Corps de l’article

INTRODUCTION

L’adolescence constitue une période critique pour la persévérance scolaire des jeunes. La fin du secondaire est particulièrement importante puisqu’elle précède la transition à la vie adulte et aux études postsecondaires. De plus, l’adolescence est caractérisée d’une part par l’émergence de la consommation de substances psychotropes et d’autre part, par l’importance marquée des enseignants dans la vie des élèves. En effet, la consommation de substances psychotropes augmente significativement durant les études secondaires, car la majorité des jeunes de cet âge sont initiés à la consommation d’alcool, de drogues et de cigarettes (Chen et Jacobson, 2012; Santé Canada, 2018). La consommation persistante de substances chez les jeunes entraîne des conséquences négatives sur leur scolarisation, leur santé physique et leur santé mentale durant l’adolescence et la vie adulte (Hall et Degenhardt, 2009; Heradstveit et al., 2017; Kelly et al., 2015; Meier et al., 2015; Silins et al., 2015). Une consommation problématique est conceptualisée dans ces études comme une consommation d’alcool, de drogues et de cigarettes plus élevée que la moyenne, pouvant perdurer durant plusieurs années et pouvant entraîner des problèmes dans la vie quotidienne des individus.

Au même moment, durant leur parcours à l’école secondaire, le climat scolaire dans lequel les jeunes évoluent revêt une grande importance pour leur développement. Le climat scolaire comprend entre autres le climat scolaire relationnel, qui inclut notamment les relations entre les élèves et les enseignants (Janosz et al., 2012). Au secondaire, les élèves perçoivent leurs relations avec leurs enseignants de manière positive lorsqu’elles sont caractérisées par du respect, du soutien et de l’équité envers les jeunes (Galand et Philippot, 2005). Des relations positives avec les enseignants peuvent influencer favorablement les trajectoires de vie des adolescents sur les plans de la scolarisation et de la consommation de substances psychotropes (p. ex., Eccles et Roeser, 2011; Perra et al., 2012; voir Roorda et al., 2011, pour une méta-analyse). Or, durant le secondaire, les jeunes rapportent une détérioration du climat scolaire, incluant leur perception des relations entre élèves et enseignants, qui devient plus négative au fil du temps (Wang et Dishion, 2012). Une revue de la littérature révèle que les études longitudinales qui se sont intéressées au climat relationnel entre élèves et enseignants perçu par les élèves et à la consommation de substances n’ont examiné que le pouvoir prédictif des relations entre les élèves et les enseignants dans la consommation de substances des jeunes; jamais l’inverse (p. ex., Markham et al., 2012; Perra et al., 2012). Ignorer l’effet potentiel de la consommation de substances des élèves sur leur perception des relations qu’ils développent envers leurs enseignants est problématique, puisque la moitié du processus d’influence entre l’élève et ses enseignants demeure occultée. Pour pallier le manque d’information à ce sujet dans la littérature, les liens bidirectionnels entre le climat relationnel entre élèves et enseignants perçu par les élèves et la consommation de substances seront au coeur de la présente étude.

La nécessité d’examiner les associations bidirectionnelles

Selon la théorie du contrôle social en milieu scolaire (Le Blanc et al., 1992), les comportements délinquants à l’adolescence, comme la consommation problématique de substances psychotropes, sont, entre autres, la conséquence d’un lien négatif entre l’élève et son environnement scolaire, suivi d’un détachement graduel de l’élève par rapport à ce milieu. Un faible attachement à l’école découlerait notamment des perceptions que les jeunes ont de leur contexte scolaire, par exemple un manque de légitimité des règles à l’école ou encore des inconduites perçues chez des figures d’autorités (Hirschi, 1969). Le faible attachement à l’école et la délinquance qui peut s’ensuivre seraient expliqués d’une part par les comportements des jeunes, comme l’absentéisme ou la désobéissance et, d’autre part, par la réponse des autorités scolaires face à ces comportements (Le Blanc et al., 1992). Ainsi, les perceptions et les comportements des jeunes sont aussi importants que ceux des adultes présents dans leur environnement scolaire. En somme, les comportements des élèves et des adultes s’influenceraient mutuellement, c’est-à-dire que les comportements des élèves auraient un impact sur les comportements des autorités scolaires et inversement. Ces interactions peuvent interférer avec le parcours scolaire des adolescents et entrainer des effets délétères sur leur développement (Le Blanc et al., 1992).

D’autres théoriciens ont aussi souligné la nécessité d’étudier les associations bidirectionnelles dans les relations entre les élèves et les enseignants (p. ex., Sameroff, 2010). De telles études sont toutefois rares et requièrent, d’une part, des devis longitudinaux à mesures répétées et, d’autre part, des analyses statistiques sophistiquées afin de réellement examiner à la fois les influences possibles de l’adolescent sur les réactions de son enseignant ainsi que l’influence potentielle de l’enseignant sur l’adolescent (Davidov et al., 2015). En ce sens, des associations bidirectionnelles ont déjà été documentées entre la perception du climat relationnel à l’école et les comportements déviants à l’adolescence (De Laet et al., 2016; Liljeberg et al., 2011), de même qu’en lien avec le rendement scolaire (Košir et Tement, 2014). Il semble donc exister des influences mutuelles entre le climat scolaire et l’adaptation psychosociale des élèves.

La consommation de substances chez les jeunes pourrait être particulièrement perturbatrice parce qu’elle peut mener à plusieurs comportements problématiques. En effet, la consommation de substances est fortement associée à la présence de comportements extériorisés (p. ex., désobéissance en classe, conflits avec les enseignants; Colder et al., 2013; Pedersen et al., 2018). L’étude des liens entre la consommation de substances des adolescents et leurs relations avec leurs enseignants est importante, car ces deux facteurs peuvent s’entre-influencer et s’aggraver, de manière à engranger un cycle pouvant contribuer à la marginalisation des jeunes et à des conséquences sociales importantes.

Le climat relationnel entre élèves et enseignants comme antécédent de la consommation

Les adultes présents dans la vie des adolescents jouent un rôle majeur dans leurs habitudes de consommation d’alcool et de drogues. Les parents et le contexte familial sont des facteurs qui ont été abondamment étudiés et il est désormais bien établi que ces variables peuvent affecter la consommation de substances des adolescents, soit positivement ou négativement (Ewing et al., 2015; Rusby et al., 2018). Parallèlement, à l’école, les adolescents ont l’opportunité d’interagir avec un grand nombre d’enseignants et de développer des relations privilégiées avec ceux-ci. Les perceptions qu’ont les élèves du climat relationnel scolaire peuvent donc dépendre de leurs expériences uniques avec quelques-uns de ces adultes significatifs. Ainsi, il est important de considérer les perceptions subjectives des élèves lorsque l’on étudie les possibles influences de ces relations sur l’adaptation des élèves. En outre, bien que les perceptions des élèves et celles des enseignants par rapport à leur relation puissent concorder, il semble que la perspective des élèves – et non celle des enseignants – prédirait l’ajustement autorapporté des élèves (Murray et Zvoch, 2011). En ce sens, durant la fin du secondaire, des relations élèves-enseignants perçues comme étant positives selon les adolescents permettraient de réduire la consommation de médicaments d’ordonnance à des fins non médicales chez des jeunes vulnérables ayant vécu des situations d’adversité durant l’enfance (Forster et al., 2017). À la lumière de ces informations, on peut soupçonner que des relations perçues positivement avec les enseignants au secondaire peuvent favoriser un développement positif chez les élèves vulnérables sur le plan de la consommation.

De nombreuses études ont révélé que le climat relationnel entre élèves et enseignants peut constituer un facteur protecteur spécifiquement sur le plan de la consommation de substances : deux études longitudinales incluant des participants âgés de 11 à 22 ans ont souligné que des relations élèves-enseignants perçues positivement par les adolescents étaient associées à une plus faible consommation de substances chez ceux-ci (Markham et al., 2012; Sznitman et Romer, 2014). Une étude incluant plus de 100 000 participants et plusieurs centaines d’écoles a montré que le climat scolaire global, incluant notamment le climat relationnel, était associé à la consommation de substances psychotropes chez les jeunes au début de l’école secondaire (Brand et al., 2003). Une autre étude longitudinale a également suggéré qu’un climat relationnel entre élèves et enseignants perçu positivement à 13-14 ans était associé à un risque réduit d’être un fumeur régulier, de boire de l’alcool et de consommer du cannabis hebdomadairement un an plus tard (Perra et al., 2012).

De plus, des analyses transversales menées auprès d’un groupe de 47 888 élèves américains recrutés à la fin de l’école secondaire (c.-à.-d., durant les années de high school), ont révélé que les écoles ayant un climat scolaire promouvant des relations élèves-enseignants positives avaient de faibles niveaux de consommation de substances chez leurs élèves (Cornell et Huang, 2016). Enfin, une autre étude transversale menée par Moore et ses collègues (2018) a montré que parmi un échantillon incluant des adolescents âgés entre 11 et 16 ans, ceux qui percevaient leurs enseignants comme étant plus soutenants avaient des risques moins élevés de consommation de substances. Cependant, les études transversales ne permettent pas de capter l’évolution de l’individu dans le temps. Ainsi, il n’est possible de déterminer avec confiance la direction des liens entre le climat relationnel entre élèves et enseignants et la consommation de substances. Il est donc primordial de mener de nouvelles recherches pour vérifier la possibilité que ces liens soient bidirectionnels.

Par ailleurs, il est important de reconnaitre que les relations élèves-enseignants peuvent également constituer un facteur de risque lorsqu’elles sont de faible qualité. Les relations élèves-enseignants conflictuelles à la fin de l’école primaire seraient un médiateur du lien entre les caractéristiques des jeunes (p. ex., le genre) et leurs comportements à risque, selon Rudasill et collègues (2010). Cette étude rapporte que les garçons ont des relations avec leurs enseignants plus conflictuelles que les filles, ce qui expliquerait partiellement pourquoi ils adoptent plus de comportements à risque, incluant la consommation de drogues et de cigarettes. Au secondaire, des relations insatisfaisantes avec les enseignants ont également été associées à une augmentation des comportements extériorisés durant l’année suivante (c.-à.-d., comportements agressifs et associés à la violation de règlements; De Laet et al., 2016). En somme, le climat relationnel au cours des études secondaires pourrait constituer à la fois un facteur de protection et un facteur de risque, notamment en ce qui a trait à la consommation de substances.

Les antécédents du climat relationnel entre élèves et enseignants

Plusieurs caractéristiques des élèves affecteraient leurs relations avec leurs enseignants. Particulièrement, les élèves qui vivent des difficultés sur le plan scolaire, cognitif ou psychologique (p. ex., faible rendement scolaire, difficultés émotionnelles) vivraient des relations avec leurs enseignants plus négatives (Košir et Tement, 2014; voir McGrath et Van Bergen, 2015, pour une revue de littérature). Les quelques études ayant utilisé des devis longitudinaux durant l’enfance ou l’adolescence pour examiner les liens entre les caractéristiques des jeunes et leurs relations avec leurs enseignants ont révélé qu’un tempérament difficile et un niveau élevé de comportements extériorisés étaient associés à des relations plus conflictuelles avec les enseignants (De Laet et al., 2016; Murray et Zvoch, 2011). Bien que les effets délétères de la consommation de substances soient nombreux et bien documentés (Gray et Squeglia, 2018; Marshall, 2014), à notre connaissance, aucune étude n’a examiné la consommation de substances psychotropes comme antécédent de changements dans la perception des élèves quant au climat relationnel entre élèves et enseignants dans leur école.

Tel que mentionné précédemment, il est important de souligner que certains élèves sont plus à risque de consommer des substances telles que l’alcool, la drogue et les cigarettes. En effet, les jeunes qui ont une consommation élevée de substances psychotropes durant l’adolescence ont également tendance à présenter d’autres types de comportements extériorisés (Colder et al., 2013; Pedersen et al., 2018) et à s’affilier à des pairs déviants (Yoon et al., 2019). Cet ensemble de facteurs de risque peut graduellement mener à une perception de plus en plus négative du climat scolaire. Ainsi, la consommation problématique de substances des adolescents pourrait affecter les relations qu’ils entretiennent avec les enseignants de leur école ainsi que leurs perceptions de ces relations, puisque consommer peut affecter leurs comportements et par conséquent, avoir des impacts sur leurs relations interpersonnelles. En ce sens, une étude longitudinale a montré que le lien entre les comportements de délinquance et une perception négative des enseignants pouvait être expliqué par la présence de comportements de défiance et d’hostilité envers les enseignants de la part des jeunes (Liljeberg et al., 2011). Considérant que le lien entre la consommation de substances et les comportements extériorisés est fort et bien documenté, la présence de comportements extériorisés sera incluse dans la présente étude en tant que variable de contrôle.

Différences de genre

Les différences de genre dans les relations élèves-enseignants sont régulièrement rapportées dans la littérature scientifique, indiquant que les filles vivraient plus de proximité avec leurs enseignants, tandis que les garçons vivraient plus de conflits (Murray et Zvoch, 2011; Rudasill et al., 2010). Cela pourrait être dû à la plus forte prévalence des comportements extériorisés, dès l’enfance, chez les garçons (Owens, 2016). Par ailleurs, on observe aussi des différences de genre relativement à la consommation de substances durant l’adolescence : l’augmentation de la consommation est plus marquée chez les garçons que chez les filles (Chen et Jacobson, 2012; Santé Canada, 2018). Ainsi, il est possible que la consommation de substances mène à une détérioration plus rapide du climat relationnel entre élèves et enseignants perçu chez les garçons, puisqu’ils auraient une perception plus négative des relations avec leurs enseignants que les filles, et ce, dès l’école primaire. Par contre, certaines études ont montré qu’un climat scolaire positif est associé à une plus faible consommation de substances psychotropes, autant chez les filles que chez les garçons (Perra et al., 2012; Sznitman et Romer, 2014). D’autres études ayant examiné les liens entre la consommation de substances et le climat relationnel ont simplement inclus le genre comme variable de contrôle, ce qui ne permet pas de vérifier de potentielles différences de genre (Cornell et Huang, 2016; Moore et al., 2018). Considérant les résultats divergents des études qui ont examiné la consommation de substances, les relations élèves-enseignants, ou encore les liens entre ces deux variables, les différences de genre seront examinées de façon exploratoire dans la présente étude.

La présente étude

Cette étude vise à examiner les associations bidirectionnelles entre la consommation problématique de substances chez les adolescents et leur perception du climat relationnel entre élèves et enseignants, en utilisant un devis longitudinal d’une durée d’un an. Dans la lignée des études antérieures portant sur d’autres types de comportements problématiques chez les adolescents, nous émettons l’hypothèse que plus les élèves rapporteront des problèmes de consommation de substances psychotropes sévères, plus la diminution de la qualité perçue de leurs relations avec leurs enseignants un an plus tard sera prononcée. À notre connaissance, il s’agit de la première étude à examiner les liens réciproques entre nos deux variables, de sorte que nous nous inspirons de la théorie du contrôle social pour énoncer notre seconde hypothèse. Ainsi, nous anticipons qu’une perception négative du climat relationnel entre élèves et enseignants perçu sera associée à une augmentation des problèmes reliés à la consommation de substances l’année suivante, puisque selon la théorie du contrôle social, un attachement négatif avec les personnes significatives dans la vie quotidienne de l’individu (dans ce cas-ci, les enseignants) sera théoriquement néfaste pour son développement (Le Blanc et al., 1992).

Le rendement scolaire étant associé à de nombreuses composantes du climat scolaire, dont les relations élèves-enseignants (Daily et al., 2019; Košir et Tement, 2014), celui-ci sera inclus comme covariable. La présence de comportements extériorisés sera également incluse en tant que covariable afin de départager les impacts de la consommation problématique de substances de ceux des comportements extériorisés qui y sont typiquement associés. Enfin, de possibles différences de genre dans les liens entre la consommation problématique de substances et le climat relationnel entre élèves et enseignants seront examinées dans nos analyses complémentaires.

MÉTHODOLOGIE

Participants

L’échantillon comprend 311 adolescents, dont 203 filles et 108 garçons, âgés entre 14,2 et 18,4 ans (M = 15,8 ans) au premier temps de mesure. Les participants font partie d’un projet longitudinal plus large visant à étudier les influences sociales et les parcours scolaires. Les élèves ont été recrutés dans deux écoles secondaires publiques francophones situées en banlieue de Montréal. Les deux écoles sont caractérisées par des indices de défavorisation élevés (MEES, 2017). La majorité des participants (66 %) se considèrent comme caucasiens, 7 % noirs, 6 % hispaniques, 18 % considèrent avoir une autre origine ethnique et 3 % ont refusé de répondre. Parmi les 311 adolescents, 260 ont donné leur consentement afin que leur école transmette leurs bulletins de fin d’année à notre équipe de recherche.

Les participants ont été recrutés en 2013 ou en 2014, lorsqu’ils étaient en troisième ou en quatrième année du secondaire (temps 1; T1). Tous les participants de la présente étude ont été recontactés un an plus tard et 157 participants ont accepté de participer à la seconde collecte de données (temps 2; T2). Étant donné que les adolescents ont été recrutés dans des milieux hautement désavantagés sur le plan socioéconomique, l’attrition était attendue, puisque les familles concernées sont plus instables (déménagements, changements d’école, absentéisme chez les élèves). La gestion des données manquantes dans la présente étude a été effectuée avec un estimateur de maximum de vraisemblance (décrit ultérieurement). Le protocole de la présente étude a été approuvé par le comité éthique institutionnel et un consentement libre et éclairé a été obtenu auprès des adolescents et de leurs parents, grâce à des lettres distribuées dans les écoles.

Procédure

Aux deux temps de mesure, les données ont été collectées à partir de questionnaires en ligne remplis durant les heures de classe, dans le laboratoire d’informatique. Les questionnaires étaient d’une durée approximative de 75 minutes et incluaient neuf sections, pour un total de 313 items, incluant des échelles qui ne sont pas utilisées dans la présente étude. Les assistants de recherche étaient présents durant les collectes de données afin de répondre aux questions des élèves et les enseignants étaient invités à quitter le local. Afin de les remercier de leur participation, les participants recevaient une entrée gratuite pour le cinéma.

Instruments

Climat relationnel entre élèves et enseignants

Le climat relationnel entre élèves et enseignants perçu par les élèves a été mesuré à l’aide du questionnaire L’école telle qu’ils la voient (Galand et Philippot, 2005). Bien que ce questionnaire évalue trois dimensions du climat scolaire, seulement la sous-échelle relations entre enseignants et élèves a été considérée dans la présente étude. Celle-ci comprend dix items et une échelle de Likert variant entre 1 (tout à fait faux) et 4 (tout à fait vrai), mesurant la perception de la qualité des relations entre enseignants et élèves dans leur école. La sous-échelle comprend des items tels que « Dans cette école, les professeurs traitent les élèves avec respect » et montre une excellente fiabilité (consistance interne), α de Cronbach = 0,88 au T1 et 0,86 au T2. La sous-échelle utilisée montre également une stabilité et une validité prédictive adéquates, car elle est associée aux corrélats attendus, dont un sentiment d’appartenance envers l’école (Galand et Philippot, 2005).

Consommation de substances

La consommation de substances a été mesurée à partir de la Grille de dépistage de consommation problématique d’alcool et de drogues chez les adolescents et les adolescentes (DEP-ADO, version 3.2; Germain et al., 2007). Le questionnaire vise à mesurer la consommation problématique d’alcool et de drogues. Les résultats varient entre 0 et 20 et le score agrégé inclut la consommation régulière d’alcool et de drogues, l’âge du début de la consommation de substances, leur consommation dans les 30 derniers jours et certains évènements qui sont arrivés aux participants dans les 12 derniers mois. Les évènements indiquent une consommation problématique de substances psychotropes (p. ex., « ta consommation d’alcool ou de drogue a nui à tes relations avec ta famille »). Le questionnaire DEP-ADO a été validé au Québec auprès d’adolescents âgés entre 14 et 17 ans (Landry et al., 2004).

Rendement scolaire

Le rendement scolaire a été obtenu au premier temps de mesure, directement par le biais des écoles secondaires participantes, qui nous ont fourni les bulletins de fin d’année. Les résultats en français et en mathématiques ont été utilisés afin de calculer le rendement scolaire moyen de chaque adolescent.

Comportements extériorisés

Les comportements extériorisés ont été mesurés à l’aide du questionnaire Child Behavior Checklist (Achenbach et Rescorla, 2001). Les niveaux de comportements extériorisés ont été calculés en faisant la moyenne de deux sous échelles, soit violation des règlements (15 items; α de Cronbach = 0,79) et comportements agressifs (17 items; α de Cronbach = 0,80). Les ancrages varient entre 0 (jamais) et 2 (presque toujours) et l’échelle de comportements extériorisés présente une excellente consistance interne, α de Cronbach = 0,88. Cette échelle a été choisie puisqu’elle est associée à la consommation de substances psychotropes dans la littérature scientifique (p. ex., Colder et al., 2013; Eiden et al., 2016).

Plan d’analyses

Un modèle acheminatoire autorégressif croisé a été effectué dans le logiciel Mplus version 8.6 (Muthén et Muthén, 2017). Tel qu’illustré dans la Figure 1, ce modèle a été examiné afin de déceler des liens bidirectionnels entre la consommation problématique de substances à l’adolescence et le climat relationnel entre élèves et enseignants perçu par les élèves. Ce modèle statistique permet d’examiner les liens bidirectionnels entre ces deux variables, simultanément. De manière exploratoire, des analyses multigroupes ont ensuite été effectuées afin d’examiner les différences de genre dans le modèle statistique. Un modèle dans lequel tous les liens étaient contraints à égalité chez les garçons et les filles a été comparé à un modèle où l’ensemble des liens étaient libres de varier entre les deux groupes. Un test de différence de chi carré standard a été utilisé afin de détecter des différences de genre.

Figure 1

Modèle théorique

Modèle théorique

-> Voir la liste des figures

L’estimateur de maximum de vraisemblance avec information complète a été utilisé afin de gérer les données manquantes. Cet estimateur permet de maximiser la puissance statistique de l’échantillon, en évitant d’exclure les participants qui ont des données manquantes à l’un des deux temps de mesure (Enders, 2010). En cohérence avec les meilleures pratiques, l’ajustement du modèle était considéré acceptable si l’indice d’adéquation comparatif (Comparative Fit Index, CFI) était supérieur à 0,95, si l’indice de Tucker et Lewis (Tucker and Lewis Index, TLI) était supérieur à 0,90, si la racine carrée moyenne de l’estimation (Root Mean Square Error of Approximation, RMSEA) était inférieure à 0,05 et si l’indice de chi carré n’était pas significatif (Grimm et al., 2017).

RÉSULTATS

Analyses préliminaires

Les analyses d’attrition ont révélé que les adolescents ayant des données manquantes au deuxième temps de mesure percevaient les relations entre les élèves et les enseignants dans leur école plus négativement au premier temps de mesure, t (309) = -2,29, p = 0,02, avaient un plus faible rendement scolaire, t (258) = -2,40, p = 0,02 et avaient des pères ayant un niveau de scolarisation plus faible, t (249) =  -2,10, p = 0,04. Par contre, ils ne différaient pas de ceux n’ayant pas de données manquantes selon les autres variables principales et sociodémographiques (c.-à.-d., consommation de substances, revenu familial, présence de fratrie, niveau de scolarisation des mères). Les participants ayant des données manquantes pour le rendement scolaire mesuré au premier temps de mesure étaient plus âgés que ceux ayant des données valides, t (309) = 3,26, p = 0,001. Les données manquantes sont considérées comme dues au hasard (Missing at Random, MAR) lorsqu’elles sont associées à d’autres variables observables, comme c’est le cas dans la présente étude. Comme recommandé, les variables associées aux données manquantes ont été incluses dans le modèle comme variables principales ou auxiliaires (Enders, 2010). Les variables auxiliaires optimisent l’estimation du modèle en présence de données manquantes, mais leurs liens avec les variables principales ne sont pas inclus dans le modèle final.

Les statistiques descriptives des variables principales sont indiquées dans le Tableau 1. Toutes les variables étaient distribuées normalement et montraient une variabilité adéquate. Des analyses de comparaisons de moyennes (tests t) ont révélé que le climat relationnel entre élèves et enseignants perçu par les participants et la sévérité des problèmes reliés à la consommation de substances ne différaient pas selon le genre, aux deux temps de mesure, tous les ps > 0,11. Les corrélations bivariées entre toutes les variables à l’étude sont inscrites dans le Tableau 2. Comme attendu, le climat relationnel et la consommation de substances avaient une stabilité modérée à élevée et étaient intercorrélés aux deux temps de mesure. L’analyse des corrélations a également révélé que les filles avaient un meilleur rendement scolaire que les garçons. Le rendement scolaire au début de l’étude était associé positivement au climat relationnel perçu par les élèves et négativement à la consommation problématique de substances au premier temps de mesure, mais pas au second temps de mesure. Quant à eux, les comportements extériorisés au début de l’étude étaient associés à la fois négativement aux perceptions du climat relationnel entre élèves et enseignants et positivement aux problèmes de consommation de substances aux deux temps de mesure. Enfin, l’âge et le niveau d’éducation des pères n’étant pas associés aux variables principales, ils ont été inclus dans les analyses subséquentes seulement en tant que variables auxiliaires par souci de parcimonie et afin de maximiser la puissance statistique tout en optimisant l’estimation des données manquantes.

Tableau 1

Statistiques descriptives des variables principales et des covariables

Statistiques descriptives des variables principales et des covariables

Note. Les résultats sont obtenus à partir des données brutes.

T1 = Premier temps de mesure 1; T2 = Deuxième temps de mesure.

-> Voir la liste des tableaux

Analyses principales

Le modèle théorique présenté dans la Figure 1 a été examiné. Ce modèle incluait tous les liens possibles entre les variables et était donc saturé, ce qui ne permettait pas d’obtenir des indices d’ajustement. L’inspection des coefficients du modèle a révélé qu’au-delà du niveau de comportements extériorisés au premier temps de mesure, le climat relationnel entre élèves et enseignants au premier temps de mesure n’était pas relié à un changement dans la consommation problématique de substances des adolescents, b = -0,05, p = 0,48. Afin d’obtenir des indices d’ajustement du modèle et par souci de parcimonie, les liens non significatifs ont été retirés jusqu’à ce que tous les liens présents dans le modèle final soient significatifs. Le patron général des résultats est demeuré le même après l’élagage du modèle.

Les résultats du modèle final sont illustrés dans la Figure 2. L’ajustement du modèle autorégressif croisé était excellent, x2 (5, 311) = 2,43, p = 0,79, RMSEA < 0,001, SRMR = 0,02, CFI = 1,00. TLI = 1,05. Le climat relationnel perçu ainsi que la consommation problématique de substances montraient une stabilité modérée entre les deux temps de mesure. En contrôlant pour le niveau de comportements extériorisés au premier temps de mesure, les résultats suggèrent qu’un niveau élevé de problèmes de consommation de substances au premier temps de mesure était associé à une détérioration du climat relationnel entre élèves et enseignants perçu par les adolescents, au cours de l’année suivante, b = -0,18, p = 0,01. De plus, les résultats révèlent que le climat relationnel perçu était associé à la consommation problématique de substances de façon concomitante au premier temps de mesure. Au deuxième temps de mesure, la corrélation entre la variance résiduelle de ces deux variables (c.-à-d., la variance qui n’est pas expliquée par les autres variables indépendantes incluses dans le modèle) n’était pas significative. Enfin, le modèle indique que le rendement scolaire était associé aux deux variables principales au premier temps de mesure, mais pas au changement dans le climat relationnel perçu par les adolescents ou dans leur consommation de substances. Les comportements extériorisés étaient associés à toutes les autres variables du modèle au premier temps de mesure et à une augmentation des problèmes reliés à leur consommation de substances durant l’année suivante, b = 0,18, p = 0,04. Dans le modèle final, la variance expliquée de la consommation de substances au deuxième temps de mesure était de 31,0 %, tandis que celle du climat relationnel entre élèves et enseignants perçu au deuxième temps de mesure était de 26,5 %.

Tableau 2

Corrélations bivariées entre les variables principales et les covariables

Corrélations bivariées entre les variables principales et les covariables

Note. Les résultats sont obtenus à partir des données brutes. T1 = Premier temps de mesure 1; T2 = Deuxième temps de mesure. Genre : garçons = 1, filles = 2.

*p < 0,05. **p < 0,01. ***p < 0,001.

-> Voir la liste des tableaux

Figure 2

Modèle final avec estimation des données manquantes

Modèle final avec estimation des données manquantes

x2 (5, 311) = 2,43, p = 0,79, RMSEA < 0,001, SRMR = 0,02, CFI = 1,00. TLI = 1,05. *p < 0,05. **p < 0,01. ***p < 0,001.

-> Voir la liste des figures

Les analyses multigroupes post hoc n’ont pas révélé de différence de genre dans le modèle final, Δ2 (10) = 15,05, p = 0,13. Le modèle final est donc valide chez les garçons et chez les filles. Des analyses supplémentaires indiquaient que les résultats n’étaient pas affectés par l’estimation des données manquantes par le maximum de vraisemblance avec information complète. En effet, les résultats étaient grandement similaires lorsque la méthode de suppression par liste était utilisée.

DISCUSSION

La présente étude visait à examiner l’hypothèse que des liens bidirectionnels existent entre la consommation problématique de substances chez les adolescents et leur perception du climat relationnel entre élèves et enseignants dans leur école. Les résultats obtenus infirment cette hypothèse. Contrairement aux résultats issus d’études antérieures, la perception des adolescents quant au climat relationnel dans leur école n’était pas associée à un changement dans la sévérité des problèmes reliés à leur consommation de substances au cours de l’année suivante. Toutefois, comme attendu sur les bases théoriques du modèle du contrôle social (Le Blanc et al., 1992), la consommation problématique de substances chez les adolescents était associée à une détérioration du climat relationnel perçu l’année suivante.

Plusieurs pistes d’explication peuvent être évoquées relativement à cette association longitudinale entre la consommation problématique de substances et la perception ultérieure du climat relationnel, qui avait rarement été examinée empiriquement par le passé. Bien que nous ayons inclus la présence de comportements extériorisés dans la présente étude, ce qui nous a permis d’isoler les effets potentiels de la consommation de substances, il est important de souligner que de nombreux facteurs de risque ont tendance à être présents simultanément. Une consommation de substances psychotropes problématique et élevée pourrait faire partie d’un profil à risque sur le plan de l’inadaptation psychosociale, mais qui n’a pas pu être examiné de manière globale dans la présente étude. Par exemple, la consommation pourrait être associée à une augmentation du temps passé avec des pairs déviants qui consomment eux aussi, puis à une plus grande implication dans des activités délinquantes avec ces pairs déviants (Yoon et al., 2019). Des réprimandes de la part des enseignants qui sont mis au courant de ces comportements pourraient d’une part nuire au climat relationnel. D’autre part, la diffusion de normes déviantes à l’intérieur de ces groupes de pairs pourrait être à l’origine d’un mépris grandissant envers les personnes en position d’autorité, comme les enseignants, chez les membres de ces groupes. En ce sens, une précédente étude souligne que les perceptions du climat relationnel entre élèves et enseignants se détériorent durant l’adolescence, et que cette détérioration pourrait être plus prononcée chez les jeunes qui adoptent des comportements problématiques et ont également tendance à s’affilier à des pairs déviants (Wang et Dishion, 2012).

À travers des cascades développementales (Masten et Cicchetti, 2010), la consommation de substances pourrait entraîner des effets à long terme sur le développement des adolescents, puisque les relations élèves-enseignants ont des retombées sur divers aspects de leurs vies. La détérioration du climat relationnel entre élèves et enseignants découlant d’une consommation de substances problématique pourrait entre autres amplifier cette consommation de substances et de surcroît, entraîner une détérioration de l’adaptation scolaire (p. ex., engagement et rendement scolaires) et un détachement des milieux scolaires, tel que décrit dans la théorie du contrôle social (Le Blanc et al., 1992). Il serait pertinent que des études futures examinent ces possibles cascades développementales débutant par la consommation problématique de substances à l’adolescence. De surcroît, les jeunes appartenant à des communautés minoritaires ou marginalisées seraient plus à risque de vivre un attachement faible envers leur milieu scolaire, des problèmes socioémotionnels ainsi qu’une consommation de substances plus élevée que les autres adolescents (Benner et Wang, 2015; Parent et al., 2019). Il serait donc pertinent que les futures recherches considèrent l’impact potentiel de l’appartenance à une communauté minoritaire ou marginalisée sur la consommation problématique de substances et le climat scolaire.

Contrairement aux études antérieures, dans la présente étude, le climat relationnel entre élèves et enseignants perçu par les adolescents n’était pas associé à une augmentation ou à une diminution des problèmes reliés à la consommation de substances l’année suivante. Ce résultat est surprenant puisque d’autres études concomitantes et longitudinales ont suggéré un effet protecteur des relations élèves-enseignants positives sur la consommation de substances durant l’adolescence (Markham et al., 2012; Rudasill et al., 2010; Sznitman et Romer, 2014). L’absence de changement dans la consommation de substances découlant du climat relationnel entre élèves et enseignants perçu par les adolescents pourrait être due à l’âge des participants faisant partie de l’échantillon. Plusieurs des études ayant identifié un tel lien à travers un schème concomitant ou longitudinal ont inclus des participants plus jeunes que ceux de la présente étude, pour la plupart âgés entre 9 et 16 ans (Markham et al., 2012; Moore et al., 2018; Rudasill et al., 2010). L’influence des enseignants dans la vie des adolescents pourrait diminuer avec l’âge, alors que d’autres facteurs environnementaux s’accumulent et prennent une place grandissante dans leur vie (p. ex., influence des pairs, relations amoureuses, influence du milieu de travail). De plus, bien que plusieurs études suggèrent que les relations élèves-enseignants auraient un impact considérable sur l’ajustement scolaire des enfants durant l’école primaire et au début de l’école secondaire (Bosman et al., 2018; voir Roorda et al., 2011, pour une méta-analyse), cet impact positif pourrait être plus prononcé sur le plan de la scolarisation que de la consommation de substances. La consommation de substances se déroule principalement dans des contextes sociaux durant l’adolescence et en ce sens, l’association à des pairs déviants pourrait avoir des impacts négatifs surpassant l’impact positif potentiel des adultes significatifs dans la vie des adolescents (Cutrín, Gómez-Fraguela et Sobral, 2017; Van Ryzin et al., 2012).

Il est important de souligner que la présente étude a été réalisée auprès d’élèves de seulement deux écoles secondaires québécoises. Bien qu’il existe une grande variabilité interindividuelle dans les perceptions du climat scolaire au sein d’une même école et même d’une même classe (Brand et al., 2003 Galand et Philippot, 2005; Way et al., 2007), il est possible que l’absence de lien entre les relations élèves-enseignants au premier temps de mesure et la consommation problématique de substances au second temps de mesure soit attribuable à un manque de variabilité dans les contextes scolaires à l’étude. Un plus grand nombre d’écoles pourrait être nécessaire pour obtenir une variabilité suffisante permettant d’obtenir des liens significatifs entre ces variables.

Les résultats de la présente étude révèlent également une absence de différence de genre dans la consommation problématique de substances, la qualité perçue des relations élèves-enseignants et les associations entre ces variables. Ce résultat est cohérent avec d’autres études ayant trouvé une absence de différences de genre dans la relation entre la consommation de substances et le climat scolaire (Perra et al., 2012; Sznitman et Romer, 2014). Enfin, il est important de mentionner que les études ayant examiné des différences de genre dans les niveaux de consommation de substances et de perception des relations élèves-enseignantes n’avaient pas examiné les différences possibles dans les liens entre ces variables (p. ex., Chen et Jacobson, 2012; Murray et Zvoch, 2011; Rudasill et al., 2010).

Forces et limites

La présente étude a permis d’examiner les liens bidirectionnels entre les variables d’intérêt en raison de son devis longitudinal sur deux temps de mesure. L’étude incluait un échantillon présentant des origines ethniques diversifiées permettant de généraliser les résultats à ces populations et la taille d’échantillon était suffisante afin d’obtenir une puissance statistique adéquate pour notre modèle statistique. Plusieurs limites étaient toutefois présentes. Toutes les variables, sauf le rendement scolaire utilisé comme variable de contrôle, ont été mesurées à partir de questionnaires autorapportés, ce qui a pu créer une inflation des relations entre les variables principales. Il serait également important, dans le futur, d’étudier les liens entre le climat relationnel entre élèves et enseignants et la consommation problématique de substances sur une plus longue période développementale. Un devis longitudinal comprenant au minimum trois temps de mesure aurait permis de déceler la présence de cascades développementales, sous forme de cycles répétés d’influence réciproque entre les principales variables du modèle. De plus, un devis à trois temps de mesure aurait permis d’utiliser un modèle statistique permettant de départager la variance interindividuelle de la variance intra-individuelle (Hamaker et al., 2015). Dans la présente étude, le modèle autorégressif croisé ne permettait pas de départager les deux types de variances et ainsi, de déterminer si les coefficients de stabilité obtenus résultaient d’un trait individuel (stabilité temporelle) ou bien de la stabilité des rangs entre les individus. Enfin, la mesure utilisée afin d’évaluer la perception des adolescents quant à leurs relations avec leurs enseignants ne permettait pas de distinguer si leur perception était associée à leur expérience avec un ou plusieurs enseignants. Il serait pertinent que les études futures tentent de déterminer si la consommation problématique de substances affecte les relations que les jeunes entretiennent avec tous leurs enseignants ou seulement les enseignants qui ont des caractéristiques particulières.

Conclusion et implications

La présente étude avait pour objectif d’examiner les liens bidirectionnels entre la consommation problématique de substances à l’adolescence et le climat relationnel entre élèves et enseignants perçu par les adolescents vers la fin de leurs études secondaires. Le devis longitudinal utilisé a permis de constater que la consommation problématique de substances était associée à une détérioration du climat relationnel perçu par les adolescents, mais non l’inverse. Sur le plan de l’applicabilité des résultats, nos données semblent indiquer que les programmes d’intervention visant à diminuer les problèmes reliés à la consommation de substances chez les adolescents pourraient non seulement améliorer la santé des jeunes, mais également améliorer leur perception de leurs relations avec des adultes significatifs à ce stade crucial de leur parcours scolaire, soit les enseignants. De nombreux programmes de prévention de la consommation de substances peuvent être implantés dans les écoles secondaires et leur efficacité a été démontrée (voir Das et al., 2016, pour une recension de littérature). En plus de permettre une réduction de la consommation de substances, les résultats de la présente étude suggèrent que ces programmes de prévention pourraient avoir des impacts sur les parcours scolaires des adolescents, en favorisant de bonnes relations élèves-enseignants, ce qui pourrait rendre les élèves mieux disposés à leur demander de l’aide au besoin et même à discuter de leurs plans d’avenir. En fait, les résultats suggèrent que les interventions scolaires qui visent à réduire la consommation de substances pourraient constituer une composante importante des programmes plus vastes ayant pour objectif de favoriser la persévérance scolaire chez les élèves du secondaire, grâce à leur contribution au maintien d’un climat scolaire positif.