Comptes rendus

Philip Resnick, The European Roots of Canadian Identity, Peterborough, Broadview Press, 2005, 125 p.[Notice]

  • Simon Langlois

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  • Simon Langlois
    Département de sociologie,
    Université Laval.

Prenant le contrepied de thèses couramment défendues, Philip Resnick avance que le Canada et le Québec ne se caractérisent pas d’abord par leur américanité mais bien plutôt par leur européanité. « What differentiates Canadians from Americans in the fact that Canadians remain a good deal more European in their sensibilities ?…( » (p. 19). Fidèle à ses écrits antérieurs, l’auteur considère le Canada et le Québec comme deux références différentes, deux entités sociologiques, deux sociétés globales. Fait à signaler, le Québec ne se réduit pas pour lui à sa majorité francophone mais il englobe les anglophones autant que les immigrants en interaction avec cette majorité. Pour lui, le Canada est un état multinational, ce qui le distingue des États-Unis et le rapproche de plusieurs États européens – comme la Belgique, le Royaume-Uni, l’Espagne ou la Suisse – et le force à trouver des arrangements institutionnels originaux, l’empêchant de développer un sentiment national et un nationalisme aussi unitaire que chez son voisin du Sud et favorisant plutôt l’émergence d’un « nationalism lite ». « Part of living together civilly in a multinational state entails accepting a significant degree of ambiguity when it comes to defining respective national identities » (p. 48). Les arguments à l’appui de son analyse sont nombreux et Resnick prend à témoin autant l’histoire la plus lointaine de la colonisation, qui inscrit le Canada en lieu avec deux mères-patries européennes, que la sociologie de l’État-providence contemporain et la sensibilité politique de la population opposée (en majorité) à la guerre en Irak. Le Canada et le Québec n’ont pas effectué une rupture révolutionnaire avec les deux mères-patries, mais ils ont plutôt évolué lentement chacun à leur manière et mis du temps à se constituer une identité autonome différente. Le mouvement républicain a échoué dans le Bas et le Haut-Canada au milieu du XIXe siècle, l’auteur accordant cependant peu d’attention à cet échec dans son analyse. Resnick alloue une grande place aux traces laissées par l’histoire dans l’identité et les structures politiques, comme Tocqueville l’avait déjà bien observé. Il cite à l’appui ce mot de Chateaubriand qu’il estime bien s’appliquer au Canada. « Les nations ne jettent pas à l’écart leurs antiques moeurs, comme on se dépouille d’un vieil habit. On peut leur en arracher quelques parties mais il en reste des lambeaux qui forment, avec les nouveaux vêtements, une effroyable bigarrure » (Le Génie du Christianisme, livre 1, chap. 8). S’agissant du Québec, Resnick ne tient pas compte du fait que les premiers Canadiens avaient très tôt tourné le dos à la métropole française, s’alliant avec les nations indiennes, achetant les pelleteries et explorant le continent nord-américain, comme l’ont rappelé récemment la célébration de l’expédition de Lewis et Clark dans l’Ouest américain et la frappe de la pièce métallique du dollar américain sur laquelle figure l’Indienne Sacagewea et son fils à moitié canadien-français, Jean-Baptiste Charbonneau. Les colons canadiens et coureurs des bois de la Nouvelle-France jusqu’aux Québécois ayant contribué à changer l’image de Las Vegas ne jettent-ils pas un peu de plomb dans l’aile à la thèse de Resnick par leur américanité ? En fait, Resnick ne cite que le travail de Joseph Yvon Thériault sur cette question, mais il semble ignorer toute la littérature québécoise et les débats (fort vifs) sur la question. Son livre est trop court sur cet aspect, et il eût été pertinent, par exemple, d’analyser l’hypothèse de Gérard Bouchard d’un divorce – observable de la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1960 – entre, d’une part les élites canadiennes-françaises orientées vers l’Europe (et la France en particulier) et le haut …