Résumés
Résumé
D'aucuns laissent croire que l'élection, en novembre dernier, d'un gouvernement indépendantiste et social-démocrate marque un point tournant dans l'histoire du Québec. Deux livres récemment sortis arrivent, à cet égard, à point. Dans l'introduction à Histoire du Québec, publié chez Édisem sous sa direction, Jean HAMELIN annonce l'intention des rédacteurs : interroger le passé pour exposer les racines de l'identité québécoise actuelle. Pierre-André JULIEN, Pierre LAMONDE et Daniel LATOUCHE, en écrivant par ailleurs Québec 2001 : une société refroidie (pour le compte des Éditions du Boréal Express), chaussent les bottes à sept lieues du « futurologue » et vont chercher à l'autre bout des arcs-en-ciel statistiques l'image d'un avenir possible pour la société québécoise.
Les deux œuvres s'emboutissent sur d'autres vecteurs que celui de la linéarité temporelle. Les historiens ne veulent pas « tomber dans la fausse sociologie historique » — lire : Léandre Bergeron et autres petits chaperons rouges — tandis que les scénaristes du futur se défendent de justifier leur approche « à partir d'une position marxiste . . . [car] cela n'aurait en rien été conforme à [leur] démarche réelle ». L'autocritique par induction marxiste est, en ce pays, un phénomène relativement neuf et, si l'on en juge par les travaux considérés ici, d'une grande fécondité : une histoire où les collectivités réelles contestent l'avant-scène aux États et personnages officiels, et une prospective heureusement consciente de certaines de ses limites.
Dans cette mesure, nos auteurs s'affichent résolument révisionistes. «Quelques illustres que furent nos devanciers» écrit Hamelin en ménageant les mânes de Groulx et de Garneau, «ce n'est pas être iconoclaste que d'interroger les textes qu'ils ont lus et de remettre en cause leur vision de ce qui fut ». Quant à Latouche et compagnie, ils s'avouent éveillés au fait que leur concept central de « société post-industrielle » est « idéologique, ambigu et messianique » et labourent de bons coups de griffe Daniel Bell et Hermann Kahn, tout en patinant sur la même glace mince que leurs maîtres américains.
On a affaire à des « nationalistes » au sens large : les uns et les autres croient à l'existence d'une « nation » proprement québécoise. De là, on
diverge nettement. Les historiens de l'Université Laval, comme leurs collègues sociologues, cherchent la nationalité dans la culture, une anthropologie différente fondant l'identité nationale des Canadiens français du Québec. Les intellectuels montréalais ou trifluviens du Centre de recherches sur l'urbanisation de l'I.N.R.S. et de TU. du Q. perpétuent la tradition positiviste: parle-t-on de démographie proprement québécoise, de structures économiques ou sociales proprement québécoises ? Mais non. Le Québec asseoit une société contemporaine parmi d'autres, ses valeurs et son identité collective découlent de réalités « sociétales » directement observables sinon quantifiables, l'État, au premier chef, incarne la nation, créé l'appartenance.
Errons-nous à penser que ce sont là des raisons suffisantes pour lire ces deux livres ? D'autant plus que le lecteur y trouvera, sinon des informations neuves, du moins une remise en forme et une consolidation des informations éparpillées ailleurs. À ce titre, et chacun à sa manière, L’Histoire du Québec et Québec 2001 sont des sources, et des livres, de base. Des sommes.
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