Comptes rendus

François Ricard, Chroniques d’un temps loufoque, Montréal, Boréal, 2005, 178 p. (Papiers collés.)[Notice]

  • Simon Langlois

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  • Simon Langlois
    Département de sociologie,
    Université Laval.

Le dernier ouvrage de François Ricard rassemble des chroniques rédigées à l’intention du public français mais portant sur divers sujets à portée universelle considérés d’un point de vue québécois, celui d’un « non-Parisien » dont il prend soin de décrire l’originalité de la position dans le premier texte où il est question de la postmodernité du Québec et de la tempête de verglas du 8 janvier 1998. « La chronique est un art mineur », soutient l’auteur, mais aussi écriture de circonstance, littérature non sérieuse, exprimant une pensée provisoire et fragmentaire. Soit, mais son livre est aussi de bonne tenue, dont les qualités littéraires sont à souligner, sans oublier que l’auteur se révèle bon analyste de la société québécoise, ce qui suffit à justifier un compte rendu dans cette revue. François Ricard a rassemblé dix-neuf chroniques portant sur divers sujets, tantôt tirés de l’actualité d’ici – la fonction de gouverneur général, les nouveaux retraités, l’université québécoise – , tantôt caractérisant l’actualité d’autres pays mais commentés de son point de vue québécois, ce qui leur donne une certaine originalité, comme le dévoilement de la statue de Roosevelt à Washington mis en parallèle avec une partie de golf de la lieutenant-gouverneure du Québec qui, comme le célèbre président, se déplace en chaise roulante. François Ricard commente librement un certain nombre de faits divers qui servent de prétexte pour fixer certains traits de l’époque. « Mon pays vit dans une atmosphère de pénitence », écrit-il à propos du rééquilibrage des finances publiques et du déficit zéro qui obsède les politiques, commentant en particulier les effets de ces politiques d’austérité sur les universités québécoises. Critique littéraire, Ricard se définit comme celui qui « habite depuis toujours le pays du roman », qui est pour lui « l’interprétation moderne par excellence du monde et de la vie » (p. 19) mais aussi « une extension décisive du domaine de la conscience et de la beauté » (p. 161). Il n’est donc pas étonnant que bon nombre de ses chroniques parlent d’ouvrages littéraires mais ceux-ci servent le plus souvent de prétextes pour analyser la société contemporaine. L’histoire d’un pastiche littéraire en offre un bel exemple. Alors qu’il dirigeait la revue Liberté, Ricard et ses collaborateurs eurent l’idée de publier des pastiches d’écrivains québécois contemporains et notre auteur écrivit – on s’en serait douté ! – un pastiche de Gabrielle Roy (« Le gardien de l’horizon », Liberté, février 1983) qui a connu une histoire rocambolesque racontée avec humour. Ce texte apocryphe a été d’abord traduit en allemand et commenté par une « spécialiste » en étude littéraire canadienne comme étant l’un des derniers textes publiés par la romancière, puis il a été mentionné par une collègue américaine, « spécialiste » elle aussi de Roy, dans une bibliographie qu’elle a préparée l’année du décès de la romancière. Le texte de Gabrielle Roy (sic) – qui met en scène un personnage du nom de Boris Caviarov (!), qui eût suffi à lui seul à éveiller le soupçon – a ensuite été l’objet d’une analyse serrée de quatorze pages par une autre « spécialiste » américaine, qui a appliqué à l’étude de ce texte un lourd appareil sociocritique et qui remercie en note une collègue. Enfin, le directeur du numéro spécial de la revue en question a souligné les qualités de la contribution de sa collaboratrice. Avec cette chronique sur un pastiche et sa réception critique – qui n’est pas sans rappeler l’affaire Sokal (Madame Google aidera à satisfaire la curiosité du lecteur qui ne connaît pas cette affaire déjà un peu ancienne) – Ricard écorche une …