Note critique

Règlement de compte et exorcisme autour de la crise d’octobre 1970William Tetley, The October Crisis, 1970, An Insider’s View, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2007, 274 p.[Notice]

  • Bernard Dagenais

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  • Bernard Dagenais
    Département d’information et de communication,
    Université Laval.

Pourquoi un autre livre sur la crise d’octobre plus de 35 ans après les événements ? William Tetley s’est posé la question en introduction de son livre et en a conclu qu’il était utile de dresser enfin un portrait exact de ce qui s’est passé en 1970. Et ce, pour combattre le « révisionnisme » de plusieurs acteurs de cette crise qui ont revu leur discours ou ont occulté certaines réalités. Ce nouveau portrait a l’avantage d’être dressé par un acteur qui a vécu la crise de l’intérieur puisqu’il était ministre du gouvernement Bourassa à l’époque des événements. Dans les trois premiers chapitres du livre, l’auteur présente l’état des lieux au moment des événements, définit ce qu’est le FLQ et qui en sont les membres. Puis il passe en revue les grands moments de la crise et essaie d’étudier les faits et gestes des principaux protagonistes de ces événements et de comprendre leurs motivations. C’est ainsi qu’il analysera (1) le contenu et l’impact de la lecture du manifeste du FLQ après sa diffusion dans les médias, (2) le dilemme posé au gouvernement de résister au chantage du terrorisme au risque de voir l’un ou l’autre des otages exécutés, (3) la pétition signée par quelque 15 intellectuels demandant au gouvernement de sauver les otages en libérant les « prisonniers politiques », (4) le recours à l’armée, (5) l’insurrection appréhendée, (6) la loi des mesures de guerre, (7) l’évocation du gouvernement provisoire, (8) le meurtre de Pierre Laporte, (9) la fin de la violence après les mesures de guerre, (10) la convocation de l’Assemblée nationale, (11) le rôle du fédéral dans la crise et (12) le rapport Duchaîne. Il ne s’agit donc pas de la description du déroulement de la crise, mais de l’étude des temps forts de celle-ci et de l’évaluation du rôle qu’ont joué les principaux acteurs de la crise. Le lecteur qui n’a pas vécu la crise pourra en retracer en partie les grandes lignes à travers l’analyse des faits. Que nous apporte de plus ce témoignage que ne nous avaient livré les quelque 50 livres sur la crise d’octobre que l’auteur cite dans sa bibliographie ? En fait, peu de choses. Mais il essaie de démontrer que tout ce qu’a fait le gouvernement Bourassa pendant la crise était légal (c’est le juriste qui parle), légitime (c’est le ministre qui parle) et moral (c’est l’être humain qui parle). Dès lors, comment situer ce livre ? S’agit-il d’une thèse qui affirme que la raison d’État a préséance sur toute autre considération lors d’une crise ? D’un discours politique où un ministre affirme que tout ce qui fut fait alors qu’il partageait le pouvoir était la seule avenue possible et que tous ceux qui prétendent le contraire, non seulement errent, mais manquent de jugement ? D’un essai où l’auteur admet lui-même qu’il ne donne que son opinion ? Le problème du livre, c’est que les trois niveaux de discours se chevauchent et les faits rapportés servent davantage à étoffer un règlement de compte avec ceux qui ne partagent pas la vision de l’auteur qu’à une étude éclairée d’une situation complexe. « The pure and simple truth is never pure and simple ». L’auteur cite cette phrase (p. 156) d’Oscar Wilde en exergue d’un de ses chapitres. Or, le récit qu’il livre de la crise d’octobre se réduit à un manichéisme désolant : le Parti libéral a eu raison d’agir comme il l’a fait pour sauver la démocratie. Ceux qui ont contesté ses gestes ou ceux qui sont demeurés silencieux sont des sympathisants du FLQ et des complices du terrorisme. Revoyons la …

Parties annexes