Volume 16, numéro 3, 1975 La communication administrations/publics
Sommaire (9 articles)
Articles
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Administrations et publics : leur problème de communication
Vincent Lemieux
p. 299–305
RésuméFR :
Ce numéro de Recherches sociographiques porte sur un thème malheureusement négligé dans l'étude de nos sociétés actuelles. Si l'inventaire de Germain Julien et Denys Trudel, présenté à la fin du numéro, s'était étendu à ce thème, il aurait montré que la recherche sur la communication entre les administrations et leurs publics est à peu près inexistante. Cette situation n'est pas propre au Québec. Partout à travers le monde le domaine de la communication et plus largement des relations entre les administrations et leurs publics a été relativement peu étudié. Même les Américains, dont les armées de chercheurs touchent à tout ou presque, reconnaissent aujourd'hui cette carence. Au début d'un ouvrage récent, on lit ceci : « There is a vast and profound neglect of the perceptions, experiences, and reactions of the people who themselves are supposedly being served. » Comme l'indique cette citation, c'est surtout le point de vue des administrés ou des publics qui a été peu étudié. Une littérature scientifique un peu plus abondante existe sur le point de vue et les problèmes des administrations, dans leurs relations avec les publics. L'ouvrage de Peter M. Blau demeure exemplaire à cet égard. Mais sur le point de vue et les problèmes des administrés les titres sont peu nombreux. Et parmi ces travaux aucun n'a porté spécifiquement sur la communication entre les administrations et leurs publics. Nous explorerons donc dans ce numéro un champ tout neuf.
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L'information administrative : une analyse politique préliminaire
Claude Edgar Dalphond
p. 307–319
RésuméFR :
L'information administrative apparaît de plus en plus comme un sujet litigieux. De nombreux observateurs croient que l'État doit faire plus que distribuer des dépliants à droite et à gauche. Plus encore qu'à une information objective, certains souhaitent que le citoyen puisse avoir accès à toute l'information dont il a besoin au moment où il en a besoin. D'autres espèrent une participation plus grande des gens à l'intérieur du, processus de la communication politique.
Dans le but de faire le point sur la question, une vaste recherche sur la communication État-citoyen, fut menée, par le Ministère des communications du Québec, en 1974. Parmi ses composantes, on retrouvait un sondage téléphonique, une consultation populaire, réalisée à partir d'un bref questionnaire publié dans les hebdos qui ont voulu collaborer, ainsi qu'une rencontre d'experts. L'effort principal a cependant porté sur la réalisation, auprès de hauts fonctionnaires, de fonctionnaires et de clients de quelque soixante-quinze entrevues de groupes qui ont touché plus de cinq cent cinquante participants.
À cette fin, le Ministère des communications a offert à des fonctionnaires de participer à des sessions spéciales de formation à l'entrevue de groupe. Plus d'une vingtaine de ces animateurs ont par la suite réalisé, dans les ministères et leurs bureaux régionaux, ces entrevues dont la durée variait entre une et cinq heures. Ce sont les comptes rendus écrits et les bobines magnétiques de ces entrevues qui ont fourni l'essentiel des données ayant servi à la préparation d'un rapport final du professeur Vincent Lemieux, de l'Université Laval.
Même après cette première analyse politique de la communication État-citoyen, il subsistait une multitude d'informations dont l'analyse offrait un intérêt certain. C'est de l'amorce de ce travail dont veut rendre compte ce texte qui se présente comme un inventaire des divers aspects de l'information administrative.
Pour ordonner la présentation des données, le schéma de la communication de Roman Jakobson possédait l'avantage d'être complet en plus de définir succinctement les facteurs de la communication. L'auteur en donne le résumé suivant :
« Le destinateur envoie un message au destinataire. Pour être opérant, le message requiert d'abord un contexte auquel il renvoie [...], contexte saisissable par le destinataire, et qui est, soit verbal, soit susceptible d'être verbalisé; ensuite, le message requiert un code, commun, en tout ou au moins en partie, au destinateur et au destinataire [...] ; enfin, le message requiert un contact, un canal physique et une connexion psychologique entre le destinateur et le destinataire, contact qui leur permet d'établir et de maintenir la communication. »:
En filigrane du texte, on reconnaîtra également le modèle d'analyse politique du professeur Lemieux, dont les concepts serviront à élaborer les hypothèses auxquelles conduira l'inventaire. Rappelons certains éléments de sa définition de l'analyse politique:
«C'est l'analyse de la lutte pour le contrôle [...], cette lutte ayant pour enjeu des choix publics, attributeurs de moyens [...], qui sont articulés entre eux selon une distinction en trois niveaux: politique, administratif et social. La puissance pour un acteur, c'est alors de conformer le choix public à son choix privé. »
Parmi les moyens de puissance, on note les ressources, les contacts et les pouvoirs qui formeront l'objet des premières parties de cet inventaire. Il sera complété par une analyse des alliances, ou des stratégies, élaborées par les agents politiques pour compenser l'absence de certains moyens.
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Le colloque : une réflexion sur la relation État-citoyen
Jacques DeGuise
p. 321–335
RésuméFR :
Le problème que pose dans une société moderne la relation État-citoyen est assez complexe. Il peut être enrichissant de lire à ce sujet les ouvrages des politicologues ou d'en parler avec un interlocuteur à l'esprit ouvert; il est plus difficile cependant d'en discuter à vingt-cinq, devant un auditoire du métier. C'est sans doute aux situations de ce genre que s'applique le vieux proverbe : tôt capita, quot sensus. Et encore. Quand les participants sont sélectionnés de façon à représenter un échantillon « tout azimut », on ressent la nécessité d'un CRTC pour donner à chacun sa longueur d'ondes et éviter la cacophonie. On retrouve dans un des films de Leone cette phrase : la révolution, c'est la confusion ; après deux jours de colloque on a envie de paraphraser: la démocratie, c'est la confusion. L'ennui, en démocratie, a dit quelqu'un de célèbre, c'est qu'il y a trop de monde à s'occuper de l'État. Vous comprendrez donc que je n'ai pas la prétention ni d'ailleurs l'intention de donner un compte rendu fidèle du colloque en pondérant les interventions selon leur longueur ou leur profondeur. Je n'ai pas ce talent de monteur (j'aspirerais plutôt à devenir tombeur !) pour racoler de façon logique des rushes ou des bribes d'interview en une demi-heure cohérente, comme on le fait à Radio-Canada.
Le colloque s'est tenu les jeudi et vendredi, 10 et 11 octobre 1974, au lac Delage. Il groupait dix-huit participants ' dont M. Pierre Nadeau qui dirigeait les débats. Ces « hommes ressources » discutaient en présence d'un auditoire de connaisseurs, composé surtout de fonctionnaires impliqués dans la communication.
Ils avaient à leur tête le ministre des communications, M. Jean-Paul L'Allier et le directeur général des communications, M. Gilles Loiselle, qui ont été les principaux interlocuteurs gouvernementaux.
Cette « rencontre avec les experts » n'était qu'une étape d'un processus plus vaste de réflexion sur la relation État-citoyen. La première étape avait été l'étude de Vincent Lemieux, menée auprès des fonctionnaires et qui servait, avec le texte de M. Jean-Paul Quinty, responsable de toute l'opération, de position de problème et d'amorce au débat.
De façon générale, le colloque a été stimulant, et, pour plusieurs, jusqu'à la frustration. Tous les problèmes ont sans doute été abordés, les uns de manière théorique, les autres de manière pratique. Toutes les solutions? ça c'est une autre histoire. Peut-être à cause de la présence du ministre L'Allier, je pense que le colloque s'est plutôt défini «dans l'opposition », chacun accusant l'État de sa carence préférée. Le tableau impressionniste qui s'en dégage est pessimiste et noir. Une des fonctions des groupes de référence est la fonction normative car ces groupes nous fournissent des situations de comparaison qui servent de base à nos jugements ; à part quelques très rapides allusions à l'histoire et aux pays totalitaires, les normes de comparaison sont demeurées les aspirations de chacun: le Québec, croyez-moi, est loin de ce qu'on voudrait qu'il soit ! C'est peut-être Vincent Lemieux qui a posé le meilleur diagnostic d'ensemble : « Dans les années 60, on a cru à une formule qui était celle de l'État-levier. » Ce fut une erreur, dira-t-il un peu plus tard, l'État n'était pas un levier, mais une masse à soulever. Mais de toute façon, on s'est attaché à rénover la politique et la fonction publique. C'est peut-être cette arrivée soudaine de l'État à l'avant-scène de la société québécoise qui nous sert maintenant de beaudet contre la peste. « À partir d'une date connue, avait dit plus tôt le Frère Untel, soumis aux diaphragmatiques coliques du rattrapage, nous avons saccagé les solidarités existantes pour les remplacer par des organigrammes. » Tout le problème que nous avons posé au colloque m'apparaît graviter de près ou de loin autour de ce thème : il y a des trous dans l'organigramme. Il semble que la population en soit parfois absente; quand elle y est présente, les labyrinthes qu'elle doit parcourir pour obtenir les services qu'elle désire sont tels qu'ils décourageraient, en situation expérimentale, tout autant les rats que les psychologues ! Ce n'est pas nécessairement le fait d'une mauvaise volonté, bien que dans certains secteurs la mauvaise volonté soit manifeste et plus encore, quelle horreur ! fasse partie des règles du jeu. C'est plutôt le fait d'une situation d'hypercomplexité. Après avoir participé au colloque, poser le problème en termes de la relation État-citoyen apparaît comme une terrible simplification. On s'aperçoit vite qu'il y a polyvalence des deux partis : il y a plusieurs « État » et plusieurs « citoyen ». Essayons, donc de démêler l'écheveau pour tisser ne serait-ce que la silhouette des problèmes cruciaux.
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L'analyse et l'acheminement du feedback
Jean-Paul Quinty
p. 337–351
RésuméFR :
Quand elle veut explorer des territoires neufs, toute recherche débute par des tâtonnements. Avant d'arriver à préciser les buts et objectifs, on nage dans le farfelu inventoriant toutes les hypothèses possibles, un peu comme un touriste avide en nowhere qui use sa savate à arpenter du matin au soir, quand ce n'est pas du soir au matin, toutes les avenues et rues d'une ville en quête de découvertes que ne révèlent pas les dépliants où sont proposés les circuits traditionnels.
Nous avons commencé ce cheminement harassant et nous en sommes rendus à des vues plus précises du sujet qui nous occupe: la rétroaction ou le feedback.
Nous traçons d'abord un portrait des acteurs en présence dans la relation État-citoyen, leurs modes d'organisation en vue du dialogue, leurs modes d'expression comme leurs modes de réception et de canalisation des outputs qu'ils se transmettent. Suite à la description de la situation, nous jouons à la problématique, à un essai de définition pour ensuite exposer le cheminement que nous entendons suivre.
Il importe de faire une distinction au départ ; ce sont trois choses différentes que la rétroaction qui se fait, que les réactions du public qui s'exprime naturellement et constamment comme la réponse de l'effet sur la cause (le feedback en disponibilité) ; de se mettre à l'écoute, de se donner les moyens adéquats de recueillir, enregistrer et analyser ces réactions (le feedback rendu) ; et enfin, d'y donner suite si besoin est (le feedback retourné), la rétroaction devenant ainsi, plus qu'un dialogue, une sorte de négociation permanente, mais non conventionnelle et non structurée.
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Le Protecteur du citoyen
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L'information sur le logement public à Hull
Caroline Andrew, André Blais et Rachel Desrosiers
p. 375–383
RésuméFR :
Le logement est encore défini en Amérique du Nord comme un bien privé : c'est là un contraste frappant d'avec la conception européenne. Malgré cette définition de base, ce qu'on a convenu d'appeler la crise du logement oblige de plus en plus les gouvernements à intervenir dans ce secteur. Au Canada, le rôle de l'État a essentiellement consisté à « rendre plus stable et plus attrayant le marché hypothécaire» de façon à stimuler la demande pour la construction domiciliaire. Ce n'est que sur le tard que le gouvernement s'est vraiment intéressé à l'habitation sociale. Certains programmes de logement public furent mis en oeuvre dès les années '40; ces programmes étaient cependant fort marginaux : l'habitation sociale ne représente que la moitié de 1% des logements mis en chantier entre 1955 et 1966.3 Au milieu des années '60, le gouvernement fédéral modifie toutefois sa législation de façon à susciter une action beaucoup plus poussée dans ce domaine. Le logement public est maintenant devenu un des plus importants postes budgétaires de la S.C.H.L.
C'est à ce programme et à sa mise en application, dans le cas de la municipalité de Hull, que nous nous intéresserons ici. Nous examinerons le processus d'information mis en oeuvre autour du programme, son impact, ses contraintes. Situons dès lors le logement public dans son cadre institutionnel. Comme on vient de le noter, le programme fut élaboré par la S.C.H.L., laquelle en a établi les grands paramètres. Son fonctionnement concret relève toutefois de la Société d'habitation du Québec, créée en 1967 pour contrer toute tentative du gouvernement fédéral de s'ingérer dans les problèmes du logement au niveau municipal. C'est à elle qu'il revient d'approuver tout projet de logement public. D'autre part, l'initiative de ces projets fut laissée aux municipalités, le rôle de la S.H.Q. se limitant essentiellement à l'accepter et à en financer une partie. Signalons de plus que la municipalité peut mettre sur pied un Office municipal d'habitation pour assurer la gérance et la construction des projets.
Au Québec, les municipalités se voient donc confier des responsabilités importantes. Par contre, elles doivent aussi participer au financement du programme et ce, dans une proportion plus significative que les municipalités des autres provinces canadiennes. Elles doivent en effet accorder à leur Office municipal d'habitation un prêt représentant 5% du coût de la construction des projets et financer 10% des coûts d'exploitation. Il ressort clairement que la mise en application du programme de logement public relève de la municipalité et plus spécifiquement de son Office municipal d'habitation. C'est donc à ce niveau que nous nous situerons. Nous verrons comment à Hull cet Office a ou n'a pas informé la population concernant les différents aspects de ce programme. Nous identifierons également les résultats concrets de cette action.
Précisons dès maintenant une limite importante de cet article. L'information gouvernementale ne constituait pas l'objet principal de notre recherche : en effet, notre propos visait essentiellement à expliquer l'output de logements publics à Hull. Par ailleurs, le cadre théorique développé alors mettait l'accent sur les réseaux de communication des élites politiques. Nous étions par là même, davantage sensibilisés au processus général de l'information tout en privilégiant alors l'information montante.
Partant, cet article se veut donc une synthèse des observations qu'il nous a été possible de faire sur un sujet, l'information gouvernementale descendante, qui nous intéressait de façon indirecte. À cet égard, les sources de nos données, tout en n'étant pas aussi complètes que désiré, demeurent fort diversifiées. Nous avons bien sûr interviewé les élites politiques hulloises, en particulier le directeur de l'Office municipal d'habitation et quelques membres de son personnel. Nous avons de plus consulté les documents de l'Office ainsi que le journal Le Droit pour la période considérée (1968-1974). Nous nous sommes aussi intéressés à la clientèle réelle et potentielle de l'Office municipal. Nous avons en outre administré un sondage auprès d'un échantillon de quatre cents résidents de l'île de Hull. L'île de Hull est le quartier populaire de la ville de Hull. S'y retrouve la population à laquelle s'adresse explicitement le programme de logements municipaux. Ceux-ci sont en effet construits « en vue de loger principalement des personnes à faible revenu qui ne peuvent trouver les logements convenant à leurs besoins sur le marché privé».
Dossiers
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L'histoire de l'administration publique québécoise
James I. Gow
p. 385–411
RésuméFR :
Depuis quelques années, on constate un regain d'intérêt pour l'histoire administrative dans les pays occidentaux, non seulement à cause de l'intérêt intrinsèque de la matière, mais aussi parce que l'histoire se révèle bon maître en science politique et administrative. Parmi les grandes questions qui se posent, tant aux citoyens du monde contemporain qu'aux chercheurs des sciences sociales, se trouve la question de l'inévitabilité de la grande organisation et de ses suites, à savoir son mode de fonctionnement bureaucratique ainsi que sa technostructure. Les immenses difficultés rencontrées dans le « développement » des pays du tiers monde ont eu comme conséquence, entre autres, de forcer les spécialistes de questions administratives à revoir leur science dans l'espoir de trouver dans le contexte politique, social et économique des facteurs d'explication trop longtemps négligés en Occident. On interroge l'histoire du développement des administrations des pays occidentaux afin de mieux comprendre les problèmes théoriques et pratiques posés par le développement ailleurs aujourd'hui.
Si l'histoire administrative est peu développée la raison semble en être: «... la nature même du fait administratif qui est diffus au sein des activités humaines, intermédiaire entre projet et réalisation, entre politique et technique...» Phénomène diffus, mais cependant universel, l'administration se prête aussi à la controverse. Depuis des grands noms tels Max Weber et Karl Marx on propose des modèles contradictoires, les uns s'arrêtant aux aspects fonctionnels ou dysfonctionnels de la bureaucratie, les autres analysant surtout la place des fonctionnaires par rapport aux classes dominantes. Pour nous, l'histoire administrative ne peut être distinguée de l'histoire politique ; qui plus est, en tant que reflet de la vie politique, économique et sociale, l'histoire administrative se révèle même «un élément d'explication capitale» de cette dernière. Quels sont les faits administratifs que l'on peut interroger? En général, on peut s'intéresser aux textes (lois, règlements, rapports, etc.), aux personnes, (fonctionnaires, individus ou groupes), aux missions (tant de l'État que de l'administration) et au fonctionnement de l'administration (prise de décision, science administrative, etc.). D'après une conception étroite, l'administration n'est que la préparation et la mise en application des décisions de l'autorité politique. Par ailleurs, on peut aussi affirmer que «rien n'est étranger à l'histoire de l'Administration... », adoptant ainsi une conception large.''
Le choix des faits à privilégier reflète aussi bien l'approche méthodologique que théorique que l'on adopte. Nous avons adopté une approche «... à méthode régressive, l'historien remontant du présent au passé, l'expérience lui fournissant la grille d'interprétation nécessaire. ». Notre approche cherche à utiliser le langage des budgets-programmes ainsi que celui de l'analyse de système afin de dégager les différents extrants de l'administration, ses ressources, son organisation et son fonctionnement.
Ce texte se concentre sur trois grands thèmes, soit le rôle de l'État québécois, l'organisation et le fonctionnement de son administration et la place de ses fonctionnaires au sein du système politique. Ces thèmes sont traités en deux temps: un examen chronologique permet d'abord de voir l'évolution du rôle de l'État et celle des structures de réalisation; ensuite, une analyse d'ensemble aborde les questions d'organisation et de fonctionnement ainsi que de la place des fonctionnaires dans la société politique.
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Bilan de la recherche sur l'administration publique québécoise
Germain Julien et Denys Trudel
p. 413–438
RésuméFR :
L'objectif général de ce texte est d'esquisser un bilan des principales publications sur l'administration publique québécoise, en vue de faire le partage entre les connaissances acquises et les connaissances à acquérir.
Quand on essaie de faire l'inventaire des travaux sur les divers aspects de l'administration publique québécoise, on est pris de vertige, parce que la documentation est absolument considérable. Pour pouvoir donner une idée exacte des contributions apportées à la recherche administrative par les spécialistes des différentes disciplines et institutions, il faudrait lire et analyser une quantité énorme de volumes, de documents gouvernementaux, d'articles de revues et de thèses d'étudiants. Étant donné l'ampleur du sujet, nous avons donc dû définir de façon plutôt restrictive le champ de l'administration publique québécoise. Ce texte porte en fait sur l'ensemble des agents publics qui sont à l'emploi des ministères, des organes centraux du Gouvernement (tels que le Secrétariat général, le Conseil du trésor, la Commission de la fonction publique, le Service des achats, etc.), des organismes publics autonomes (tels que l'Hydro-Québec, la Société des alcools, etc.), et finalement des bureaux régionaux et locaux des ministères et des organismes autonomes. Nous avons renoncé à aborder les études relatives aux administrations municipales et scolaires et aux établissements publics de santé et de services sociaux. Seront aussi exclus de notre inventaire les travaux portant sur des processus administratifs généraux comme la planification, l'administration du budget, l'acquisition et la gestion des matériels, l'information et la consultation des clientèles, etc. Nous ne traiterons pas non plus des études reliées à l'analyse des politiques gouvernementales.
Ces différents champs de recherche exigeraient des relevés distincts. Les lecteurs particulièrement intéressés par ces secteurs pourront toujours se reporter à notre bibliographie sur l'administration publique canadienne (78, 79). En somme, ce texte a pour objet les matériaux qui permettent de mieux connaître la fonction publique québécoise au sens étroit du terme, de même que ses institutions administratives.
Le bilan présenté ici est également incomplet sur le plan de la documentation retenue. L'inventaire porte uniquement sur les livres, les articles de revues (et dans quelques rares cas de journaux quotidiens), les publications gouvernementales et les thèses d'étudiants mis en dépôt dans les grandes bibliothèques et facilement accessibles aux chercheurs universitaires. Nous avons dû ignorer de nombreux documents gouvernementaux destinés exclusivement à l'administration elle-même: par exemple, des études menées au sein des unités administratives, des rapports de commissions ou comités spéciaux d'étude, des travaux réalisés par des firmes privées de consultation ou des centres universitaires de recherche, etc. Il faut regretter que la tradition de secret de notre administration conduise à réserver le résultat de ces recherches à de trop rares privilégiés. Ces travaux apporteraient une contribution plus importante à la connaissance de l'administration publique québécoise s'ils avaient une diffusion plus grande. Les mêmes remarques s'appliquent aux projets d'intervention réalisés par les étudiants de l'Ecole nationale d'administration publique et commandités par des organismes publics ou para-publics. Nous n'en avons pas tenu compte vu que la majorité de ces rapports sont confidentiels ou doivent être consultés sur place.
De même, nous n'avons pu consulter quelques thèses de maîtrise que les bibliothèques universitaires ne peuvent prêter. Nous avons écarté aussi. Les communications présentées lors de congrès ou de colloques, étant donné que ces textes demeurent pour la plupart enfouis dans les archives de leurs auteurs ou de divers groupements. Nous sommes bien conscients que ce faisant plusieurs travaux de grand intérêt ont été négligés. Soulignons enfin qu'il aurait été extrêmement difficile de faire l'inventaire des recherches en cours sur l'administration publique québécoise.
Dans le but de permettre une connaissance à la fois globale et multiforme de l'administration publique québécoise, cet inventaire retient des références qui auraient été laissées de côté dans un autre type de bilan. Il ne tient pas compte de cette distinction entre publications scientifiques et autres publications faite seulement à partir du caractère universitaire ou spécialisé d'un ouvrage ou d'une revue. En outre, quelques références relèvent plus de l'information que de l'analyse scientifique d'un problème. L'importance de la documentation retenue est donc très inégale: cela va de l'ouvrage qui renouvelle complètement un sujet ou l'épuisé, à un article sommaire qui ne fait qu'effleurer une question. Nous croyons néanmoins que ce type d'articles peut fournir certains points de départ, voire même certaines avenues pour des recherches plus fouillées. Notons, par ailleurs, que cet inventaire exclut des études théoriques qui n'ont pas un rapport très immédiat avec l'administration publique québécoise, même si elles ont été écrites par des Québécois.
Ce bilan n'est pas limité aux seuls travaux des spécialistes de la science administrative, mais il tient compte également des travaux des disciplines connexes (notamment le droit public, la science politique, etc.), bref de toutes les publications permettant de mieux connaître les divers aspects de ce champ d'étude vaste et complexe que constitue l'administration publique.
Toutes ces limites étant posées, nous pouvons maintenant aborder les œuvres recensées en les regroupant selon quatre grands secteurs de recherche : la fonction publique, les administrations centrales, les administrations déconcentrées et les organismes autonomes.