Comptes rendus

Guy Bertrand, 400 capsules linguistiques II, Montréal, Lanctôt / Radio-Canada, 260 p.[Notice]

  • Nicole Gagnon

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  • Nicole Gagnon
    Professeur retraité de sociologie,
    Université Laval.

Le gardien de la langue à la Société Radio-Canada nous offre ici en vrac, vraisemblablement tels que diffusés sur les ondes de la radio publique au gré de l’inspiration du moment, une seconde fournée de ses mini-propos linguistiques, agrémentés d’une vingtaine de caricatures signées Dupras. Faute d’ordre alphabétique ou d’une classification quelconque, on a de la difficulté à s’y retrouver. A posteriori, les dites capsules peuvent cependant se regrouper en trois grandes classes : notes d’érudition sur l’origine des mots (environ 10 %) ; distinctions sémantiques auxquelles joindre de plus rares règles de grammaire ou de prononciation (environ un tiers) ; considérations proprement normatives de type « ne dites pas, mais dites », dont la majorité portent sur les anglicismes (un tiers) et quelque 13 % sur ce que Bertrand préfère appeler les régionalismes, s’évitant ainsi d’avoir à choisir entre québécismes et canadianismes. Le reste est divers (populismes, archaïsmes, néologismes…) ou mal classable. Destinée d’abord à usage interne, la norme du radio-canadienfrançais repose implicitement sur trois principes. Le premier se ramène au vieil aphorisme « l’anglicisme, voilà l’ennemi ». Quant aux deux autres, ils s’énoncent comme suit : « Certains régionalismes de chez nous sont bien formés et on peut se permettre de les utiliser dans la langue familière. Dans la langue surveillée, en revanche, il est préférable d’avoir recours à des mots appartenant au français standard commun à tous les pays francophones, ne serait-ce que pour être compris de tout le monde. » (381) Autrement dit : l’usage international prévaut sur l’usage québécois, et la langue surveillée – dite aussi « de bonne tenue » – est « plus élégante et plus correcte » (269) que la langue familière. Nonobstant son refus systématique des anglicismes et en vertu du second principe, Bertrand prescrit « match » plutôt que « joute » ou « partie », arguant que ce mot attesté depuis cent cinquante ans est devenu aussi français que les deux autres (105). Quant à nos sans doute tout aussi anciennes « bines », il faut les réserver à la langue familière, « fèves au lard » étant par contre un régionalisme de bon aloi (1). La norme radio-canadienfrançaise accepte de même « argent sale », calque « courant dans toute la francophonie » (98), « gratte-ciel » (256), qui a perdu ici son statut petitlaroussien de calque, et le pourtant régional « changement d’huile » (358). Tous les autres calques sont condamnés, si bien formés paraissent-ils (température en bas de zéro, tordre le bras, faire un fou de soi, bar à salade, chèque sans [pas de] fonds, etc., sans oublier le fameux « parler à travers son chapeau »). Les positions de Bertrand en matière de régionalismes sont beaucoup plus nuancées. Ceux de « bon aloi » ont droit de cité (aréna, 46 ; sécuritaire, 296 ; bordée, 344). Plusieurs sont « acceptables » (garde-robe, 201 ; vadrouille, 222 ; faire de l’esprit de bottine, 245) ou déclarés sympathiques (branler dans le manche, 178). Bon nombre sont confinés dans la langue familière (à la mitaine, 55 ; baveux, 104 ; taponner, 214 ; panier percé,283 ; flanquer une volée, 349) ou encore « à éviter » (fesser dans le dash, 269) bien que « sympathiques » (cossin, 208) ou « pas franchement condamnables » (vite en affaire, 135 ; j’ai hâte à, 186 ; j’ai le motton, 265). Quelques-uns enfin sont critiqués (crémage de gâteau, 226) ou condamnés (poigner, au triple sens de « poignez-vous pourquoi les hommes poignés ne poignent pas ? », 280 ; moins pire, 310; rond de poêle, 316). Ce livre sans prétention et …