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Depuis quelques années, les institutions universitaires du Canada et du Québec, sous la pression des organismes subventionnaires gouvernementaux, s’engagent à adopter des politiques et des plans d’action d’équité, diversité et inclusion en cohérence avec les valeurs de nos sociétés démocratiques. Toute avancée progressiste qui remet en question le statuquo est accompagnée de critiques réactionnaires. Les débats sur la liberté académique et la liberté d’expression en sont des exemples récents au Québec. D’autres exemples seraient le recul du droit à l’avortement et les tentatives de bannir les théories critiques de la race en enseignement aux États-Unis.
Étant engagé.es, et donc attentif.ves, aux enjeux de justice sociale depuis plusieurs années, nous savons comment il peut être difficile de porter activement les visées d’équité, diversité et inclusion. Nous sommes aussi conscients des multiples réactions qu’une telle posture provoque, surtout dans des environnements, comme en psychologie, où des termes, approches et concepts tels que les injustices systémiques et structurales, l’intersectionnalité, les injustices épistémiques, le(s) féminisme(s), l’antiracisme, le postcolonialisme et le décolonialisme, l’éthique du care, ne sont que très peu abordés dans la formation, et donc souvent méconnus.
Un autre aspect important en équité, diversité et inclusion est la réception des différents savoirs. La psychologie est encore très hiérarchisée. Dans ce contexte, militer pour un nivellement des savoirs quantitatifs et qualitatifs, la valorisation des approches participatives et l’inclusion des savoirs traditionnels et expérientiels comporte ses défis.
Nous espérons que ce numéro puisse être un point d’ancrage supplémentaire qui encouragera de poursuivre des réflexions concertées, menant à des politiques et plans d’action structurés, permettant à l’enseignement, la recherche et la pratique en psychologie au Québec d’offrir des environnements culturellement sensibles, accessibles, respectueux et sécuritaires (notion d’inclusion), dans le respect de chaque individu, peu importe leurs identités sociales, leurs réalités et leurs vécus, afin qu’iels puissent progresser sans être confronté.es à des barrières discriminatoires, systémiques ou structurelles, que ce soit dans leurs parcours scolaires ou académiques, leurs progressions de carrière ou leurs participations dans les instances décisionnelles qui les concernent (notion d’équité), ainsi favorisant une représentativité juste de tous les groupes formant notre société (notion de diversité)[2].
Dans cette optique, ce numéro thématique se veut une plateforme, mettant en lumière certaines initiatives abordant des enjeux d’équité, diversité et inclusion en psychologie au Québec. La quantité de propositions reçues reflète l’importance que plusieurs accordent à ce sujet crucial. Il n’était pas possible ici d’offrir un aperçu complet des enjeux, des sujets, des méthodes, des perspectives qui touchent l’équité, diversité et inclusion en psychologie, d’autant plus qu’il nous semblait nécessaire d’ouvrir à d’autres disciplines qui peuvent nourrir la réflexion en psychologie.
Le premier article, de Diane Aubin, offre une réflexion critique de la culture de soin en santé mentale, et nous propose une pratique de proximité en psychologie, basée sur une éthique de solidarité et de coopération, qu’elle a développée auprès de jeunes historiquement marginalisé.es. Ce texte aborde des questions fondamentales qui touchent la discipline dans plusieurs de ses inclinaisons.
Le deuxième est un article empirique de Julie-Christine Cotton et collègues, qui se penchent sur le bien-être des personnes trans et non-binaires, en tenant compte des enjeux de discriminations vécus lors des différentes étapes de la transition, chez les personnes qui décident d’entreprendre ces démarches.
Le troisième article soulève les enjeux liés à l’hétérosexisme inhérent aux racines de la psychodynamique. L’autrice, Stella Gurreri, propose des approches psychodynamiques plus inclusives de la diversité sexuelle et de genre, qui peuvent être utilisées en psychothérapie auprès d’une clientèle issue de cette diversité.
Les auteur.trices du quatrième article, De La Sablonnière et collègues, étudient les premières trajectoires en protection de la jeunesse d’enfants issus des Premières Nations et celles des enfants non autochtones de la Côte-Nord. Leur analyse de données administratives démontre des différences notables sur plusieurs points entre les deux groupes.
Le cinquième article, de Estibaliz Jimenez, aborde la question délicate du contrôle excessif en contexte de violence basée sur l’honneur des adolescentes issues de l’immigration au Québec. L’objectif étant de mieux comprendre et définir la problématique dans le but de mieux dépister et intervenir auprès de ces jeunes.
L’avant-dernier article, une étude quantitative de Marilou Côté et ses collègues, visent à explorer les prédicteurs sociodémographiques et individuels de la grossophobie au sein d’un échantillon d’adultes québécois.es en utilisant trois attitudes négatives face aux individus considérés en surpoids : la dépréciation face au surpoids, les croyances quant à la contrôlabilité du poids et la peur de prendre du poids.
Le dernier article de Stéphanie Pache offre un aperçu de la critique féministe de la psychologie des années 70 aux États-Unis. Un enjeu central de la réflexion de l’autrice est la démocratisation des pratiques thérapeutiques. Ce texte permet de réfléchir sur les pratiques psychothérapeutiques actuelles au Québec.
Nous espérons que ce numéro contribue à la réflexion de l’enseignement, de la recherche et de la pratique en psychologie et à la meilleure compréhension des enjeux liés aux réalités de certains groupes minorisés. Nous sommes conscient.es que ce numéro présente seulement qu’une vue partielle des problématiques liées à l’équité, diversité et inclusion et que certaines approches théoriques (p.ex., théories critiques ou theory as praxis) n’ont pas été mises en valeur (p.ex. MAD studies, théorie critique de la race).
Idéalement, ce numéro thématique participera à la mise en place d’espaces de réflexion et d’actions concertées menant à des changements durables dans la discipline.
Parties annexes
Annexe
LECTURES SUGGÉRÉES
Collins, H. P. (2009). Black feminist thought. Knowledge, consciousness, and the politics of empowerment. Routledge.
Collins, H. P. et Bilge, S. (2020). Intersectionality (2e éd.). Wiley.
Freire, P. (2007). Pedagogy of the oppressed: 30th anniversary edition. Continuum.
Fricker, M. (2007). Epistemic injustice: Power and the ethics of knowing. Oxford University Press.
hooks, b. (1999). Choosing the margin as a space of radical openness. Dans I. Borden, B. Penner et J. Rendell (dir.), Gender space architecture: An interdisciplinary introduction. Routledge.
Kendhi, I. X. (2019). How to be an antiracist. One World.
King, T. (2012). The inconvenient Indian: A curious account of native people in North America. Doubleday Canada.
LeFrançois, B. A., Menzies, R. et Reaume, G. (dir.). (2013). Mad matters : A critical reader in Canadian mad studies. Canadian Scholars' Press Inc.
Manuel, A. et Derrickson, G. C. R. (2015). Unsettling Canada : A national wake-up call. Between the Lines.
McIntosh, P. (1989). White privilege: Unpacking the invisible knapsack, Peace and Freedom, July/August.
Nelson, G., Prilleltensky, I. et MacGillivary, H. (2001). Building value-based partnerships: towards solidarity with oppressed groups. American Journal of Community Psychology, 29(5), 649-677. https://doi.org/10.1023/A:1010406400101
Nungak, Z. (2017). Wrestling with colonialism : Quebec Inuit fight for their homeland. Vehicule Press.
Prilleltensky, I. et Gonick, L. (1996). Polities change, oppression remains: On the psychology and politics of oppression. Political Psychology, 17(1), 127-148.
Russo, J. et Sweeney, A. (dir.). (2016). Searching for a Rose Garden: Challenging psychiatry, fostering Mad Studies. Pccs Books.
Strega, S. et Brown, L. (dir.). (2015). Research as resistance. Revisiting critical, indigenous, and anti-oppressive approaches (2e éd.). Canadian Scholars' Press Inc.
Notes
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[3]
Georgia Vrakas est psychologue clinicienne et professeure-chercheuse au département de psychoéducation. Elle a mené ses études doctorales en psychologie communautaire à l’UQAM pour ensuite faire un postdoctorat en santé mentale populationnelle à l’Institut de santé publique du Québec. Depuis quelques années, en tant que clinicienne, professeure et personne vivant avec un trouble bipolaire, elle défend sur plusieurs tribunes les droits des personnes vivant avec une maladie mentale. Elle milite pour l’inclusion de leurs voix dans le discours sur la maladie mentale.
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[4]
Benoit Brisson est professeur-chercheur au département de psychologie. Il a complété ses études doctorales en neurosciences cognitives fondamentales à l’Université de Montréal. Il s’engage depuis plusieurs années à inclure les perspectives et connaissances féministes, antiracistes et décoloniales à ses activités professionnelles (enseignement et recherche) et personnelles. Présentement, en plus de poursuivre ses recherches en neurosciences cognitives fondamentales, il mène et collabore à des recherches en neurosciences politiques et sociales ainsi qu’en psychologie des préjugés.
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[1]
En conformité avec la thématique de ce numéro, la revue a accepté d’appuyer les initiatives d’écriture inclusives, lorsque désirées. N’ayant encore aucun consensus pour systématiser la grammaire du français inclusif (voir Cotton et collègues), les co-responsables ont choisi dans leur texte l’utilisation du point unique entre la formulation masculine et la formulation féminine (client.es). Ces choix avaient pour objectifs (1) de mettre le féminin à un pied d’égalité avec le masculin et (2) d’inclure la multiplicité des identités de genre. Les co-responsables espèrent que toutes les personnes, peu importe leur identité de genre, puissent se reconnaître et être reconnues dans la formulation choisie.
Notons aussi que la revue a permis l’utilisation des pronoms non genrés (p.ex., iel) « employé pour évoquer une personne quel que soit son genre » (https://dictionnaire.lerobert.com/definition/iel).
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[2]
Voir « Politique sur l’équité, la diversité et l’inclusion de l’UQTR » (chrome-extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/https://oraprdnt.uqtr.uquebec.ca/vrsg/Reglementation/208.pdf).