Le suicide contemporain au Québec met en scène une amplification de la surmortalité masculine par suicide. La relation suicide et genre s’offre à la réflexion comme un incontournable, abstraction faite du contexte sociétal où elle se pose. La psychologue américaine Silvia Sara Canetto a fait de cette relation son objet. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, elle a consacré l’essentiel de ses réflexions au « paradoxe » du suicide, afin de comprendre le fait (indiscutable) de la surmortalité masculine par suicide dans le contexte (discutable) d’une plus grande équivalence du nombre de tentatives de suicide. Un mythe existe d’ailleurs à ce sujet. Si l’on se réfère aux données de 2000-2001, le nombre de tentatives masculines pour tous les groupes d’âge surpasse, bien que légèrement (ratio de 1,2 pour 1), le nombre de tentatives féminines, sauf pour les groupes d’âge adolescents (10-14 et 15-19) où les tentatives féminines sont clairement plus nombreuses (autour de 2 pour 1). Pour Canetto, la différence entre les taux de suicide masculins et féminins recèle une vérité irréductible. Que les suicides accomplis apparaissent « dans le contexte » plus large d’un « comportement suicidaire » qui inclurait les idéations suicidaires et les tentatives ne fera pas l’objet de discussion. On verra toutefois que, s’agissant de la différence entre suicide accompli et tentative, les réflexions de Canetto donnent à penser qu’il s’agit de deux phénomènes passablement différents. La notion de « scénarios culturels » mise de l’avant par Canetto vise à rendre compte de ce qu’elle considère comme étant le « paradoxe de genre du suicide » (c.-à-d. équivalence relative des tentatives pour chaque genre ; surmortalité masculine par suicide). Au centre de sa théorie se trouve l’idée que les différences de genre dans le comportement suicidaire reflètent des différences distinctes dans la socialisation entre les hommes et les femmes. Quand les hommes et les femmes s’engagent dans un acte suicidaire, ils le font ainsi en conformité avec ce qui est significatif et permis dans leur « communauté culturelle ». Canetto soutient qu’une multitude de comportements sont marqués par le genre, dont le comportement suicidaire. En l’occurrence, le genre « prescrit », pour ainsi dire, le scénario du suicide, de la manière d’y penser aux facteurs qui y conduisent en passant par les moyens mis en oeuvre dans le passage à l’acte (Canetto, 2001, p. 649). En effet, lorsqu’une femme tente de se suicider et échoue, elle se conformerait au scénario propre à son genre : faire une tentative de suicide. L’essai et l’échec seraient typiquement féminins, selon Canetto. Les hommes obéiraient à un scénario différent : ils n’ont pas le droit d’échouer. Si un homme s’engage dans un compor-tement suicidaire, il est un « vrai » homme seulement s’il réussit, et tout ce qui est en deçà de cette réussite représente en quelque sorte une violation de ce que la culture du genre masculin identifie comme « être un homme » (Canetto, 1992-1993 ; 1995 ; 1997 ; 1998b ; 2004). Selon Canetto, la plupart des théories qui tentent d’expliquer le paradoxe de genre du suicide par des considérations accessoires (létalité des moyens utilisés, prévention plus réussie auprès d’une clientèle féminine, alcoolisme masculin (voir Moscicki, 1994, pour une analyse complète de chacune), ne vont simplement pas assez loin. Chacune de ces théories suppose une constance du suicide à travers les cultures, mais ne considère pas des variations liées à l’appartenance ethnique ou à l’orientation sexuelle. Dans certaines régions précises d’un pays (à Helsinki par rapport au reste de la Finlande, par exemple), ou chez certaines minorités ethniques (les Hawaïens aux États-Unis, par exemple), …
Parties annexes
Bibliographie
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