Résumés
Résumé
Le problème que pose dans une société moderne la relation État-citoyen est assez complexe. Il peut être enrichissant de lire à ce sujet les ouvrages des politicologues ou d'en parler avec un interlocuteur à l'esprit ouvert; il est plus difficile cependant d'en discuter à vingt-cinq, devant un auditoire du métier. C'est sans doute aux situations de ce genre que s'applique le vieux proverbe : tôt capita, quot sensus. Et encore. Quand les participants sont sélectionnés de façon à représenter un échantillon « tout azimut », on ressent la nécessité d'un CRTC pour donner à chacun sa longueur d'ondes et éviter la cacophonie. On retrouve dans un des films de Leone cette phrase : la révolution, c'est la confusion ; après deux jours de colloque on a envie de paraphraser: la démocratie, c'est la confusion. L'ennui, en démocratie, a dit quelqu'un de célèbre, c'est qu'il y a trop de monde à s'occuper de l'État. Vous comprendrez donc que je n'ai pas la prétention ni d'ailleurs l'intention de donner un compte rendu fidèle du colloque en pondérant les interventions selon leur longueur ou leur profondeur. Je n'ai pas ce talent de monteur (j'aspirerais plutôt à devenir tombeur !) pour racoler de façon logique des rushes ou des bribes d'interview en une demi-heure cohérente, comme on le fait à Radio-Canada.
Le colloque s'est tenu les jeudi et vendredi, 10 et 11 octobre 1974, au lac Delage. Il groupait dix-huit participants ' dont M. Pierre Nadeau qui dirigeait les débats. Ces « hommes ressources » discutaient en présence d'un auditoire de connaisseurs, composé surtout de fonctionnaires impliqués dans la communication.
Ils avaient à leur tête le ministre des communications, M. Jean-Paul L'Allier et le directeur général des communications, M. Gilles Loiselle, qui ont été les principaux interlocuteurs gouvernementaux.
Cette « rencontre avec les experts » n'était qu'une étape d'un processus plus vaste de réflexion sur la relation État-citoyen. La première étape avait été l'étude de Vincent Lemieux, menée auprès des fonctionnaires et qui servait, avec le texte de M. Jean-Paul Quinty, responsable de toute l'opération, de position de problème et d'amorce au débat.
De façon générale, le colloque a été stimulant, et, pour plusieurs, jusqu'à la frustration. Tous les problèmes ont sans doute été abordés, les uns de manière théorique, les autres de manière pratique. Toutes les solutions? ça c'est une autre histoire. Peut-être à cause de la présence du ministre L'Allier, je pense que le colloque s'est plutôt défini «dans l'opposition », chacun accusant l'État de sa carence préférée. Le tableau impressionniste qui s'en dégage est pessimiste et noir. Une des fonctions des groupes de référence est la fonction normative car ces groupes nous fournissent des situations de comparaison qui servent de base à nos jugements ; à part quelques très rapides allusions à l'histoire et aux pays totalitaires, les normes de comparaison sont demeurées les aspirations de chacun: le Québec, croyez-moi, est loin de ce qu'on voudrait qu'il soit ! C'est peut-être Vincent Lemieux qui a posé le meilleur diagnostic d'ensemble : « Dans les années 60, on a cru à une formule qui était celle de l'État-levier. » Ce fut une erreur, dira-t-il un peu plus tard, l'État n'était pas un levier, mais une masse à soulever. Mais de toute façon, on s'est attaché à rénover la politique et la fonction publique. C'est peut-être cette arrivée soudaine de l'État à l'avant-scène de la société québécoise qui nous sert maintenant de beaudet contre la peste. « À partir d'une date connue, avait dit plus tôt le Frère Untel, soumis aux diaphragmatiques coliques du rattrapage, nous avons saccagé les solidarités existantes pour les remplacer par des organigrammes. » Tout le problème que nous avons posé au colloque m'apparaît graviter de près ou de loin autour de ce thème : il y a des trous dans l'organigramme. Il semble que la population en soit parfois absente; quand elle y est présente, les labyrinthes qu'elle doit parcourir pour obtenir les services qu'elle désire sont tels qu'ils décourageraient, en situation expérimentale, tout autant les rats que les psychologues ! Ce n'est pas nécessairement le fait d'une mauvaise volonté, bien que dans certains secteurs la mauvaise volonté soit manifeste et plus encore, quelle horreur ! fasse partie des règles du jeu. C'est plutôt le fait d'une situation d'hypercomplexité. Après avoir participé au colloque, poser le problème en termes de la relation État-citoyen apparaît comme une terrible simplification. On s'aperçoit vite qu'il y a polyvalence des deux partis : il y a plusieurs « État » et plusieurs « citoyen ». Essayons, donc de démêler l'écheveau pour tisser ne serait-ce que la silhouette des problèmes cruciaux.