« Qu’est-ce que le communautaire ? » est bien sûr la question préalable à toute tentative d’examen des changements qu’il subit. D’autre part, le titre du livre de Frédérique Le Goff, Christopher McAll et Catherine Montgomery annonce une perspective temporelle. Comprendre le devenir est impossible sans connaître la genèse ; celle-ci ne fait pas l’objet d’une longue réflexion dans ce livre, mais pour les auteurs, il est important de situer la dynamique actuelle dans un large cadre, qu’ils empruntent au Britannique Finlayson (dont les travaux vont en gros dans le même sens que ceux menés autour de Jean-Marie Fecteau à l’UQAM), et selon lequel « le bien-être de la population a été assuré, depuis le milieu du XIXe siècle par une combinaison de pratiques relevant à la fois de l’État, des associations volontaires, du secteur privé et des réseaux informels » (p. 13). De là l’hypothèse que la transformation actuelle du communautaire serait une nouvelle configuration du partage des responsabilités entre ces quatre groupes. La question demeure : s’il y a partage des responsabilités, celui-ci est-il marqué par la complémentarité ou la différence entre l’action gouvernementale et l’action communautaire ? Le titre du premier chapitre, « De l’autonomie à la sous-traitance », amène un premier élément de réponse que le reste de l’ouvrage étaiera et nuancera à la fois. Selon les auteurs, la définition du communautaire tient davantage à une approche qu’à une structure ou un type d’associations : ce n’est pas affaire de bénévolat, de coopératives, d’autogestion ou d’absence de but lucratif, encore que tout cela soit possible, ainsi que divers rapports à l’État et à la « communauté locale ». Comme il n’est pas si fréquent que dans les articles et ouvrages sur le « communautaire » celui-ci soit clairement défini, je reproduis ici la caractérisation de l’approche communautaire adoptée dans l’ouvrage : Voilà une définition exigeante à laquelle ne correspondent pas tous les organismes qui se réclament de l’appellation « communautaire » ! Ces caractéristiques sont liées à la fois au désir de changement, mais aussi, inextricablement, à la précarité, laquelle confine l’organisme à une petite taille et à entretenir des liens étroits avec ses usagers (proximités géographique, relationnelle et d’expérience). La précarité économique, de la sorte, a des aspects positifs sur le fonctionnement des susmentionnés organismes (la nécessité étant la mère de l’invention). Quelle est la situation actuelle ? Pour la cerner, comme l’annonce le titre, Le Goff, McAll et Montgomery ont étudié cinq expériences d’intervention : une organisation communautaire « classique » (les guillemets sont des auteurs), trois coopératives jeunesse de services (CJS) et un Carrefour jeunesse-emploi (CJE). Ils y ont fait des observations lorsque c’était possible, mené des entretiens avec les responsables / permanents et avec des usagers. Les jeunes auprès desquels oeuvrent ces organismes sont parfois adolescents (13-18 ans) et parfois adultes (18-35 ans). Malgré cette disparité, la comparaison est intéressante, pas tant du point de vue des usagers que des responsables et des projets. Un seul organisme est né de façon autonome, les autres étant issus, à des degrés divers, d’actions gouvernementales. Le Carrefour jeunesse-emploi est le fruit bien particulier d’un partenariat entre les secteurs public et communautaire, car c’est le pouvoir public qui en a proposé la création. Cela dit, qu’une institution soit derrière la formation d’une association « communautaire » n’est peut-être pas « inédit » (p. 118) si on se place dans la perspective historique annoncée au premier chapitre de l’ouvrage et qui semble ici oubliée. Et qu’en est-il des expériences étudiées ? Correspondent-elles à la définition adoptée par les auteurs ? Dans leur conception, les CJS et …
Frédérique Le Goff, Christopher McAll et Catherine Montgomery, La transformation du communautaire. Expériences d’intervention auprès de jeunes sans-emploi, Montréal, Éditions Saint-Martin, 2005, 175 p.[Notice]
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Andrée Fortin
Département de sociologie,
Université Laval.