Comptes rendus

Dominique Lafon, Rainier Grutman, Marcel Olscamp et Robert Vigneault (études réunies par), Approches de la biographie au Québec, Saint-Laurent, Fides, 2004, 202 p. (Archives des lettres canadiennes, XII.)[Notice]

  • Nicole Gagnon

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  • Nicole Gagnon
    Professeur retraité de sociologie,
    Université Laval.

Le titre est trop large. Il aurait été plus adéquat de présenter l’ouvrage sous le chef « La biographie au Québec: approches littéraires». Car il ne sera guère question ici de la biographie historienne savante, des biographies journalistiques (autorisées ou pas) d’hommes politiques ou autres personnages contemporains, ou encore de récits de vie d’intérêt socio-anthropologique – genres tout justes présentés dans l’article liminaire. Signées la plupart par des littéraires, les différentes contributions du recueil concernent surtout « la vie en tant que construction rhétorique » (Lucie Robert). La première partie de l’ouvrage est également mal sous-titrée. La biographie ne se situe pas « entre l’histoire et la littérature » : elle est une page d’histoire, centrée sur un individu singulier, tandis que « la bonne histoire redevient […] un genre littéraire » (Georges Duby, cité par H. Pelletier-Baillargeon, p. 154). De même qu’une vie ne peut être que racontée, la grande Histoire « repose sur une mise en intrigue » et ne fait qu’à mauvais escient l’économie de la narrativité, comme l’ont fait valoir Paul Ricoeur dans Temps et récit (1985) ou moi-même dans L’homme historien (1979). Il aurait donc mieux valu emprunter le titre d’un article cité p. 31 : « Du biographique entre “science” et “fiction” ». Le texte liminaire de Lucie Robert nous offre un bon panorama de l’évolution du genre biographique, des Vies de l’abbé Faillon dans les années 1850 jusqu’à l’hypobiographie contemporaine, « forme hybride entre le roman et la biographie » (p. 30), où se manifeste au mieux la « tension fondatrice» entre rhétorique du roman et vérité historique. Aux genres brefs de type «éloges, portraits et galerie » – caractérisés par « la légèreté de la plume, l’acuité du portrait, le trait et l’anecdote » (p. 23) – succède la biographie proprement dite, en quête d’« une forme qui permette de libérer la vie du cérémonial et qui la transforme en une aventure » (p. 25). Le type « l’homme et l’oeuvre », qui relève au premier chef de l’histoire littéraire, est inauguré par le François-Xavier Garneau de P.-J.-O. Chauveau en 1883 ; le type « l’homme et son temps », issu de l’histoire politique, « se fixe » avec un Letellier de Saint-Just de 1885. Au XXe siècle, le genre bref a perdu ce qui faisait son charme pour devenir article de dictionnaire savant, tandis que la grosse biographie indépendante est surtout le fait de journalistes. Au sujet de l’oeuvre essayiste de Fernand Ouellette – Edgar Varèse, Depuis Novalis, Je serai l’Amour – Robert Vigneault, spécialiste de L’écriture de l’essai (1994), signe une belle étude dont le premier mérite est la clarté de la « formulation ». Contrairement à l’acception courante, l’essai n’est pas une catégorie fourre-tout où ranger n’importe quelle prose d’idée ; c’est une forme « étoilée », tout le contraire de la dissertation, qui ouvre à « la voix unique du je de l’écriture » (p. 39), peu importe la thématique : politique, philosophique, psychologique, de critique littéraire… Quant à l’essai biographique, il est « le fruit d’un audacieux métissage textuel » (p. 43), du fait que le temps de la narration est subsumé sous « le présent éthique » de l’essai, autorisant ainsi la manifestation des « retentissements existentiels de l’autre dans son propre destin » (p. 44). La biographie de Varèse et surtout les Trajets avec Thérèse de Lisieux sont de beaux exemples de ce choix épistémologique pour « l’intelligence d’amour » (p. 64), fondée sur une poétique de la « fulgurance » et de l’« errance » (p. 50). Tandis que Marcel …