Résumés
Résumé
Faisant le bilan des études urbaines portant sur le Québec, Yves Martin signalait, lors de notre premier colloque de 1962, la présence de plusieurs études particulières, surtout de type historique, et de certains essais qui tentaient une définition générale du processus d'urbanisation. Il regrettait toutefois qu'il n'existât pratiquement aucune relation entre ces études proprement monographiques et ces hypothèses globales. Ce manque de liaison, par ailleurs, se faisait surtout sentir dans le domaine de l'organisation sociale et politique ainsi que dans le domaine de la culture. La ville en tant que principe d'organisation de notre société était affirmée sans être analysée, ni de façon empirique, ni même de façon théorique.
Déjà, en 1962, l'urbanisation et le phénomène urbain québécois apparaissaient comme objet d'étude particulièrement fructueux pour l'un de nos colloques. L'objectif de ces colloques, en effet, est d'essayer d'ouvrir de nouveaux chantiers de recherche ou de consolider ceux qui sont encore embryonnaires. Comme dans le cas des colloques précédents, il ne s'agit pas, cette fois non plus, d'apporter une solution définitive a l'analyse de l'urbanisation mais plutôt d'essayer de structurer de façon un peu plus précise les avenues qui pourraient être fructueuses pour les chercheurs contemporains et futurs.
Par ailleurs, en six ans, la situation décrite par Yves Martin et son commentateur Louis Trotier a évolué dans deux sens. Des études empiriques et monographiques ont été accomplies pour combler les lacunes graves au point de vue de l'organisation sociale et politique de même qu'au point de vue de la mentalité. C'est à partir de certains faits vérifiés et qui sont présentés dans les travaux de ce colloque que nous pourrons maintenant commencer à discuter des problèmes. Nous avons dépassé l'étape des questions purement académiques et théoriques. D'autre part, la société québécoise elle-même s'interroge de plus en plus sur son caractère urbain et commence à découvrir les véritables dimensions de sa transformation profonde ainsi que les véritables questions que son urbanisation pose à son devenir. Non seulement la problématique des hommes de science devient-elle plus concrète, mais elle commence à se rapprocher d'une problématique que la société dans son ensemble est en train d'élaborer.
Ce rapprochement de la pensée scientifique et de la pratique politicosociale dépasse le phénomène de l'urbanisation et donne à la pensée scientifique, en particulier à la pensée des sciences humaines, un dynamisme nouveau. Il lui propose un défi tout à fait particulier. Nous ne pouvons plus nous contenter de décrire les phénomènes, nous devons chercher à faire de la prospective et, pour autant, à déterminer les grandes lignes qui deviendront les axes fondamentaux de notre développement. Je tomberai peut-être dans le vice de la «spéculation» dénoncé par Yves Martin en 1962, mais j'ose espérer que les propos qui suivent, tout en restant spéculatifs, s'appuieront à la fois sur les études nouvelles qui ont été faites depuis quelques années et sur la problématique sociétale qui semble se développer dans notre milieu.
Malgré certains retards dus à la conjoncture ou malgré certaines impatiences d'individus ou de groupes plus clairvoyants, il semble acquis que le Québec, comme toute société moderne, est une société qui se donne comme objectif premier le développement et le contrôle de ce développement. La caractéristique la plus fondamentale de toute société moderne est d'être une société qui veut bâtir son devenir à partir de sa propre définition de ce qu'elle veut être. L'évolutionnisme ou le déterminisme historique et social cède le pas au volontarisme sociétal. Dans ce contexte, l'urbanisation ou du moins certains styles d'urbanisation ne paraissent plus comme des nécessités inéluctables mais plutôt comme la résultante de certains choix. Sans doute, le choix des orientations urbaines à prendre est-il limité par un très grand nombre de contraintes historiques, économiques, sociologiques. Mais à l'intérieur de ces contraintes, plusieurs possibilités demeurent et il nous reste à déterminer collectivement laquelle ou lesquelles sont désirables pour la société québécoise.
Dans ces propos préliminaires, nous chercherons donc à nous interroger à la fois sur notre connaissance de ce qu'a été et de ce qu'est le phénomène urbain québécois et sur notre connaissance de ce qu'il sera ou pourrait être. En d'autres termes, je voudrais que ce colloque cherche non seulement à déterminer ce qui est institutionnalisé dans le phénomène urbain et dans le processus d'urbanisation, mais encore qu'il s'inquiète et qu'il recherche les innovations sociales encore mal définies qui contiennent déjà l'embryon des institutions futures possibles.
Ces interrogations, je voudrais les diriger sur trois objets qui sont loin d'épuiser toutes les questions que l'urbanisation du Québec pose et posera, mais qui m'apparaissent comme les plus urgentes. Il s'agit du réseau du tissu urbain; du mode de vie urbain; du système politique qui animera à la fois ce tissu et cette vie urbaine.
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