Volume 17, numéro 1, 1976
Sommaire (5 articles)
Articles
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La baisse de la fécondité au Québec à la lumière de la sociologie québécoise
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Populisme et progrès : les créditistes québécois
Gabriel Gagnon
p. 23–34
RésuméFR :
La liaison entre progrès économique, social et culturel est de plus en plus remise en question, autant par les adeptes de la nouvelle culture que par les tenants d'un renouveau du marxisme. La modernisation, la bureaucratisation et la rationalisation n'apparaissent plus nécessairement comme des éléments essentiels du progrès social. Les vieilles distinctions entre socialisme scientifique et socialisme utopique s'estompent de plus en plus avec les premières concrétisations de l'autogestion et le réveil des nationalités à l'intérieur même des sociétés industrielles. C'est à la lumière de cette évolution des idéologies que nous avons décidé d'analyser dans une perspective nouvelle le phénomène créditiste, mouvement politique québécois protestataire, important surtout en milieu rural et dans les villes situées en dehors de la zone métropolitaine de Montréal, dont l'implantation et les succès électoraux ont fait depuis les années trente un rival sérieux des vieux partis et, depuis 1970, du Parti Québécois indépendantiste. Mouvement de type populiste, le créditisme a été jusqu'à maintenant défini surtout comme réactionnaire, tant par les commentateurs politiques que par les chercheurs scientifiques. Après avoir présenté une analyse critique de ces interprétations, nous espérons montrer comment une nouvelle façon de voir les choses pourrait conduire à de tout autres résultats. En exposant finalement les perspectives générales d'une recherche qui n'en est qu'à ses débuts, nous déboucherons sur un certain nombre de propositions utiles, selon nous, pour l'analyse de la culture des classes dominées du Québec.
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La culture politique de la C.S.D.
Gabriel Gaudette
p. 35–72
RésuméFR :
La jeunesse de la collectivité dont nous nous proposons de faire l'étude du point de vue de sa culture politique nous amène à donner une grande place aux événements qui ont entouré sa création. Le petit nombre de documents, de même que la quantité relativement restreinte d'interventions de la C.S.D., ne nous permettent pas d'y fonder une analyse vraiment sérieuse. Tout d'abord, les dossiers présentés et adoptés au congrès de fondation et qui forment encore le gros du discours écrit de la C.S.D. n'ont pas encore eu l'occasion d'être vraiment étudiés par les membres de la nouvelle centrale et assimilés par eux. Ils sont fortement imprégnés de la marque de leurs auteurs, et on ne saurait croire que leur adoption massive lors du premier congrès exprime une identité de vues vraiment réfléchie entre leurs auteurs et les syndiqués de la base, au niveau du discours proprement dit. Ensuite, la C.S.D. a une existence trop jeune pour que ses prises de positions, son action syndicale façonnent une image un peu complète de son idéologie et de sa culture politique. C'est plutôt le processus qui a conduit à la fondation de la C.S.D. — c'est-à-dire l'opposition au sein de la C.S.N., la scission et la construction d'une forme d'organisation qu'on a voulu nouvelle et protégée des faiblesses de celle que l'on venait de quitter avec fracas — qui nous mettra en présence des valeurs fondamentales qui ont dirigé tout le mouvement et présidé à la formulation d'une culture politique propre à la collectivité.
Il nous apparaît important, voire essentiel, dans cette perspective, de nous rapprocher le plus près possible de l'analyse des événements faite par ces hommes, de leurs critiques; ce n'est pas tant le fait lui-même que l'interprétation qu'on lui donne qui retiendra notre attention. Dans une étude de la culture politique d'une collectivité née d'un conflit, cette approche nous semble la mieux justifiée. C'est par elle que nous pourrons parvenir à mieux saisir les préoccupations manifestées dans le projet de la nouvelle centrale et que nous serons plus à même de situer l'importance relative des divers éléments de ce projet. Le projet est indissociable de sa phase de formulation. C'est là qu'il se rattache à la subjectivité des hommes ou des groupes qui l'articulent et c'est par le biais de ce subjectivisme des acteurs étudiés que nous pourrons percer le mur du formalisme et de l'officiel.
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Un ouvrier du textile
Note critique
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Le mythe de " l'habitant sensible au marché ". Commentaires sur la controverse Le Goff Wallot et Paquet
Fernand Ouellet
p. 115–132
RésuméFR :
Dans notre Histoire économique et sociale, livre dont certains aspects ont tellement accaparé l'attention et les énergies des professeurs Wallot et Paquet depuis 1966, nous avons défini l'habitant canadien-français comme un paysan traditionnel ayant, au début du Régime britannique, un niveau de pratiques agricoles inférieur à celui de la majorité des paysans européens. De 1760 à 1802, nous avons montré comment et à quelles conditions ce paysan s'était adapté positivement à l'ouverture d'un marché extérieur pour son blé.1 Il est évident que nous n'avons jamais, ainsi que les professeurs Wallot et Paquet le répètent d'un texte à l'autre, usant chaque fois d'une terminologie un peu différente, qualifié ce paysan du XVlIIe siècle de « morbidement conservateur ». Nous avons cependant montré qu'à partir du début du XIXe siècle, lorsque les conditions changent et lorsque se pose le défi de la révolution des techniques agricoles, le paysan, au lieu de transformer ses façons de faire, se durcit et résiste aux pressions en faveur de la rénovation du système agricole. Si notre « habitant » a subi un traumatisme, ce n'est pas au moment de la conquête mais au moment où le système agricole traditionnel ne peut plus fonctionner comme autrefois. Les professeurs Wallot et Paquet ont donc construit leur thèse de « l'habitant sensible au marché » pour répondre à une soi-disant définition de la mentalité paysanne comme « morbidement conservatrice ».
De même nous avons situé l'émergence du nationalisme canadien-français dans le cadre d'un ensemble de transformations structurelles à la fois économiques, sociales et démographiques. Nous avons dit que ce nationalisme était né pour toutes sortes de raisons parmi les professions libérales et qu'il s'était rapidement diffusé dans les milieux paysans sous l'effet de l'apparition du problème agricole et des pressions démographiques. Encore là, les professeurs Wallot et Paquet ont réduit notre analyse à un simple rapport entre nationalisme et malaise agricole. À partir de cette lecture rapide, ils ont édifié leur remise en question de l'existence d'une crise agricole pendant la première décennie du XIXe siècle en utilisant quelques modèles qui naturellement s'appliquent! Leurs trop nombreux problèmes de lecture, tels ceux que nous avons mentionnés, ont contribué à obscurcir le débat et à le rendre presque stérile.
L'intervention du professeur Le Goff dans cette discussion, à laquelle nous avions renoncé, a non seulement servi à la clarifier mais à attirer l'attention sur la vulnérabilité de la thèse Wallot et Paquet. La mise au point magistrale qu'il reçoit des deux auteurs ne fait à notre avis qu'accentuer l'extrême fragilité de leur interprétation. Ce regroupement des données de leurs précédents travaux met en relief les insuffisances de leurs modèles et même de leur information.