Notes critiques

Fédéralisme d’ouverture, vous avez dit ?Chantal Hébert, French Kiss : le rendez-vous de Stephen Harper avec le Québec, Montréal, Les Éditions de l’Homme, 2007, 328 p.Éric Montpetit, Le fédéralisme d’ouverture. La recherche d’une légitimité canadienne au Québec, Québec, Septentrion, 2007, 138 p.[Notice]

  • Réjean Pelletier

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  • Réjean Pelletier
    Département de science politique,
    Université Laval.

Le « nouveau » Parti conservateur du Canada, qui a abandonné le vocable de « progressiste », est issu de la fusion entre l’Alliance canadienne et le Parti progressiste-conservateur. Stephen Harper, qui a dirigé l’Alliance canadienne, en devint le chef officiel en mars 2004. Un an plus tard, lors d’un congrès tenu à Montréal, le parti adopta un programme plutôt modéré (par rapport à l’ancien programme de l’Alliance) qui insistait sur le respect des compétences provinciales et sur la correction du déséquilibre fiscal, qui appuyait le bilinguisme et maintenait le statu quo sur l’avortement, mais qui prenait aussi la décision de continuer la bataille contre les mariages entre conjoints de même sexe et de relancer le débat sur le bouclier antimissile. Face au gouvernement libéral minoritaire de Paul Martin éclaboussé par le scandale des commandites fut élu en janvier 2006 un gouvernement conservateur minoritaire dirigé par Stephen Harper. Lors de cette élection, le Parti conservateur a réussi à faire élire dix députés au Québec et à convaincre le quart des électeurs québécois, ce qui permettait au PC d’être un parti vraiment national. C’est ce « rendez-vous » de Stephen Harper avec le Québec, selon le sous-titre de son ouvrage, qui a conduit Chantal Hébert à analyser plus profondément cette nouvelle donne et qui a incité Éric Montpetit à cerner davantage le « fédéralisme d’ouverture » prôné par Stephen Harper lors d’un discours prononcé à Québec en décembre 2005. Dans French Kiss, Chantal Hébert analyse les diverses étapes qui ont contribué à la percée conservatrice au Québec. Un Parti libéral, désormais dirigé par Paul Martin, marqué par l’indécision ou par de mauvaises décisions et frappé par le scandale des commandites et les travaux de la Commission Gomery. Résultat : un déclin prononcé du parti dans le Québec francophone et la perte de fédéralistes déçus. Le Bloc québécois profite largement du scandale des commandites, mais ne peut se présenter comme une solution de rechange au gouvernement en place. Résultat : une remontée inespérée dans les régions de Montréal et de l’Outaouais, bastions libéraux traditionnels où de nombreux fédéralistes boudent les urnes, mais pertes importantes dans la grande région de Québec au profit des conservateurs. Le NPD, qui avait délaissé le Québec après l’élection fédérale de 1988 centrée sur le libre-échange, tenta de faire une percée avec son nouveau chef, Jack Layton, sans abandonner ses positions largement interventionnistes et centralisatrices. Résultat : il n’obtint que 7,5 % des suffrages au Québec. Par-delà ce résultat décevant du NPD au Québec, ce qui compte davantage, selon l’auteure, c’est la lutte que les deux partis situés à gauche du Parti conservateur se livrent dans les autres provinces canadiennes et qui pourrait favoriser les conservateurs désormais unis. Elle en conclut que « tout comme le Parti libéral a immensément profité de la guerre de dix ans que se sont livrée conservateurs et réformistes/alliancistes, Stephen Harper a de bonnes chances d’être aujourd’hui le principal gagnant de la rivalité entre les néo-démocrates et les libéraux » (p. 155). Ces analyses de la situation politique canadienne, basées sur une longue expérience de la vie parlementaire à Ottawa, entraînent largement notre adhésion. C’est plutôt la quatrième partie de son ouvrage, intitulée « La loi des conséquences inattendues », qui risque de susciter davantage de discussions, bien que l’on puisse être d’accord avec un grand nombre de ses observations. Que l’on en juge par les titres des chapitres de cette section : la fin des guerres linguistiques, la mort de la politique identitaire, la filière française, le géant-nain albertain, le cadeau de Lucien Bouchard au Canada, et la fin du favoritisme …