Deux thèmes récurrents apparaissent en filigrane sous la plume des nombreux auteurs qui y ont contribué : les défis de la nouvelle donne néolibérale au sein de l’économie mondiale auxquels la société québécoise est désormais confrontée et la question nationale, entendue au sens large du terme. L’ouvrage comporte des articles également dignes d’intérêt abordant d’autres thèmes. Faute d’espace nous n’avons pu leur accorder toute l’attention qu’ils méritaient. Ces thèmes nous ont servi de fil d’Ariane. Plusieurs articles traitent de la présence du Québec au monde selon trois principales dimensions : la situation de l’économie québécoise au sein de l’économie mondiale, la représentation politique du Québec à l’étranger et le rayonnement de la culture québécoise. Jacques Parizeau précise que la concurrence en provenance de pays tels que la Chine et l’Inde ne relève pas de la seule médiocrité des salaires qui y prévaut mais également de la rapidité de leur avancement en matière de productivité, laquelle pourrait comporter des effets imprévus en matière de pertes d’emplois au Québec. La délocalisation d’emplois manufacturiers est évoquée à l’occasion des articles portant sur toutes et chacune des régions du Québec. Vicky Boutin fait état de la fermeture de six usines textiles à Huntington (Montérégie). Quant aux régions traditionnellement exportatrices de matières premières, vulnérables à la concurrence internationale par d’autres biais encore, Majella Simard et Clermont Dugas rapportent que certaines, la Gaspésie notamment, courent le risque d’une marginalisation économique se traduisant par une rareté d’emplois et des revenus inférieurs à la moyenne québécoise. Enfin, la concurrence internationale emprunte « l’arrivée près de chez vous » d’un grand Wal-Mart, dont la prédilection va aux villes d’importance secondaire. Jacques Nantel rapporte que les répercussions sur les salaires et les revenus des fournisseurs locaux s’y font lourdement sentir. Thomas Collombat traite des effets quelque peu délétères de la concurrence internationale sur la vigueur du syndicalisme. La nouvelle donne de la concurrence mondiale interpelle également l’État québécois. Pierre-Marc Johnson avance que celui-ci est appelé à délaisser ses rôles d’intervention directe dans l’économie et à réduire sa taille et son importance relative dans le produit intérieur brut. C’est lors de la dernière campagne électorale provinciale que le modèle d’État québécois hérité de la Révolution tranquille a subi son premier coup de butoir. La bannière « réformiste » du Parti libéral comportait la « réingénierie » de l’État (cf. Daniel Maltais) au moyen de « PPP » (partenariats public-privé). Camper les tenants et aboutissants des PPP, terme rébarbatif et hors de portée de l’intelligence du grand public, tel a été le défi rigoureusement relevé par Noureddine Belhocine, Joseph Facal et Bachir Mazouz. D’emblée, le « nouveau modèle d’État » suscitera la méfiance des syndicats et de larges pans de l’opinion publique ; il ne fera pas long feu. Daniel Maltais estime que l’effet de la modernisation actuelle de l’État québécois est « clairement en continuité plutôt qu’en rupture avec ce que les gouvernements précédents avaient entrepris ». Mais le doute a germé tout de même au sein de l’intelligentsia québécoise. Pierre-Marc Johnson confesse ne plus souscrire tout à fait au modèle d’État dirigiste de la Révolution tranquille. Pas de rupture cependant eu égard aux responsabilités sociales de l’État. Sauf qu’un jugement récemment rendu par la Cour suprême du Canada dans la cause Chaouli est venu bousculer un État québécois qui, en vertu de la loi pancanadienne sur l’assurance maladie, était jusque-là le seul responsable de la desserte des soins de santé. Dans la situation nouvelle de la concurrence internationale, la question du « que faire ? » se pose forcément. Les solutions qui émergent au fil des articles se résument ainsi …
Les débats qui animent le Québec en 2006Michel Venne et Antoine Robitaille (dirs), L’Annuaire du Québec 2006, Montréal, Éditions Fides, 2005, 750 p.[Notice]
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Nicole Bousquet
Département de sociologie,
Université Laval.