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L’ouvrage découle d’une séance organisée par Michael Morris dans le cadre du Congrès mondial de l’Association internationale de science politique à Québec en 2000. Jacques Maurais, Yarolsav Bilinsky, Louise Fontaine, Michel Paillé, Normand Labrie et Charles Castonguay ont contribué à la facture du livre.
Le premier chapitre de M. Morris présente l’ensemble de l’ouvrage et propose, malheureusement très maladroitement, d’étudier les politiques linguistiques selon une approche comparée. L’approche esquissée est principalement descriptive. Morris campe aussi ses propos dans une réflexion normative pas toujours très fondée sur la politique linguistique du gouvernement fédéral. À titre d’exemple, il soutient à la page 35, que « la politique linguistique fédérale ne cherche pas à s’ingérer dans les décisions d’enseignement » mais néglige de mentionner que le Programme de contestation judiciaire financé en totalité par le gouvernement fédéral a permis aux minorités de langue officielle d’aller devant la Cour suprême afin de contester les provinces. Il ne dit rien de l’impact de l’adoption de la Charte des droits de 1982 sur les politiques linguistiques du Québec.
Le deuxième chapitre, celui de Maurais, est nettement un des plus pertinents de l’ouvrage. Intitulé « La question linguistique aux États-Unis d’Amérique, au Canada et au Québec : Quelques éléments de comparaison », l’auteur procède à une excellente mise au point de la nature des politiques linguistiques du Canada et du Québec, lesquelles sont souvent dans le collimateur des États-Unis, notamment depuis la présidence de Ronald Reagan. Par contre, l’auteur indique bien que l’objectif de son chapitre n’est pas tant de comparer les politiques linguistiques dans ces différents pays que de traiter « d’erreurs factuelles, des comparaisons mal comprises et souvent erronées (p. 56) », en particulier en ce qui a trait au Québec. Et comme mise au point, le texte est réussi. Le lecteur y trouvera des données intéressantes sur les États-Unis. Rappelons, entre autres, que les mouvements contre le bilinguisme aux États-Unis vivent avec l’illusion que les pays sont unilingues. Au Canada, le bilinguisme s’est imposé et au Québec, la politique québécoise a été adoptée dans une perspective de justice sociale.
Le troisième chapitre, sous la plume de Bilinsky, « On ne badine pas avec les langues vivantes », consiste aussi en un commentaire mais moins bien ciblé que celui de Maurais et sans grande valeur scientifique. Il énonce des propos déjà bien connus selon lesquels les pays doivent tenir compte du pluralisme identitaire au risque d’être aux prises avec des mouvements indépendantistes. L’auteur commente les situations au Canada, au Québec et dans les anciens pays de l’Union soviétique, dont l’Ukraine. Le lecteur y trouvera quelques comparaisons intéressantes entre ces différents pays.
Le quatrième chapitre, « Immigration et langue française ou les contours problématiques de la communauté nationale au Québec », de Louise Fontaine est aussi assez décevant. L’auteure présente le Québec selon le schéma habituel d’une société pathologique. Le ton est méprisant et l’esquisse d’une comparaison avec la Belgique en fin de texte aurait pu être mieux développée. Celle-ci aurait donné une portée plus large au texte et aurait forcé l’auteure à opter pour un ton moins paternaliste. Elle se cite beaucoup trop souvent, ce qui enlève une certaine crédibilité à ses propos.
Le cinquième chapitre, « Les langues officielles du Canada dans les provinces de Québec et de l’Ontario », de Michel Paillé est un des plus comparatifs de l’ouvrage. L’auteur fait le point sur 25 ans de comparaisons entre la situation du français et de l’anglais au Québec et en Ontario. Sa présentation des trajectoires démographiques dans les deux provinces permet, notamment, de constater la progression du bilinguisme au Québec au sein de la population francophone alors que celle de l’Ontario l’est déjà presque exclusivement. On ne peut pas en dire autant des Anglo-Ontariens. Le Québec demeure donc le lieu par excellence de l’identité canadienne bilingue comparativement au reste du pays.
Le sixième chapitre, « La politique linguistique en Ontario : de la reconnaissance des droits aux lois du libre marché », de Normand Labrie étudie les transformations au sein des discours sur la politique linguistique. Ainsi, il considère que les discours ont évolué d’une perspective traditionaliste marquée par la référence à la langue et à la religion, à une approche « modernisante » fondée sur la reconnaissance d’institutions favorables aux francophones à une approche mondialisante ou portée essentiellement par une logique économique. Malgré un propos évolutionniste, on comprend que les discours permettent d’accorder plus ou moins d’importance à la lutte contre l’assimilation par rapport à la revendication de droits comme à l’idée selon laquelle la langue doit correspondre à une valeur ajoutée. Le texte propose parfois une lecture simpliste des rapports entre l’État et les minorités linguistiques et néglige le fait que ce ne sont pas les groupes ayant un discours mondialisant qui ont accès aux ressources étatiques mais plutôt ceux qui ont un discours de droits. Même les discours mondialisants sont obligés de s’ajuster à la logique institutionnelle.
Le septième chapitre, « Politiques linguistiques et avenirs des populations de langue anglaise et de langue française au Canada », de Charles Castonguay est le plus important de cet ouvrage. Le texte est accessible et fait bien ressortir les fondements politiques des statistiques sur les langues au Canada. L’intérêt du propos de l’auteur est qu’il va aussi à l’encontre des propos en cours selon lesquels le Canada est un pays de plus en plus bilingue. Au contraire, le texte montre que l’on assiste à une montée constante de l’unilinguisme anglais au pays, au moins un million de personnes à tous les cinq ans ! Pour Castonguay, il est « difficile d’accepter le discours fédéral canadien voulant que la politique linguistique canadienne a fait progresser le français vers l’objectif d’égalité avec l’anglais » (p. 178). Il explique aussi que la variable « langue maternelle » est en voie de disparaître au profit de la première ou de la deuxième langue apprise (p. 190). Enfin, le lecteur comprendra à la suite de la lecture de ce texte que l’assimilation des francophones est toujours un enjeu fondamental au Canada. Castonguay montre aussi que la situation du français et de l’anglais dans l’Outaouais est très importante pour bien comprendre les enjeux derrière la politique linguistique canadienne par rapport à la politique québécoise. Petit détail, le texte annonce une carte que l’on ne trouve pas dans le chapitre. Enfin, le texte est beaucoup trop long par rapport aux autres chapitres. L’auteur devrait d’ailleurs ne pas hésiter à reprendre son chapitre et à le développer en vue d’en faire un ouvrage.
En somme, l’ouvrage est décevant malgré certains chapitres qui s’en tirent mieux que d’autres. Il ne contient pas une véritable problématique qui expliquerait la pertinence d’une perspective comparée pour l’étude des politiques linguistiques.
Les chapitres sont principalement descriptifs et les comparaisons statistiques ne sont pas en soi des approches comparées telles que l’annonce le titre de l’ouvrage.