Comptes rendus

Frédéric Bastien, Le poids de la coopération : le rapport France-Québec, Montréal, Québec/ Amérique, 2006, 269 p.[Notice]

  • Stéphane Paquin

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  • Stéphane Paquin
    École de politique appliquée,
    Université de Sherbrooke.

Frédéric Bastien avait livré en 1999 un livre précieux intitulé : Relations particulières : la France face au Québec après De Gaulle. Ce livre représente encore aujourd’hui un des plus importants ouvrages sur les relations France-Québec avec ceux de Dale C. Thompson (De Gaulle et le Québec) et de Claude Morin (L’art de l’impossible). Ce nouvel essai de Bastien porte sur un aspect moins sensationnel des relations France-Québec mais qui reste pourtant fondamental : la coopération. La thèse de l’auteur est que le poids de la coopération réelle entre la France et le Québec est si important que la relation particulière établie depuis De Gaulle est là pour rester. Celle relation est si forte qu’un rapprochement Paris-Ottawa contre le Québec est improbable, voire impossible. Comme l’écrit Bastien : « La France reconnaîtrait-elle une éventuelle victoire du « OUI » si un troisième référendum avait lieu ? » Pour Bastien, la réponse est évidemment positive car le gouvernement français ne pourrait pas se défiler si le gouvernement du Québec lui demandait de reconnaître une victoire référendaire. Même si cette thèse n’est pas explicitée en introduction mais plutôt dans les dernières pages, l’intérêt du livre de Bastien est de répondre aux arguments défendus notamment par Anne Legaré (Le Québec, otage de ses alliés) selon lesquelles la France se détourne progressivement du Québec au profit du Canada. Selon Legaré, puisqu’il semble que le référendum de 1995 a repoussé à un avenir indéterminé la question du statut du Québec, la France et le Canada sont devenus des alliés naturels : les deux pays sont membres du G-8, de la Francophonie, les deux sont plutôt socio-démocrates et contestent l’hégémonie américaine, ils sont partisans de la diversité culturelle et surtout, ils possèdent de véritables sièges dans les organisations internationales. Lors d’une rencontre bilatérale à la suite du référendum de 1995, le président français Jacques Chirac devint ainsi plus clairement sympathique au premier ministre canadien. Ainsi, Jean Chrétien, alors qu’il était toujours premier ministre, a-t-il été invité par le président français à la Galerie des Arts premiers du Louvres, à un dîner à l’Élysée et, fait très significatif, Jacques Chirac, a accompagné son hôte à la sortie et déclaré toute son amitié au premier ministre canadien devant une meute de journalistes. Selon Frédéric Bastien, cette déclaration et ces événements ne sont pas conformes à la réalité et il donne autant d’exemples contraires afin d’appuyer son propos plus optimiste. La thèse de l’auteur est soutenue par un historique de la coopération entre la France et le Québec depuis les années 1960. L’auteur explique l’intensité des échanges qui sont inédits entre une province et un pays souverain. Bastien nous convainc de la remarquable continuité dans la politique française vis-à-vis du Québec même par ceux qui contestaient De Gaulle et son « exercice solitaire du pouvoir ». Afin d’illustrer son propos, Bastien s’appuie sur de nombreux témoignages, sur des dizaines d’entrevues d’anciens premiers ministres, de ministres et de diplomates, sur de nombreuses archives et sur la littérature scientifique pertinente. En somme, ce nouveau livre de Frédéric Bastien – qui fera, à cause du sujet, certainement moins de bruit que le premier – est solide et très intéressant. Si tout n’est pas inédit dans le développement, il reste indispensable pour les mordus des relations France-Québec.