Comptes rendus

Manon Tremblay, Québécoises et représentation parlementaire, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 2005, 328 p.[Notice]

  • Stéphanie Yates

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  • Stéphanie Yates
    Département de science politique,
    Université Laval.

Partant du constat que rien n’est acquis en matière de représentation des femmes au sein des institutions parlementaires québécoise et canadiennes, l’ouvrage de Manon Tremblay constitue un véritable plaidoyer en faveur de la responsabilisation des partis politiques à cet égard. Au-delà de la perspective militante, le livre se veut aussi un ouvrage de référence fouillé, le regroupement d’études diverses et le décodage de nombreuses statistiques comblant ainsi un vide manifeste. Divisé en quatre chapitres, le texte de Manon Tremblay fait d’abord un utile retour en arrière, qui rappelle au lecteur les luttes qu’ont dû mener les Canadiennes pour obtenir le droit de vote et ce, depuis la signature de l’Acte constitutionnel de 1791. Le deuxième chapitre cherche à expliquer pourquoi les femmes demeurent minoritaires dans nos institutions parlementaires, tandis que le suivant s’attarde à la fois sur l’identité et les idées des femmes qui ont réussi à faire partie de la sphère politique. Le dernier chapitre, consacré aux solutions visant à ce que plus de Québécoises siègent dans les espaces parlementaires, témoigne d’un changement de perspective de la part de l’auteure, qui semble mettre de côté sa réserve de chercheuse universitaire au profit d’un rôle militant. Le premier chapitre du livre sert de trame de fond à l’ensemble de l’ouvrage. La description de la lutte des femmes en vue de l’obtention du droit de vote dispose le lecteur à accueillir le discours militant qui suivra. L’auteure rappelle ainsi certaines aberrations historiques, dont le fait qu’en raison d’un vide juridique, les femmes propriétaires âgées de plus de 21 ans aient pu voter entre 1791 et 1834, année lors de laquelle un amendement à la loi électorale leur retirait ce droit. Ce n’est qu’en 1918 que les femmes canadiennes qui disposaient déjà du droit de vote dans leur province respective purent participer au suffrage, les Québécoises ayant dû attendre jusqu’en 1940 pour obtenir ce droit. Pour ajouter à son propos – et sans doute afin d’aviver le militantisme des lecteurs ! – l’auteure a choisi de ponctuer son texte de quelques extraits du plaidoyer des opposants au droit de vote des femmes, certains illustrant de façon éloquente la nature des arguments soulevés contre les suffragistes. Henri Bourassa, alors directeur du quotidien Le Devoir et figure de proue de l’opposition au droit de vote des femmes, va même jusqu’à soutenir qu’accorder ce droit risquerait, à terme, de dénaturer les femmes, d’en faire des « femme-homme, le monstre hybride et répugnant qui tuera bientôt la femme-mère et la femme-femme » (Bourassa, cité dans Tremblay, p. 53. Les italiques sont de Bourassa). Si l’on considère que l’auteure n’a pas joué de subtilité quant à ses intentions en choisissant de tels extraits, ceux-ci ont tout de même le mérite de rappeler au lecteur l’ampleur du chemin parcouru. L’auteure nous apprend aussi que c’est surtout la branche maternaliste du féminisme (par opposition au courant égalitaire) qui aura permis aux Québécoises d’obtenir le droit de vote et celui d’être candidates aux élections, les défenseurs de cette idéologie faisant valoir que loin de dénaturer la femme, le droit de vote permettrait à celles-ci de « faire valoir ‘leur différence’ en tant que groupe défini par leurs fonctions maternelles et désireux d’en faire bénéficier l’ensemble de la société » (p. 81). Cette rhétorique n’est d’ailleurs pas complètement étrangère à celle qui soutient aujourd’hui le discours des partisans de la présence accrue des femmes en politique, la différenciation semblant encore prendre le pas sur l’aspect strictement égalitaire. Tremblay soutient ainsi que « des politiciennes en nombre et suffisamment diversifiées devraient favoriser une représentation substantielle des femmes qui …