C’est un grand sociologue québécois, c’est un causeur charmant, c’est un homme de conviction et de coeur qui vient de s’éteindre, en laissant derrière lui, moins un système de pensée qu’une certaine vision de la discipline sociologique, de la société canadienne et du monde. Car Hubert Guindon, par crainte de devoir leur sacrifier sa liberté, n’a jamais voulu flirter avec les modes intellectuelles, ni n’a recherché les honneurs (toujours trop solennels, jamais assez sérieux!) que les institutions distribuent à ceux qui s’y enferment. Il a été, de son propre aveu, une sorte de perpétuel « paria », un marginal impénitent, entretenant jusqu’à sa mort une « méfiance viscérale » à l’égard des institutions et des embrigadements de la pensée. Hubert Guindon était l’homme des paradoxes. Il les accumulait, il les collectionnait sans les avoir jamais vraiment cherchés. Il avait cette pensée vagabonde qui est la marque des esprits libres. Indépendantiste depuis la Crise d’octobre, il a enseigné dans une institution anglophone (Sir George Williams, devenue plus tard l’Université Concordia) et a publié la plus grande partie de son oeuvre d’abord en anglais. Reconnu par la communauté intellectuelle anglophone comme une des meilleures références sur l’évolution du Québec, il n’a pour ainsi dire jamais été invité à prononcer une conférence après la réélection du Parti québécois en 1981. Franco-Ontarien habitant Montréal, il avait tout à la fois, pour paraphraser la belle expression de Gilles Paquet, la ferveur des patriotes et « l’ironie des immigrés ». Critique de l’Église catholique, agnostique de la première heure, il avait caressé l’idée d’embrasser la prêtrise avant de revenir à la foi vers la fin de sa vie, allant jusqu’à accepter de siéger à un sous-comité consultatif de l’Assemblée des évêques. La vie de Guindon, lui-même l’a contée dans une entrevue accordée aux Cahiers d’histoire du Québec au XXe siècle (Stapinsky, 1997). Né à Bourget (Ontario) en 1929, il déménage plus tard, en 1936, après la faillite du magasin général familial, à Apple Hill, près de Cornwall. Unilingue français, ainsi que la vaste majorité de ses confrères de classe, il doit fréquenter, contexte ontarien oblige, une école primaire tenue par des religieuses anglophones. Le petit séminaire d’Ottawa accueille, en 1941, un élève plutôt indiscipliné et paresseux, rétif aux routines, critique de l’enseignement de ses professeurs, et pourtant extrêmement brillant, toujours un des premiers de sa classe. Son année de rhétorique terminée, il entre au séminaire universitaire de l’Université d’Ottawa pour y suivre trois années de cours centrés sur la scolastique thomiste. Lorsqu’il en sort, il a perdu la foi. Il s’inscrit en 1950 à l’Institut d’études médiévales de la rue Rockland. Des intellectuels français du renouveau catholique, tels Henri-Irénée Marrou et Étienne Gilson, s’y relaient pour faire la promotion d’une ouverture plus grande de la foi catholique aux défis du « monde moderne ». Tout à compléter sa scolarité de doctorat, il fait la rencontre de Noël Mailloux, directeur du Département de psychologie de l’Université de Montréal, lequel lui parle pour la première fois de sociologie. Il écrit à Guy Rocher, qu’il ne connaît que de réputation, afin d’en savoir un peu plus sur cette science sociale dont on commence à dire beaucoup de bien dans les milieux catholiques progressistes. Toujours hésitant, toujours indécis, mais toujours confiant en sa bonne fortune, Guindon se décide à faire deux demandes d’inscription, l’une en anthropologie à l’Université Harvard, l’autre en sociologie à l’Université de Chicago. Refusé à Harvard, il est accepté à Chicago. C’est donc en sociologie qu’il ira étudier. Pour la première fois, il devient un étudiant assidu, appliqué, ce qui ne l’empêche pas de …
Parties annexes
Bibliographie
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