Comptes rendus

Diane Lamonde, Anatomie d’un joual de parade. Le bon français d’ici par l’exemple, Montréal, Varia, 2004, 295 p.[Notice]

  • Claude Poirier

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  • Claude Poirier
    Trésor de la langue française au Québec,
    Département de langues, linguistique et traduction,
    Université Laval.

Dans l’avant-propos de son essai (p. 23-24), Diane Lamonde se désole du « traitement chape de plomb » qu’ont administré à son premier livre (Le Maquignon et son joual, Montréal, Liber, 1998) ceux qu’elle avait critiqués, c’est-à-dire « les aménagistes ». Deux ans après la sortie du second (dont il est question ici), on peut se demander pourquoi le scénario vient de se répéter : silence presque total des linguistes concernés par les attaques de Lamonde (et ils sont nombreux !), comme si l’intervention de cette dernière était sans objet. Et pourtant, on doit reconnaître qu’en dépit du ton criard de son discours polémique, l’auteure, qui est une spécialiste de la révision linguistique, soulève de bonnes questions et exprime des points de vue qui rejoignent les préoccupations d’autres observateurs de la situation linguistique québécoise. Les soixante premières pages du livre sont consacrées à une dénonciation virulente du projet de dictionnaire général dirigé par Pierre Martel et Hélène Cajolet-Laganière à l’Université de Sherbrooke, que le gouvernement du Québec a accepté de financer. Lamonde cherche à établir la preuve que ce projet a été indûment favorisé par la Commission Larose qu’elle qualifie de « désolante affaire ». D’après elle, les dés étaient pipés d’avance puisque la Commission avait été noyautée par des linguistes favorables à l’entreprise sherbrookoise ou même personnellement engagés dans sa réalisation (« ces linguistes étaient juges et partie sur la question », p. 11). Sa critique du travail de la Commission recoupe sur divers points celle que nous avons nous-même publiée (« Vers un standard linguistique in vitro », Québec français, hiver 2001-2002, p. 28), notamment à propos de la notion de « français québécois standard ». Lamonde s’étonne avec raison qu’aucun éditorialiste ne se soit intéressé aux recommandations du Rapport Larose qui ont trait précisément à cette question (p. 13). Mais ce réquisitoire contre le projet de dictionnaire de Sherbrooke, qu’on croyait devoir s’étoffer dans les chapitres suivants, sera progressivement remplacé par une accumulation de critiques linguistiques ponctuelles qui finiront par lasser le lecteur, au point de le décourager de poursuivre la lecture. Ils sont certainement rares ceux qui se sont rendus jusqu’aux annexes qui servent de déversoir pour les corrigés n’ayant pas trouvé place dans le texte principal. À partir du chapitre trois, la correctrice prend toute la place, reléguant dans l’ombre l’essayiste dont on oublie l’existence. Quel parcours a donc suivi l’auteure pour en arriver à ce résultat ? Pour appuyer sa dénonciation du projet lexicographique de Sherbrooke, Lamonde s’est employée à démontrer l’incompétence des aménagistes qui en sont les maîtres d’oeuvre. Dans un exercice de correction de sa spécialité, elle a rassemblé une collection impressionnante de fautes et de maladresses qu’elle a aperçues dans leurs écrits ou dans des textes produits par les organismes linguistiques, qu’elle considère être dans la mouvance aménagiste. Elle s’en donne à coeur joie dans sa dissection du Rapport Larose lui-même (p. 201-206), dont elle se plaît à mentionner qu’il « a fait l’objet d’une révision linguistique », en soulignant l’incongruité de formulations du type : le piétinement devant lequel se trouvait la question linguistique. Sur sa lancée, elle dévie de sa course et entreprend de faire la leçon aux auteurs de manuels correctifs, elle flagelle des journalistes dont la plume est pourtant bien cotée (comme Lysiane Gagnon et Lise Bissonnette), elle s’attaque à des spécialistes reconnus comme Chantal Bouchard dont le livre, La langue et le nombril, a été bien reçu chez les spécialistes. Tirant sur tout ce qui bouge, la correctrice en oublie presque ses premières victimes. Non seulement a-t-elle changé de cible, mais …