FR :
Le concept de modernité a été souvent interprété et utilisé dans la plus complète confusion par les praticiens québécois des sciences sociales. On reconnaît sans peine la « labilité extrême » des définitions proposées par les historiens et les sociologues. Et pourtant, pour peu que l’on consulte les textes publiés dès avant la Révolution tranquille, et déjà même au XIXe siècle, on retrouve, sous la plume des acteurs et intellectuels canadiens-français, l’intuition des quatre grandes acceptions de l’idée du « moderne », à savoir le moderne comme contemporanéité (« être moderne »), comme autopoièsis (mouvement moderniste), comme progrès socio-économique (modernisation) et comme période historique (modernité). Cette cursive typologie, que nous proposons ici sur un mode purement conceptuel alors même que nous l’illustrons de nombreux exemples tirés de la littérature des années 1850 à 1950, permettra de faire sens non seulement de l’évolution passée et récente de la société québécoise (en nous donnant l’occasion de reprendre à nouveaux frais plusieurs débats anciens sur son développement historique), mais peut-être aussi d’éviter à l’avenir de stériles discussions provoquées par une aussi curieuse que regrettable « lassitude conceptuelle ».
EN :
The concept of modernity has often been interpreted and used in the utmost confusion by Québec practitioners of the social sciences. One readily recognizes the “extreme lability” of the definitions provided by historians and sociologists. Yet if one turns to texts published in the period before the Quiet Revolution, and even going back as early as the 19th century, certain French-Canadian figures and intellectuals display an intuitive grasp of the four main meanings of the term “modern”, namely modern in the sense of contemporaneous (“being modern”), of autopoiesis (“a modernist movement”), of socioeconomic progress (”modernization”) and of a historical period (“modernity”). This cursive typology, which we suggest here purely on a conceptual basis, illustrated using many examples drawn from the literature between 1850 and 1950, enables us not only to shed light on the past and recent evolution of Québec society (providing opportunities to revive, from a new angle, several old debates on its historical development), but also perhaps to avoid pointless discussions in the future, raised by such a curious and regrettable “conceptual lassitude”.