Comptes rendus

Jean Proulx, Maurice Cusson, Éric Beauregard et Alexandre Nicole (dirs), Les meurtriers sexuels : analyse comparative et nouvelles perspectives, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2005, 342 p.[Notice]

  • Patrice Corriveau

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  • Patrice Corriveau
    Analyste principal à la Section de la politique en matière pénale,
    Ministère de la Justice Canada.

Avec un titre accrocheur comme Les meurtriers sexuels, une image vient rapidement à l’esprit du lecteur, celle d’un Ted Bundy, du meurtrier sexuel en série souvent relayée par les médias de masse. Or, et c’est sans doute là l’une des plus belles réussites de l’ouvrage, les auteurs démystifient d’entrée de jeu cette image du meurtrier sexuel agresseur en série. Grâce à un échantillon représentatif constitué de 40 des 57 meurtriers sexuels de femmes incarcérés au Québec entre 1998 et 1999 (période de la collecte de données), les universitaires constatent, contrairement au sens commun, que les meurtriers sexuels sériels sont plus que rarissimes : aucun cas révélé dans leur échantillonnage. Cette démonstration pertinente n’était toutefois pas l’objectif principal des auteurs en rédigeant ce livre. Le but de l’étude consistait, à l’aide de nombreuses analyses statistiques, à montrer les distinctions et les similitudes entre les meurtriers sexuels de femmes et les agresseurs sexuels de femmes (violeurs). Aussi, le premier chapitre présente la problématique de la recherche et justifie sa pertinence en mettant en lumière les limites méthodologiques des autres études sur le sujet. Tout d’abord, les auteurs constatent le peu d’études comparatives et l’absence de définition claire de ce qu’est un meurtre sexuel. Ils en profitent pour préciser qu’un meurtrier sexuel est un individu reconnu coupable d’un homicide impliquant une activité sexuelle à la base d’une séquence d’actes conduisant à la mort. Ils présentent ensuite brièvement différentes théories qui tentent d’expliquer les homicides sexuels en mettant en lumière les limites de chacune d’elles. Force est alors de constater que trop souvent la population analysée est restreinte ou que les variables prises en compte s’avèrent minimales pour des analyses comparatives concluantes. Afin de remédier à ces lacunes empiriques, les auteurs accordent une grande importance à la composition de leur échantillon de recherche. C’est donc 70,7 % de la population des meurtriers sexuels de femmes emprisonnés au Québec (1998-1999) qui a été analysée et comparée à 101 agresseurs sexuels de femmes. Dans les chapitres 2 à 8, les auteurs présentent les différentes analyses statistiques utilisées pour circonscrire le meurtrier sexuel. Très pédagogiques, les chapitres sont tous construits selon la même architecture. Une brève revue de littérature commentée rappelle initialement les limites de recherches antérieures. Cette dernière est suivie d’une problématique qui énonce clairement l’objectif du chapitre et l’hypothèse avancée. Viennent ensuite la méthodologie préconisée, la description des résultats et une interprétation de ceux-ci. Enfin, en règle générale, un modèle empirique et quelques cas « types » sont proposés. Les premiers chapitres comparent le meurtrier sexuel à l’agresseur sexuel. Le chapitre 2 veut vérifier si « une trajectoire développementale plus perturbée et une carrière criminelle plus intense mènent à un délit de gravité supérieure (meurtre sexuel versus viol) ». Bien que ce chapitre ne prenne pas en compte les « trajectoires développementales dites chaotiques » d’un groupe témoin constitué de « non-criminels » ou, comme le soulignent eux-mêmes les auteurs, de délinquants non sexuels, certains résultats sont intéressants, particulièrement celui qui rappelle que la « trajectoire criminelle des violeurs et des meurtriers sexuels est davantage composée de délits non sexuels » (p. 53). Le chapitre suivant porte sur les caractéristiques psychopathologiques de ces deux groupes de criminels violents. Peu de différences semblent les départager. Le très intéressant chapitre 4 s’attarde pour sa part, non plus à déterminer la prévalence d’un quelconque facteur psycho-biologique de la criminalité, mais plutôt à comprendre l’interaction entre les acteurs et les situations particulières auxquelles ils sont confrontés. Par l’étude du déroulement du crime, les auteurs cherchent ainsi la rationalité dissimulée derrière ces meurtres généralement perçus comme irrationnels. On y apprend …