Le livre de Madeleine Sauvé, La Faculté de théologie de l’Université de Montréal, est un ouvrage témoin. L’auteure réussit une synthèse précise et éloquente d’une histoire complexe. Le sous-titre, Mémoire et histoire (1967-1997), en révèle l’intention directrice : soit poser le regard de la mémoire sur ces trois décennies, dans le contexte de la seconde moitié du XXe siècle, tout en inscrivant cette période dans la continuité qui la fonde. L’année 1967 est la borne de départ de la nouvelle situation de la Faculté ; résumé sous les termes d’« intégration académique et administrative à l’Université de Montréal », cet événement prend figure concrète dans la venue et l’installation sur le campus universitaire de la Faculté établie au Grand Séminaire de Montréal depuis ses origines en 1878. Le regard de la mémoire s’applique à reconstituer le fond de scène des événements récents : ainsi, il donne un bref aperçu de l’enseignement de la théologie aux heures lointaines de l’établissement de la succursale de l’Université Laval à Montréal, et même en deçà puisqu’il touche les conditions de l’enseignement de la théologie depuis 1840, alors que Mgr Ignace Bourget confie à la Compagnie de Saint-Sulpice la formation théologique des prêtres de son diocèse. Le regard de la mémoire scrute ensuite les indices témoignant du statut universitaire de la Faculté de théologie de l’Université de Montréal entre 1920 et 1960 environ ; de là, il laisse percevoir les signes d’une certaine résistance à l’établissement de la Faculté sur le campus à travers les pourparlers des années 1960 à 1967, alors que la Faculté et les scolasticats religieux de la grande région métropolitaine – à l’initiative du recteur de l’Université, Mgr Irénée Lussier, et de l’archevêque de Montréal, le cardinal Paul-Émile Léger – s’appliquent à promouvoir l’intégration à part entière de la Faculté à l’Université. À compter de 1967, le regard enregistre les traits sociaux et politiques, religieux et ecclésiaux, qui caractérisent la Révolution tranquille et ses lendemains. S’y démarquent les revendications de 1968 en faveur desquelles les étudiants de la Faculté de théologie déploient une ardeur exemplaire ; s’y inscrivent les mises en question de la présence de la Faculté canonique dans l’Université laïque et neutre en vertu de sa charte civile de 1967 ; s’y impose le tableau des relations tendues entre la Faculté et les autorités ecclésiastiques à l’heure des recommandations de la Commission Deschênes, en 1970 ; peu après, s’y étalent en haut-relief ces mêmes rapports envenimés par les directives romaines touchant les professeurs de théologie, prêtres en instance de retour à l’état laïque. Chacun de ces faits touchant la vie même de la Faculté porte bien au-delà de celle-ci : ils sont un écho, voire une expression typique de l’effervescence qui travaille alors l’ensemble de la société québécoise. Émancipation, sécularisation, distanciation s’y conjuguent pour revendiquer des libertés nouvelles, pour faire advenir les promesses de la modernité, pour consacrer l’autonomie des institutions, des groupes, des personnes. Le statut de la Faculté, les exigences canoniques auxquelles elle est soumise, le contexte inédit créé par son intégration académique et administrative – aussi bien pour les étudiants que pour les professeurs – offrent l’occasion de manifester et d’illustrer la révolution sociale, politique et religieuse en cours. Ce regard de la mémoire perçoit également l’évolution du système scolaire du Québec à travers les programmes à l’intention des enseignants en catéchèse, en enseignement religieux et moral, puis en sciences de la religion. Par là s’esquisse en filigrane le mouvement de l’école confessionnelle d’hier à l’école laïque d’aujourd’hui. Et ce thème n’est qu’un exemple parmi d’autres qui s’offrent au lecteur comme …