Comptes rendus

Andrée Courtemanche et Martin Pâquet (dirs), Prendre la route. L’expérience migratoire en Europe et en Amérique du Nord du XIVe au XXe siècle, Hull, Éditions Vents d’Ouest, 2001, 248 p. (Asticou / histoire.)[Notice]

  • Carmen Mata Barreiro

…plus d’informations

  • Carmen Mata Barreiro
    Département de Philologie française
    Universidad Autónoma de Madrid (Espagne)

Andrée Courtemanche et Martin Pâquet, professeurs au Département d’histoire et de géographie de l’Université de Moncton, ont dirigé cet ouvrage, qui se présente comme un prolongement du colloque « Stratégies socioculturelles des migrations : nouveaux objets, nouvelles approches et nouvelles sources », qui s’est tenu à la Faculté des arts de l’Université de Moncton les 29 et 30 mai 1999. Les directeurs de cette publication partent d’une série de lacunes qu’ils ont repérées dans la recherche sur les migrations et particulièrement dans le bilan des recherches sur les phénomènes migratoires en langue française. D’après eux, il faudrait élargir les périodes étudiées – la période contemporaine a été privilégiée –, le cadre spatial, les groupes ethniques et les problématiques abordées pour mieux comprendre la réalité complexe des migrations et mieux la saisir dans la durée. L’explicitation d’une série de présupposés théoriques et méthodologiques, dès l’Introduction, fait prendre conscience de ses apports à la construction des méthodes d’analyse des migrations. Les premières notions présentées sont l’expérience migratoire de l’acteur migrant, qui est approchée en lien avec l’horizon d’attente, les deux étant reliées par la dimension temporelle. À partir des références temporelles, on explore les relations dialogiques de l’acteur migrant avec les champs social et culturel. L’expérience migratoire s’inspire des travaux théoriques de l’historien Reinhart Koselleck et des études historiques au sujet de la vie quotidienne (Alltagsgeschichte) ainsi que des recherches du sociologue Raymond Williams. L’expérience n’est pas seulement envisagée par rapport aux acteurs sociohistoriques (les acteurs migrants) mais aussi par rapport à l’historien ; elle se fait ainsi « exploration, enquête, vérification » (p. 15). Le concept d’horizon d’attente provient du champ des études littéraires menées en Allemagne. Une première partie des textes rassemblés touche L’expérience de la rencontre. Yves Roby étudie comment les discours des élites canadiennes-françaises des États-Unis influencent la formation de l’identité franco-américaine des Canadiens français ayant émigré en Nouvelle-Angleterre dans les années 1879-1882. Jean Morency analyse l’expérience migratoire dans l’oeuvre de Gabrielle Roy : comment l’histoire de la famille de l’écrivaine et sa propre expérience individuelle ont nourri sa réflexion sur les collectivités et sur les individus migrants, et dont rendent compte ses écrits journalistiques, ses romans et ses nouvelles. Une seconde partie tourne autour de L’Expérience familiale. Andrée Courtemanche étudie une expérience migratoire en Provence à la fin du Moyen Âge : celle des natifs du village de Bayons qui émigrent à Manosque. Elle adopte un cadre d’analyse inspiré de « récents travaux sur l’immigration qui remettent en question la vision conventionnelle de ce phénomène et [qui] s’inscrit dans leur sillage » (p. 56). Dans son approche, basée sur une microanalyse des relations sociales, de nouvelles notions sont appliquées : espace investi, espace vécu, migration de rupture, migration de maintien. En ayant également recours à la microanalyse, appliquée aux histoires familiales reconstituées d’environ 200 individus ayant émigré de France au Canada aux XVIIe et XVIIIe siècles, Yves Landry vise à mieux comprendre les circonstances et les facteurs ayant influencé leur migration : leur expérience migratoire antérieure au départ vers le Canada, la force des solidarités familiales, la pauvreté et l’exclusion familiale et sociale. Didier Poton analyse l’expérience migratoire de Louis Papin, membre d’une famille protestante saintongeaise qui quitte la France, avec plusieurs membres de sa famille, après la révocation de l’édit de Nantes (édit de Fontainebleau, 1685) et qui, après s’être installé à Amsterdam, Londres, Dublin et Lisbonne, rentre en France et adresse un mémoire à Louis XV en vue de récupérer la part de son héritage ; c’est l’étude de …