Résumés
Résumé
Le nationalisme canadien-français a eu la réputation d'avoir fait mauvais ménage avec tous les courants de pensée et tous les mouvements susceptibles de promouvoir une société laïque dans le Québec. Son allergie passée au capitalisme. au libéralisme, à la démocratie et aux tendances socialisantes relève pour une large part de cette problématique. Son absence d'affinités avec le capitalisme commercial et industriel ne venait elle pas en dernier ressort de ce que la bourgeoisie fut pendant longtemps dans d'autres sociétés le principal moteur, avec les intellectuels, du laïcisme ?
Quant au libéralisme, son caractère essentiellement laïc et bourgeois n'avait rien de bien rassurant pour une idéologie qui fondait ses valeurs sur la terre et l'Église. Il en est ainsi de la démocratie, formule assise sur le droit naturel, sur la souveraineté populaire, plutôt que sur le droit divin des rois et les privilèges des classes. Enfin, si le nationalisme canadien-français parut aussi obstinément fermé au renforcement de l'appareil étatique, c'est certainement parce que l'État pouvait représenter, au même titre que la bourgeoisie, un des véhicules les plus puissants du laïcisme. Par contre, le nationalisme canadien-français ne s'est-il pas plus spontanément lié au cléricalisme, à l'ultramontanisme, aux idéaux théocratiques et, pour employer une expression chère à M. Michel Brunet, à l'agriculturisme ? Ces caractéristiques presque actuelles d'un nationalisme éminemment conservateur, voire même réactionnaire, apparaissent davantage comme l'aboutissement d'une évolution, pleine à certains moments de sursauts et de contestations, que comme une donnée inscrite d'emblée à l'origine de notre nationalisme.
Même si, depuis le début du XIXe siècle, le nationalisme canadien-français paraît avoir été en conflit ouvert avec toutes les idéologies porteuses de laïcisme, il n'en est pas moins vrai que cette confrontation n'a pas toujours abouti à un rejet en bloc. On peut même évoquer, si on en juge par les dehors ou par les tiraillements des consciences, quelques moments importants où s'exprime une association assez étroite avec le libéralisme et la pensée démocratique.
Le parti canadien et son successeur légitime, le parti patriote, ne prétendaient-ils pas au titre de libéral et de démocratique ? Reste à connaître cependant les rapports réels qui existaient entre le nationalisme des patriotes et leur laïcisme. Autrement dit, existe-t-il avant 1837 un mouvement laïc possédant une certaine autonomie? Dans quelle mesure le nationalisme dit libéral ou démocratique accordait-il la prééminence aux libertés individuelles sur les droits collectifs ? Ne s'agissait-il pas en fin de compte, plutôt que d'un nationalisme libéral ou démocratique, d'un national-libéralisme n'utilisant par conséquent les idées nouvelles que pour mieux atteindre certains objectifs proprement conservateurs ? Après les travaux faits sur cette période, il existe encore beaucoup d'obscurité et de confusion autour des croyances et des attitudes de ceux qui furent à l'origine de notre première aventure séparatiste. Aussi importe-t-il de ne pas se laisser aveugler par le panache, par les déclarations sonores, de ne pas prendre le mythe pour la réalité. Il reste cependant que l'échec des insurrections de 1837-38 a donné un dur coup au mouvement laïc.
Après 1837, pendant que le nationalisme s'identifie de plus en plus, en dépit des options multiples qu'il recouvre, au cléricalisme et à l'ultramontanisme, s'affirme un mouvement d'essence proprement libérale. Né au cours de la décennie 1840-50, l'Institut canadien de Montréal mène pendant vingt-cinq ans une lutte acharnée en faveur du laïcisme. Puis, au moment même où, dans l'affaire Guibord, il venait de remporter une éclatante victoire légale, il doit s'effacer. À l'heure de Mgr Bourget, suffit-il que Londres soit d'accord pour que le Québec le devienne ? Puis, le siècle se termine avec les luttes pour la reconnaissance du parti libéral. Là encore les forces de l'ordre, de la tradition, de la conformité aux valeurs établies l'ont emporté haut la main. Comment expliquer ces défaites successives du mouvement libéral et des tendances laïques ?
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