe minoritaire (francophone), et qui peut aboutir à une discordance au plan des valeurs et des expériences vécues. L’auteur met alors le doigt sur ce qui constitue l’un des plus grands défis que doit affronter le membre d’une communauté culturelle minoritaire, soit « le rapport entre la liberté individuelle et la volonté de la communauté dans la définition de la culture » (p. 32). À partir des journaux de bord d’événements linguistiques tenus par des étudiants à l’université en 1986, il dégage un « malaise culturel » qu’il s’emploie à décrire en vue d’améliorer les actions communautaires, notamment au plan éducatif. Le premier chapitre ouvre la marche à partir d’un contenu théorique riche mais extrêmement dense où l’auteur expose une grille conceptuelle puisant à la psychologie sociale et destinée à analyser, à travers des « traces linguistiques », le processus complexe de formation de l’identité chez les individus (et non le groupe). Cette grille établit l’ordre et la compétence comme fondements de l’identité. Les résultats de son analyse dressent un portrait inquiétant de la jeunesse franco-ontarienne en tant que victime et qui se manifeste par deux types d’attitudes, soit la soumission devant des injustices rationalisées, soit la révolte vis-à-vis le majoritaire (vu comme l’oppresseur). Au plan de la compétence, il appert que la langue est source d’inquiétude chez les jeunes : « Une menace pèse sur cette langue. C’est une langue mal reçue dans certaines situations, alors il vaut mieux la dissimuler. C’est une langue que l’on associe à l’échec ou, à tout le moins, à l’effort » (p. 85). Il en conclut qu’il serait mal avisé d’imposer l’appartenance alors qu’à ses yeux, l’identité francophone n’est pas pleinement réalisée. Le deuxième chapitre, qui examine les mêmes données sous l’angle interculturel, en vient à la conclusion que la crise identitaire chez les jeunes résulterait de rapports interculturels de surface qui …