Comptes rendus

Mordecai Richler, Un certain sens du ridicule. Essais (textes choisis par Nadine Bismuth et trad. par Dominique Fortier), Montréal, Boréal, 2007. (Papiers collés.)[Notice]

  • Simon Langlois

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Mordecai Richler est un grand romancier, mais aussi un polémiste drôle, à la plume redoutable. Il s’est moqué abondamment des siens (les Juifs de Montréal), des Canadiens français, des nationalistes québécois, mais aussi des Canadiens, ses compatriotes qu’il a observés à distance depuis Paris au temps de sa jeunesse ou depuis Londres dans les années de maturité. Il porte un regard sarcastique, mais le plus souvent amusé, sur les réalités et travers d’ici dans ses essais, parallèlement à ses romans. Nadine Bismuth a rassemblé quinze essais de Richler écrits entre 1969 et 1998, fort bien traduits par Dominique Fortier qui respecte le génie de la langue de l’auteur montréalais. Elle nous épargne ainsi les « Maurice La fusée Richard » et « rue principale » (pour désigner La Main de Montréal !) qui déparent les traductions en français des romans de l’auteur, ce qui n’a pas aidé à le faire apprécier des lecteurs québécois de langue française. En sera-t-il différemment cette fois pour les essais ? On se rappellera que son Oh Canada, Oh Québec ! Requiempour un pays divisé avait été assez mal accueilli en terre québécoise. Je me souviens d’avoir eu l’impression à l’époque, en refermant le livre, que ce dernier en disait plus long sur l’auteur lui-même que sur le Québec français et ses lois linguistiques qu’il vilipendait de sa plume acerbe. Ce recueil d’essais ne risque pas cette fois de déplaire aux Québécois francophones justement parce qu’il est peu question d’eux, si ce n’est indirectement. En fait, Richler parle beaucoup de lui dans ses essais, de lui comme écrivain montréalais, de lui comme écrivain à Paris, Londres ou en Estrie au Québec, mais il reste allusif sur le Québec français, personnage secondaire de cet ouvrage. Par contre, on en apprend beaucoup sur le Montréal anglophone d’avant la Révolution tranquille, sur son père et sa famille, sur son éducation religieuse, sur la rue Saint-Urbain (Montréal). « C’est mon époque, mon lieu, et je me suis donné pour mission de les représenter comme il se doit. » Richler pourfend la bêtise, a-t-on souvent entendu à son propos. Ces essais en donneront de nouvelles preuves aux lecteurs francophones. Son texte « Expo 67 » jette un regard critique sur le nouveau patriotisme de l’État canadien fêtant son centenaire. « Il en restera vraisemblablement de quoi composer une comédie musicale aux accents nostalgiques, non pas le mythe à partir duquel se forge une nation. À moins que cette dernière ne soit un Disneyland de bon goût » (p. 62). Les sociologues et les critiques littéraires en prennent pour leur rhume. Ainsi, Richler analyse-t-il avec humour les résultats d’une enquête sociologique sur la sexualité. « On nous dit que la création du questionnaire de trente-huit pages dont se sont servis les bons docteurs a nécessité deux ans, ce qui, au fait, nous en apprend plus que nous aurions désiré sur le rythme de travail des sociologues bénéficiant de l’appui de fondations, si on le compare à celui du romancier du secteur privé, lequel est toujours le seul employé de sa boutique » (p. 195). Le texte « La tournée des universités » est une critique acerbe des programmes de création littéraire et des départements de littérature. « En règle générale, le vrai danger des cours de création littéraire en tant que cours comptant pour l’obtention d’un diplôme, c’est que des étudiants qui aiment écrire mais qui sont dénués de talent y sont encouragés par des écrivains manqués, chacun nourrissant le fantasme de l’autre. » Le romancier a reçu un jour une invitation d’une université australienne qui lui proposait d’être écrivain …