Comptes rendus

Janet Ajzenstat (dir.),et al., Débats sur la fondation du Canada, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 2004, 555 p. (Traduit par J. Des Chènes, édition française préparée par Stéphane Kelly et Guy Laforest.)[Notice]

  • Sylvie Lacombe

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  • Sylvie Lacombe
    Département de sociologie,
    Université Laval.

Il est pour le moins étonnant que ces débats opposant promoteurs et détracteurs de la Confédération entre 1864 et 1873 dans les différents parlements coloniaux, depuis Terre-Neuve jusqu’à la Colombie-Britannique en passant par l’Assemblée constituante de Rivière-Rouge avant l’annexion forcée du Manitoba, n’aient pas été publiés – sauf à coups d’extraits où prédominaient les discours des représentants du Canada-Uni – avant 1999, date de l’édition originale anglaise dont on accueille aujourd’hui la traduction. Sans doute fallait-il attendre que la culture politique d’ascendance britannique présidant à ces délibérations soit en fâcheuse posture, et même en passe d’être entièrement recouverte par une autre, pour qu’on puisse s’intéresser sérieusement à ce moment fondateur ? Quoi qu’il en soit, l’initiative d’Ajzenstat et de ses collègues, auxquels Kelly et Laforest emboîtent le pas dans la version française, doit être saluée à plus d’un titre. L’ouvrage met d’abord en exergue la pensée politique des « Pères de la Confédération ». Contre l’interprétation classique voulant que celle-ci flottait au ras des pâquerettes, que les Pères étaient essentiellement des pragmatiques, c’est-à-dire des négociateurs jaloux défendant âprement les seuls intérêts de leur province, la lecture des débats révèle plutôt une analyse minutieuse de plusieurs principes politiques et des institutions parlementaires. Tous expriment en effet de solides convictions à propos de la responsabilité ministérielle, de la pertinence des partis politiques, des vertus et défauts de l’union législative ou de l’union fédérale, etc. Le regroupement de leurs propos sous cinq grands thèmes – liberté, prospérité, identité, fédéralisme et droits des provinces, élaboration d’une constitution –, à défaut de rendre directement accessible au lecteur non averti leur richesse intellectuelle, ne gomme pas la diversité des vues exprimées : les questions soulevées par exemple par la notion de liberté sur la côte est ou dans la province du Canada-Uni, où l’on pratiquait déjà le gouvernement responsable, ne sont pas les mêmes qu’en Colombie-Britannique ou à Rivière-Rouge, où les institutions représentatives étaient moins élaborées. L’éventail des positions ne se laisse pas non plus ramener au clivage entre conservateurs et libéraux, mais demeure, sans grande surprise, imprégné de parlementarisme britannique. Comme on possède déjà une excellente étude de la signification de la Confédération au Canada français, la présente publication intéresse surtout par ce qu’elle nous apprend sur la teneur des débats ailleurs. Le second intérêt du livre tient en effet au décentrement du regard qui lui fait embrasser l’ensemble des débats et pas seulement ceux ayant animé les deux provinces du Canada-Uni – même si on sait que celles-ci ont pesé de tout leur poids démographique dans l’élaboration du projet, et par la suite à travers la représentation proportionnelle à la population. Sur ce point, comme sur plusieurs autres, les provinces coloniales ne se leurrent d’ailleurs pas, loin de là. Mais on découvre avec surprise que les hésitations des Maritimes et de la Colombie-Britannique concernaient moins l’union elle-même que ses modalités ; que les représentants de ces provinces étaient jaloux de leur autonomie coloniale, et qu’ils craignaient la dilution du sentiment d’appartenance politique rattaché à leurs assemblées législatives déjà anciennes. En somme, qu’ils n’étaient pas convaincus que la forme fédérale de l’union serait une garantie suffisante pour protéger l’individualité politique de leurs colonies. Enfin, plus concrètement, ils craignaient que les nominations liées aux institutions fédérales ne soient sous contrôle exclusif des Canadiens. Que le nom de la nouvelle entité dont on négociait la création reconduise celui des colonies réunies par l’Acte de 1840 ajoutait évidemment à leur méfiance. De même, l’anti-américanisme soi-disant derrière le projet de Confédération doit être relativisé et ne plus être présenté comme son seul, ou son plus déterminant, incitatif. En Nouvelle-Écosse …

Parties annexes