Robert Sapolsky de l’Université Stanford se propose dans cet énorme ouvrage (800 pages) d’explorer la violence et la compétition ainsi que leurs opposées : la coopération, l’affiliation, la réconciliation et l’altruisme. Le sous-titre, « La biologie des humains … », se veut un point de départ; l’auteur ne s’y cramponne pas. Sa formation, ses connaissances et son expérience de chercheur lui permettent d’élaborer une science du comportement large et intégrative en l’analysant sous plusieurs angles. Son approche est intrigante et unique puisqu’il procède à reculons afin de comprendre le pourquoi du comportement. Sapolsky propose donc d’analyser un comportement en observant ce qui l’a provoqué, de la seconde qui précède, aux minutes et aux heures antérieures jusqu’au début de l’aventure humaine il y a de cela des millions d’années. Que se passe-t-il une seconde avant le comportement? Pour comprendre ce qui a déclenché ledit comportement, il faut entrer dans le royaume de la neuroscience. Ce cours 101-201 est organisé autour de trois zones du cerveau : l’amygdale, appartenant au système limbique, est associée à la peur et à l’agressivité; le cortex frontal dont la maturité n’arrive qu’à 25 ans; le système dopaminergique, centre de la récompense, situé près du tronc cérébral. Sapolsky insiste sur les interactions entre les différentes régions du cerveau et sur l’implication nécessaire de la cognition et de l’affectivité pour prendre des décisions appropriées, surtout dans le domaine social. Que se passe-t-il pendant les secondes et les minutes précédentes pour déclencher l’activité du cerveau? Le cerveau est influencé, premièrement, par des informations sensorielles; deuxièmement, par des éléments non conscients, comme nos biais cognitifs dont l’impact a été démontré par les études sur l’amorçage (priming); troisièmement, par des éléments plus subtils : des yeux sur une affiche placée devant nous et nous sommes moins tricheurs; enfin, par l’environnement physique qui nous influence à notre insu : des graffitis, des vitres brisées, de la saleté dans un quartier et les crimes sont plus fréquents. Bref, nous sommes moins autonomes et beaucoup moins rationnels que nous le pensons dans les décisions que nous prenons. Que se passe-t-il dans les heures et les jours qui précèdent? Ici, Sapolsky fait appel à l’endocrinologie, donc à l’influence des hormones. 1) La testostérone est associée à l’agressivité sans en être la cause; elle amplifie plutôt les tendances déjà présentes. 2) L’ocytocine facilite les relations affectives (mère-enfant; relation de couple), mais son influence est modulée par le contexte. 3) L’oestrogène et la progestérone interviennent dans l’agressivité manifestée par les femmes, par les mères notamment pour protéger leur enfant. 4) Les glucocorticoïdes sont associés au stress. « Le stress [prolongé] dérange la cognition, le contrôle de l’impulsion, la régulation émotionnelle, la prise de décision, l’empathie et la sensibilité sociale » (p. 134). Au terme du chapitre, l’auteur conclut que les hormones ont des « effets contingents et facilitants », en amplifiant les tendances existantes. Que se passe-t-il dans les jours et les mois qui précèdent? Sapolsky examine la grande plasticité du cerveau qui se manifeste d’une façon générale. Je retiens la découverte révolutionnaire de la neurogenèse, la formation de nouvelles synapses, reconnue tardivement, même si ce phénomène avait été observé par Altman dès 1965. Dans les heures et les jours qui suivent un apprentissage, une nouvelle épine dendritique émerge puis un terminal d’axone se pointe. Ainsi, après quelque temps et des répétitions, une nouvelle synapse fonctionne et stabilise notre nouveau souvenir. Un exemple souvent cité de la plasticité du cerveau fait état de l’augmentation du volume de la partie arrière de l’hippocampe (associée à la mémoire spatiale) chez les conducteurs de taxis londoniens, parce qu’ils …
Sapolsky, R. (2018). Behave. The biology of humans at our best and worst. Londres, Royaume-Uni : Vintage[Notice]
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Léandre Bouffard
Université de Sherbrooke