Alors que continue de fermenter le rêve d’un meilleur équilibre des conditions de vie entre tous les hommes, et cela, à toutes les étapes de l’existence, on découvre aujourd’hui, de façon palpable, les pièges et les malaises que soulève la vieillesse : l’isolement, l’insécurité, l’angoisse de l’avenir, etc. Dans cette spirale, l’évolution démographique pose un véritable défi à la société québécoise. C’est ainsi que dans le contexte de la réduction du rôle providentiel de l’État et d’un système de santé qui n’en finit plus de se reconfigurer, différents acteurs sociaux sont mis à contribution dans l’assistance aux aînés. Mais comment s’y prendre ? Comment atténuer un environnement marqué par la fragilité, la maladie, l’isolement ou l’exclusion ? Comment articuler les pratiques d’aide et de soins à domicile ? L’ouvrage cité aborde ces questions avec finesse et clairvoyance à travers des témoignages recueillis auprès d’aidés, d’intervenantes et d’organismes qui oeuvrent dans le soutien à domicile et qui composent avec ce que les auteurs appellent « la dépendance ». L’originalité vient du point de vue avec lequel la question est abordée : celle du lien social et de son expression dans les relations de soin. Cette interrogation sur les liens sociaux est, selon les auteurs, au coeur de la finalité des organismes intermédiaires insérés entre la famille et les services publics ; elle est au coeur des pratiques d’aide et de soin qui se déploient entre l’aide familiale et les soins professionnels. En somme, le problème de la dépendance est celui de la fragilité et de la mutation des liens sociaux. Alors, quelles sont les conditions d’établissement de différentes formes de relations et d’interdépendance dans les soins (conditions matérielles, confiance et dépendance, reconnaissance des compétences et des besoins, motivations, etc.) se demandent les auteurs ? Sur quel lien repose l’aide ? Au-delà du lien intervenant-usager, des groupes recherchent d’autres formes de liens : des liens d’amitié et d’entraide où on trouverait une certaine égalité et une liberté. Le lien c’est important. C’est ce au nom de quoi la relation prend telle ou telle forme et ce qui orchestre l’attitude ou la manière d’être de l’aidé et de l’intervenant, disent les auteurs. Le chapitre deux, Des organismes en mouvance, présente les organismes intermédiaires qui suppléent aux services du secteur public ou les complètent : a) les organismes communautaires (bénévoles) ; b) les entreprises privées ; c) les entreprises d’économie sociale. Ces organismes se distinguent par différents aspects : leur mission, les liens de partenariat, les services offerts et le personnel. Et là des questions judicieuses, voire fondamentales, attirent l’attention du lecteur. Que peut-on demander par exemple aux bénévoles ? Quelle aide ces personnes peuvent-elles assumer, pour quels soins peut-on se reposer sur elles (p. 29) ? Les services privés, qui sont de plus en plus des services de base lorsque les services publics ne suffisent plus, vont-ils passer du service d’appoint au service courant (p. 34) ? Pour leur part, les entreprises d’économie sociale par leur double objectif (qualité des services et intégration à l’emploi) peuvent soulever l’interrogation suivante : « Comment offrir aux employés des conditions de travail convenables sans faire assumer une trop grande part du coût aux usagers, tout en demeurant concurrentiel face aux travailleurs au noir ? » (p. 51). Gratuité, qualité des services, rémunération des aidants, voilà quelques-unes des valeurs en cause. Mais un constat se dégage : dans toutes ces pratiques d’aide et de soin se traduit la valeur fondamentale de ce qui circule et du lien qui soutient l’échange, donnant ainsi une signification aux gestes posés. Le troisième chapitre traite Des relations et des liens. Les …
Éric Gagnon et Francine Saillant, avec la collaboration de Catherine Montgomery, Steve Paquet et Robert Sévigny, De la dépendance et de l’accompagnement. Soins à domicile et liens sociaux, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 2000, 232 p. (Sociétés, cultures et santé.)[Notice]
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Suzie Robichaud
Département des sciences humaines,
Université du Québec à Chicoutimi.Josée Savard