Résumés
Résumé
Le problème de l’orthographe du et ou du est est un problème majeur pour tout locuteur natif. Les pédagogues pensent que cette difficulté relève d’une confusion entre catégories grammaticales, et les manuels scolaires proposent une analyse paradigmatique du problème. Peu d’ouvrages s’intéressent aux contextes syntagmatiques d’apparition du et ou du est. Nous avons voulu savoir comment les élèves de 6 à 10 ans résolvaient la tâche (écrire et ou est) et nous avons proposé, à une centaine d’enfants, deux tests prenant en compte les contextes syntagmatiques. La lecture des résultats révèle qu’au delà de l’analyse paradigmatique, ce sont des contextes types que l’enfant mémorise.
Abstract
Distinguishing between the spellings of the words et ‘and’ and est ‘is’ is a major problem for any native learner of French. Teachers think that this difficulty is linked to a confusion between different grammatical categories, and schoolbooks offer a paradigmatic analysis of the problem. Few books have been published on the syntagmatic contexts in which the words et and est appear. In this study, our purpose was to see whether children from age 6 to 10 could solve the problem of writing et and est correctly. The study was carried out with a hundred children, using two tests addressing the issue of syntagmatic context. The results show that beyond the paradigmatic analysis, what children memorize are typical contexts.
Corps de l’article
1. Introduction
Tout locuteur français natif sait qu’il est difficile de différencier, à l’écrit, et conjonction et est verbe. Voici des exemples recueillis auprès d’enfants de 6 à 10 ans :
Dans toute la partie sud de la France, et et est sont des homonymes. Pour la partie nord, et se prononce /e/, est se prononce /ε/. Cette différenciation phonétique disparaît peu à peu des manuels scolaires[2]. Le plus souvent, et et est sont traités comme des homonymes (Landier et Marchand 1996), de prononciation «très voisine» (Obadia et Rausch 1996b), ou «identique» (Demers et Tremblay 1996[3]). La différenciation devient alors un problème purement orthographique. Or, la différence grammaticale entre ces deux mots est radicale. C’est une différence entre deux catégories irréductibles : est est conjugable alors que et demeure invariable, et c’est une différence sensible dans la contextualisation. Alors, comment les enfants discriminent-ils à l’écrit et et est? Comment construisent-ils leur orthographe du et du est?
2. L’avis des didacticiens
Les didacticiens semblent penser que la difficulté que rencontrent les enfants qui font les fautes citées relève d’une confusion entre catégories grammaticales, et non seulement d’une simple confusion orthographique. Ils proposent des solutions pour corriger l’orthographe de et/est et font appel à deux raisonnements : l’un porte sur les paradigmes, et l’autre sur les contextes syntagmatiques.
2.1 Les paradigmes
Ce recours aux paradigmes pour et ou est figure dans tous les manuels scolaires. Il est proposé à l’enfant d’effectuer une substitution afin de découvrir la bonne écriture, comme le constatent Obadia et Rausch 1996b : «Traditionnellement, on apprend que pour résoudre la difficulté, il faut faire une substitution.» Il est demandé à l’élève de faire commuter et ou est avec un autre élément du paradigme. Pour et, l’enfant doit construire un paradigme entre et et et puis (dès 7 ans, dans tous les manuels). Pour est, il a le choix entre est et d’autres formes verbales de être. Nous les avons classées par ordre de préférence des manuels scolaires :
Si le remplacement de est par était est préféré par l’ensemble des manuels scolaires, c’est parce que cette forme est phoniquement et graphiquement plus proche de est, à la différence de sera ou de sont. Ces substitutions peuvent être essayées sur chacun des deux éléments. Les impossibilités doivent conduire à préférer un élément à un autre, comme dans cet exemple où l’impossibilité (notée par * et correspondant au mot barré dans le manuel) de remplacer un mot par était conduit à choisir comme écriture et : «Il est (était) surpris et (* était) fâché.» (exemple de Demers et Tremblay 1996). Quelques auteurs demandent à l’enfant de replacer et ou est dans un paradigme plus large, afin de différencier et, qui ne change pas, de est, qui varie[4].
2.2 Les contextes syntagmatiques
Peu d’ouvrages scolaires s’intéressent aux contextes. Axés sur l’idée de substitution, ces ouvrages isolent un élément du paradigme, en laissant le reste de la phrase intact. C’est ainsi qu’ils s’intéressent au verbe être, mais jamais à son sujet ou, quand ils s’y intéressent, c’est seulement au sujet pronom, parce qu’il fait varier la conjugaison du verbe. Le pronom ce n’est pas traité sur le même plan que les autres pronoms. L’étude de c’est, séparée de celle de est, appartient au domaine de l’homonymie : distinguer c’est/ces/cet ou c’est/s’est/sait (Guion et Guion1980; Capet et Artoux 1989). Les manuels font peu de cas, par ailleurs, de l’environnement syntaxique de est. Si cette démarche qui consiste à isoler un mot peut paraître rentable quand il s’agit d’un nom (lexique de sens plein : une voiture, une maison), elle l’est bien moins quand il s’agit d’éléments de haute fréquence comme est ou et : pris isolément, ils apparaissent vidés de leur sens.
Quelques auteurs font observer que et relie deux éléments de même nature : deux adjectifs, deux noms, deux verbes… (Bois et Henri 1983), ou encore qu’il se place entre deux mots identiques : deux noms, deux verbes (Obadia et Rausch 1996a). Pour est, Obadia et Rausch (1996a) sont les seuls auteurs à indiquer qu’il «sert à former une phrase».
On aurait pu s’attendre à un recours au sens, mais la prise en compte de l’énoncé dans sa globalité (syntaxique, morphologique, sémantique) n’apparaît pas dans les manuels scolaires. Une tentative apparaît chez deux auteurs de manuels pour et uniquement : Berlion 1993 indique que et est un «mot de liaison»; Guion et Guion 1983, 1992 notent qu’il «ajoute quelque chose» Dans Guion et Guion 1994, une définition métalinguistique place et du côté des opérations mathématiques, en le remplaçant par le signe plus : «un chat et un chien (1+1)».
Ce manque de prise en compte, par les manuels scolaires, des contextes syntagmatiques d’apparition du et ou est était étonnant. Les exercices des manuels ne proposaient à l’élève que des phrases courtes ou des fragments de phrases sans ambiguïté, sur le même modèle que l’exemple cité; or, ce type d’exercices nous apprend peu sur la difficulté des élèves lors du choix du et ou du est. L’étude de plus d’une centaine de textes d’enfants et une longue expérience d’enseignement m’avaient conduite à formuler trois hypothèses : 1° l’âge (la maturation) serait un facteur de réussite (à 10 ans, les erreurs étaient moins fréquentes); 2° c’est serait mieux réussi que est (parce qu’il était connu très tôt, dès l’école maternelle); 3° et serait mieux réussi dans les coordinations entre deux noms ou deux adjectifs qu’entre deux propositions.
C’est dans le but d’observer les contextes syntagmatiques qu’a été construite notre expérimentation, basée sur la passation de deux tests ciblant certains contextes d’apparition de et/est[5].
3. Mise en place de l’expérimentation
3.1 Échantillon
Deux tests ont été présentés à cent enfants de 5 à 11 ans habitant Aix-en-Provence. Ces élèves, au nombre de 20 par tranche d’âge, ont été choisis dans une école primaire[6] (20 de 6, 7, 8, 9,10 ans), en ayant soin à chaque fois de prendre dix filles et dix garçons par tranche d’âge, différenciation de sexe qui s’est révélée utile par la suite.
3.2 Matériel
3.2.1 1er test : le texte à trous (cf. Annexe 1)
L’élève avait à accomplir une tâche fermée : dans un contexte donné (un texte à trous), il devait écrire et ou est. Ce texte avait été élaboré à partir de textes d’élèves avec un vocabulaire accessible à tous. Pour les plus jeunes, le texte était lu par l’enquêteur. Notre domaine d’étude de et/est a été limité à certains contextes, ce choix étant guidé par l’observation de plus d’une centaine de productions d’enfants de 6 à 10 ans : ont été laissés de côté, entre autres, le et entre deux pronoms (toi et moi) ou le est avec un verbe pronominal (il s’est battu).
3.2.2 2e test : les phrases (cf. Annexe 2)
Dans ce second test, la tâche était ouverte puisque c’était à l’élève de construire un contexte d’apparition des deux formes et et est : chaque enfant devait écrire trois phrases de son choix contenant et puis trois phrases avec est[8]. Certains enfants (notamment les plus jeunes) prononçaient les phrases et l’enquêteur les écrivait.
4. Résultats du 1er test (le texte à trous)
Un logiciel de statistiques (Stat View) a permis de traiter les résultats et de dépasser la simple analyse de données fournies par un corpus[9]. Même si le nombre d’enfants par tranches d’âge est peu élevé, les résultats obtenus ouvrent des pistes.
4.1 Réussites selon l’âge et le sexe
Nous nous sommes d’abord intéressée au total des réussites dans le texte (maximum 5 pour et, 4 pour est) et avons comparé les fréquences de réussite et/est par tranche d’âge.
4.1.1 et
Une analyse de variance permet de comparer les moyennes de réussite des enfants de 6 ans à 10 ans. L’effet du facteur âge ainsi estimé est très significatif (F = 13,94; p = .0001; le seuil de signification est considéré comme satisfaisant à partir de p = .05). La réussite pour et est donc fonction de la classe d’âge dans laquelle se trouve l’enfant.
Si nous examinons les histogrammes correspondant à ces âges (figure 1), nous nous apercevons aussi qu’une meilleure réussite pour l’ensemble des enfants a lieu à 9 ans et que cette réussite se fait de façon progressive pour les filles de 6 ans à 10 ans, mais pas pour les garçons. Même si l’effet du facteur sexe (comparaison garçons – filles : F = 2,57; p = 0.11) n’est pas aussi significatif que le facteur âge, il ne faut pas négliger cette variable, comme nous l’observerons plus tard.
4.1.2 est
Le facteur âge est tout aussi significatif que pour le et (F = 18,53; p = .00). La réussite pour est est aussi fonction de la tranche d’âge dans laquelle se trouve l’enfant. Les enfants de 10 ans réussissent mieux que ceux de 6 ans, mais ceux de 9 ans partagent les mêmes scores que ceux de 10 ans. Si nous examinons le graphique des réussites pour le est (figure 2) représentant le score moyen des 10 filles et celui des 10 garçons par tranches d’âge, nous nous apercevons que : 1° les filles réussissent mieux que les garçons de 6 ans et 7 ans, mais à 8 ans, les garçons rattrapent les filles; 2° la progression des réussites des filles est régulière de 6 ans à 10 ans, ce qui n’est pas le cas des garçons.
Fig. 2
Graphie du est. Moyennes de réussite par âge et par sexe.
Note. L’axe vertical représente le score ou la moyenne des graphies correctes et l’axe horizontal les différents âges.
Même si l’effet du facteur sexe (F = 3,29; p = .73) pour le est n’est pas aussi significatif que le facteur âge, il ne faut pas le négliger. L’épreuve est plus sensible entre les enfants de 6 ans et 7 ans et elle semble être acquise à partir de 8 ans (où le score moyen est de 3,70 sur 4,00 pour les garçons et de 3,50 pour les filles).
4.1.3 Corrélations et/est
Est-il possible d’établir un lien entre les réussites de et et celles de est pour l’ensemble des enfants? La réponse est positive. La force de la corrélation observée (+0,57[10]) montre que pour tout âge et pour les deux sexes, la probabilité est assez forte pour que la réussite à et soit associée à la réussite à est et inversement[11].
4.1.4 Conclusions
Deux facteurs ont des effets sur l’épreuve : celui de l’âge révèle que les plus touchés par les erreurs sont les enfants de 6 ans et de 7 ans et qu’il faut attendre 9 ans pour avoir de très bons résultats (et même d’excellents, dans le cas de est). Ces résultats confirment notre hypothèse de départ[12]; celui du sexe (hypothèse non envisagée au départ) montre une réussite progressive chez les filles de 6 ans à 10 ans, alors que chez les garçons, cette réussite est plus chaotique jusqu’à 8 ans, et plus lente puisqu’il faut attendre 9 ans pour constater une véritable progression. De plus, la corrélation entre et et est semble indiquer que, de 6 ans à 10 ans, la compétence orthographique de l’enfant se généralise : ou on réussit dans les deux tâches ou on ne réussit dans aucune.
4.2 Réussite selon les contextes
Nous avons voulu détailler l’ensemble des réussites et des erreurs. Dans ce but, nous avons construit les histogrammes de chaque tranche d’âge, en différenciant le sexe, pour chacun des contextes concernés (figure 3). Chaque histogramme a permis ainsi de situer la colonne des erreurs (E) à côté de celle des réussites (R) et de visualiser les différences, le nombre d’enfants apparaissant sur l’axe vertical. Il a été ainsi aisé de repérer le moment où la réussite était totale pour chacun des contextes, aussi bien pour les garçons que pour les filles.
4.2.1 et
entre deux noms (Un chasseur et son chien partent à la chasse.) : dès 6 ans, la majorité des enfants réussit (7 garçons sur 10 et 7 filles sur 10), les scores sont d’ailleurs meilleurs à 6 ans qu’à 7 ans.
entre deux adjectifs (Le chien va chercher le petit lapin gris et blanc.) : dès 6 ans, la majorité des enfants réussit (10 réussites pour les filles et 9 pour les garçons), mais dans une proportion plus grande que pour et entre deux noms pour tous les âges. Ici encore, les résultats sont meilleurs à 6 ans qu’à 7 ans.
entre deux propositions (Le chasseur félicite son chien et lui dit…) : les résultats sont médiocres pour les filles comme pour les garçons. À 8 ans, ils ne dépassent pas 7 réussites pour les filles et 6 pour les garçons. Il faut attendre 9 ans pour que les scores soient bons : 10 réussites pour les filles et 9 pour les garçons.
suivi de soudain (Et soudain, le chasseur entend un bruit.) : les scores sont meilleurs à 6 ans qu’à 7 ans et il faut attendre 8 ans pour comptabiliser chez les filles 9 réussites et 9 ans pour en comptabiliser 8 chez les garçons.
suivi de puis (Ils rentrent chez eux et puis ils mangent le lapin.) : les scores sont meilleurs à 6 ans qu’à 7 ans. Les filles réussissent dès 6 ans (8 réussites contre 6 pour les garçons) et la réussite est totale à 8 ans. Par contre, les garçons ne réussissent complètement qu’à 9 ans.
Fig. 3
Graphie du et entre deux noms. Fréquences des erreurs et des réussites par âge et par sexe.
4.2.2 est
suivi d’un attribut adjectival (Le chien est content.) : les réussites des garçons sont moins bonnes que celles des filles (à 6 ans, 4 contre 6 pour les filles). Il faut attendre 8 ans pour arriver à 9 réussites chez les garçons alors que les filles parviennent au même score dès 7 ans.
suivi d’un locatif (Le chasseur est dans la prairie.) : le calcul des fréquences de est suivi d’un locatif montre qu’à 6 ans, la réussite est plus grande chez les filles que chez les garçons (5 contre 3), qu’il en est de même à 7 ans (6 contre 4) et qu’elle est presque totale à 8 ans (9 réussites). Pour les garçons, il faut attendre 9 ans pour arriver au même score.
suivi d’un temporel (Il est 5 heures du matin.) : dès 6 ans, l’épreuve est réussie par la majorité des enfants (7 chez les filles et 6 chez les garçons). La réussite est plus marquée chez les filles à 7 ans (7 réussites contre 3 chez les garçons). À 8 ans, 9 réponses sont justes, quel que soit le sexe et il n’y a plus aucune erreur à 9 ans et 10 ans. Ces résultats avec le temporel sont meilleurs que ceux avec le locatif.
emploi de c’est (C’est un lapin.) : le taux de réussite est presque de 100 % pour tous, quel que soit l’âge ou le sexe.
4.2.3 Corrélations et/est
Y avait-il une indépendance entre les réussites selon les contextes concernés, ou les réussites étaient-elles liées entre elles? Les corrélations établies par âge, sur la base de 20 enfants, nous indiquent quelques faits : 1° de 6 ans à 8 ans, la corrélation dans le cas du est suivi d’un locatif et du est suivi d’un temporel n’est pas significative (0,17), mais augmente en force : la corrélation est respectivement de 0,17, 0,40 et 0,67, ce qui signifie que l’élève possède une capacité conjointe à résoudre les deux problèmes au fur et à mesure des années; 2° dès 6 ans, une forte corrélation (0,69) se lit entre c’est et et entre deux adjectifs. Est-ce le lien de proximité dans le texte qui est responsable, ou le référent qui est le même dans ces deux énoncés, en l’occurrence «le lapin»? Il faut se souvenir que pour les plus jeunes, ce texte était lu par l’expérimentateur : C’est un lapin. Le chasseur tire. Le chien va chercher le petit lapin gris et blanc.
4.2.4 Conclusions
Ce traitement appuie les hypothèses de départ, mais il permet surtout d’affiner les résultats et révèle de nouvelles données. En effet, les hypothèses de départ sur les contextes sont confirmées : pour c’est, la réussite est presque totale pour les garçons comme pour les filles. Il n’existe pas de *c’et à l’écrit. La reconnaissance du c’ dans le texte a sans aucun doute induit les élèves à ne pas se tromper dans leur choix de et ou de est. Une justification orale des enfants de 6 ans à 10 ans, lors de la passation du test, semble bien nous donner raison :
Il semble que c’est soit reconnu comme un mot global, repéré dans les livres, les comptines… Pour et entre deux adjectifs et et entre deux noms (cas des coordinations), la réussite est bonne, mais le traitement des données montre également que la réussite de et entre deux adjectifs est meilleure qu’entre deux noms. Il faudrait faire varier les adjectifs pour pouvoir mesurer comment le lexique entre en jeu.
Le traitement des données révèle aussi que certains contextes posent des difficultés à l’enfant, quels que soient son âge et son sexe. C’est le cas de et entre deux propositions : il faut attendre 9 ans pour avoir un taux de réussite satisfaisant. Nous pouvons penser que le fait d’avoir à traiter une longue séquence pour choisir et (à l’inverse du c’est reconnu immédiatement) est à l’origine de cette difficulté : l’élève doit en effet prendre en compte tout l’énoncé (Le chasseur félicite son chien et lui dit qu’il aura une belle récompense) avant de faire son choix[13].
C’est aussi le cas de et + soudain : il faut attendre 8 ans pour avoir un taux de réussite satisfaisant, le et + puis étant réussi bien plus tôt. La fréquence des rencontres de l’élève avec et puis peut être à la source de cette différence dans les résultats. Mais nous pouvons aussi envisager que si la suite et + soudain pose problème, c’est parce que est + soudain est possible (il est soudain parti) alors que la séquence * est + puis ne se rencontre pas.
Le traitement des données montre aussi que certains contextes différencient les performances des garçons de celles des filles, les filles ayant plus tôt des taux de réussite plus élevés : c’est le cas de est + attribut, les filles réussissant en majorité à 7 ans alors que pour les garçons, il faut attendre 8 ans. C’est aussi le cas de et puis ou et soudain : si les filles réussissent respectivement à 6 ans et à 8 ans, les garçons ne parviennent à de très bons scores qu’à 9 ans.
5. Résultats du 2e test (3 phrases avec et et 3 phrases avec est)
D’autres contextes que ceux concernés par le texte à trous apparaissent dans les phrases produites par les enfants.
5.1 Réussites selon l’âge et le sexe
5.1.1 et
Nous retrouvons les contextes du premier test (et entre deux noms, deux adjectifs, deux propositions). Mais d’autres emplois apparaissent avec des mots invariables autres que soudain, puis, ou avec et en tête de phrase (sans que et soit suivi d’un mot invariable), alors que ce contexte avait été exclu du texte à trous[14].
Les réussites dans les phrases se lisent sur des histogrammes (figure 4) établis par âge et par contexte. L’effectif par tranche d’âge est de 20 enfants, soit 10 garçons et 10 filles. Ces histogrammes indiquent pour chacun des sexes le nombre de graphies correctes : 0[15], 1, 2 ou 3 graphies correctes.
Fig. 4
Graphie du et entre deux noms. Fréquences des réussites par âge et par sexe.
Les tableaux qui suivent recensent le nombre de graphies correctes selon les contextes.
Tableau A
et entre deux noms (152 emplois) [16]
Tableau B
et entre deux adjectifs (15 emplois)
C’est à 10 ans que et entre deux adjectifs est utilisé. Ce sont surtout des emplois de et entre deux noms qu’on trouve dans les phrases à tout âge (tableau précédent). Les adjectifs coordonnés sont principalement des adjectifs de couleur :
Tableau C
et entre deux propositions (68 emplois)
Les énoncés avec et entre deux propositions sont deux fois plus nombreux à 6 ans qu’à 10 ans.
et suivi d’un mot invariable (17 emplois)
Il y a peu d’emplois, dont 9 à 6 ans. Cette catégorie regroupe le et puis du texte à trous (5 emplois), mais il n’y a eu aucun emploi de et soudain. D’autres mots invariables sont apparus : des temporels comme des fois (1), aujourd’hui (1), un jour (1), après (6), un locatif comme chez moi (2) et le pronom toi (1).
et en début de phrase (4 emplois)
Ces emplois du et en début de phrase sont rares (3 emplois à 6 ans et 1 à 7 ans).
5.1.2 est
Nous retrouvons les contextes du premier test (est suivi d’un attribut, d’un locatif, d’un temporel, c’est). Mais d’autres emplois apparaissent : est suivi d’un complément circonstanciel autre que locatif ou temporel, ou encore dans un emploi d’auxiliaire.
Tableau D
est suivi d’un attribut (116 emplois, soit 18 noms et 98 adjectifs)[18]
Alors que dans le cas des adjectifs coordonnés avec et, nous avions eu majoritairement des adjectifs de couleur, d’autres adjectifs apparaissent avec cette structure en est + adjectif :
Tableau E
est suivi d’un complément circonstanciel (40 emplois) suivi d’un locatif (25 emplois)
suivi d’un complément autre que locatif (15 emplois)
Pour les autres emplois de est suivi d’un complément circonstanciel, il y a peu d’emplois : 5 emplois avec le temporel tard (il est très tard) et 10 emplois avec un complément autre que locatif ou temporel (6 ans : Il est avec sa maman. 7 ans : La voiture est en panne. 9 ans : Elle est en train de promener le chien.)
est comme auxiliaire (32 emplois) ou
suivi d’un participe passé (28 emplois)
Il y a peu d’emplois de ce type, et ils sont principalement réalisés par les enfants de 9 et 10 ans (23 emplois sur 28) avec les verbes aller, partir, rentrer, sortir : Ma maman est allée voir un film. / Il est sorti.
avec un verbe pronominal (4 emplois)
Les emplois sont rares : J’ai un pigeon et il s’est envolé. (6 ans), Un hélicoptère s’est écrasé. (7 ans), Le lapin s’est échappé. (9 ans) Ces emplois de est en tant qu’auxiliaire sont très faibles par rapport au est suivi d’un attribut (116 emplois).
Tableau F
emploi de c’est (43 emplois)
5.1.3 Corrélations entre les deux tâches
Pouvait-il y avoir une corrélation entre les emplois dans les phrases et les réussites dans le texte? Y avait-il un rapprochement à faire au niveau de la conduite des enfants lors du remplissage du texte à trous et lors de la production de phrases? Nous avons calculé les corrélations par âge, mais elles ne se sont pas révélées significatives : elles n’ont montré aucun lien systématique entre les deux tâches. Les tâches différentes (tâche fermée du 1er test / tâche ouverte du 2e test) semblent mettre en jeu des compétences différentes, mais cela est peut être dû au faible effectif de l’échantillon.
5.1.4 Conclusions
Le tableau qui suit recense le nombre d’emplois réussis, tous âges confondus, pour et et est dans les phrases, pour les contextes où ce nombre est significatif :
Tableau G
Les résultats montrent que les hypothèses de départ sur la réussite du et dans les coordinations, entre deux noms ou deux adjectifs, et du c’est se trouvent appuyées par la fréquence d’emploi de ces mots dans les phrases produites par l’élève. Mais ce test sur les phrases révèle aussi que dans la production de phrases, des emplois de et et est sont bien repérables : 1° et est surtout utilisé comme élément pour les listes de noms. Il y a 10 fois plus de noms (152 emplois) que d’adjectifs (15 emplois) coordonnés par et. En second lieu, il est aussi élément de liste entre deux propositions (68 emplois) mais pour un emploi de et de ce type, il y a presque trois emplois de et entre deux noms ou adjectifs; 2° est est surtout utilisé comme verbe attributif pour les adjectifs. Il y a 5 fois plus d’adjectifs (98 emplois) que de noms (18 emplois) construits par est; 3° c’est est toujours présent (43 emplois), mais il est surtout utilisé par les plus jeunes (6 ans et 7 ans).
5.2. Erreurs selon les contextes
Dans un second temps, nous nous sommes intéressée aux erreurs commises par l’élève sur l’emploi du et à la place du est et vice-versa. L’emploi de et comme verbe a donné lieu à deux sous-emplois différents que nous avons distingués : celui où et est suivi d’un attribut (nom ou adjectif) et celui où et est suivi d’un participe passé ou d’un complément circonstanciel.
Pour les erreurs sur le est, nous avons retrouvé des contextes qui étaient apparus à propos des réussites : est entre deux propositions, est entre deux noms ou deux adjectifs (que nous avons regroupés), est en début de phrase.
5.2.1 et
Tableau H
et suivi d’un attribut (21 emplois fautifs)
Ce sont majoritairement des adjectifs qu’on trouve après et, comme dans le cas des réussites (tableau D) : 19 adjectifs pour 2 noms. À 9 ans et à 10 ans, il n’y a plus d’erreur.
Tableau I
et suivi d’un participe passé ou d’un circonstanciel (19 emplois fautifs)
À 10 ans, il n’y a plus d’erreurs, elles décroissent à partir de 8 ans.
5.2.2 est
Tableau J
est entre deux propositions (36 emplois fautifs)
Ce sont les enfants de 6 ans qui ont commis le plus d’erreurs, mais ce sont aussi ceux qui ont produit le plus de phrases avec et entre deux propositions (tableau C).
Tableau K
est entre deux noms ou deux adjectifs (16 emplois fautifs, soit 14 noms et 2 adjectifs)
Les erreurs ont lieu à 6 ans et à 7 ans. A partir de 8 ans, leur nombre est presque nul.
est en début de phrase (11 emplois fautifs)
Seuls les 6 ans et 7 ans ont produit des énoncés de ce type.
5.2.3 Taux de réussite
Pour les emplois de et et est les plus significatifs (tableau G), il était intéressant de calculer le taux de réussite. Pour c’est, nous avons déjà vu qu’il était de 100 %. Nous avons ainsi comparé le total des réussites (tableaux A, B, C et D) à celui des erreurs (tableaux K, J et H) :
Tableau L
et entre deux noms
Tableau M
et entre deux adjectifs
Tableau N
et entre deux propositions
Tableau O
est suivi d’un attribut
5.2.4 Conclusions
L’examen des tableaux amène à faire deux remarques : la première sur les fréquences d’emploi (réussites et erreurs confondues) et la seconde sur le taux de réussite. L’influence de l’âge sur les fréquences d’emploi dépend du contexte concerné. En effet, si les emplois de et entre deux adjectifs augmentent avec l’âge (tableau M), c’est l’inverse pour les emplois de et entre deux propositions, majoritaires à 6 ans et minoritaires à 10 ans (tableau N). Le taux de réussite montre que le facteur âge joue puisqu’il est, pour tous les contextes concernés, maximum à 10 ans (tableaux L, M, N et O). Pour et entre deux noms ou deux adjectifs, le maximum est atteint à 8 ans (tableaux L et M) et pour est suivi d’un attribut, à 9 ans (Tableau O). Par contre, une baisse sensible du taux de réussite se produit à 7 ans pour presque tous les contextes (tableaux L, N et O).
6. Bilan sur les résultats aux deux tests
Si nous comparons les deux tâches à effectuer (résultats aux 1er et 2e tests), nous nous apercevons que : 1° le facteur âge joue dans les deux cas, la compétence orthographique se généralisant de 6 ans à 10 ans, bien qu’il y ait pour certains contextes une baisse des performances à 7 ans; 2° le facteur sexe ne joue que dans le cas de la tâche du texte à trous, la progression des filles étant plus rapide que pour les garçons, mais la différence tend à s’annuler à partir de 9 ans; 3° l’acquisition du c’est est indépendante de celle du est; elle est précoce (dès 6 ans) et parfaite (taux de réussite de 100 %); 4° les emplois de et sont réservés, dans les productions, à et jouant le rôle d’élément de liaison entre deux noms (Christophe et son frère). Dans le texte à trous, ce contexte avait connu de très bons résultats; 5° les emplois de est sont réservés, dans les productions, à est jouant le rôle de verbe attributif suivi d’un adjectif (Cette personne est très gentille.). Il faut attendre l’âge de 8 ans pour avoir un excellent taux de réussite; c’est aussi à partir de cette tranche d’âge que les résultats avaient été meilleurs dans le texte à trous, pour ce contexte. Il se dégage donc nettement des prototypes.
7. Les commentaires des enfants
Lors de la passation des deux tests, les expérimentateurs proposaient aux élèves des contre-arguments pour leur faire expliciter leurs choix et pour observer s’ils appliquaient une règle. Ils leur posaient la question de savoir s’ils avaient un «truc» pour différencier et/est et d’où il venait.
Il est intéressant de mettre en parallèle les résultats quantitatifs obtenus aux deux tests avec les réponses qualitatives des enfants aux questions posées lors de l’interview[19] sur le choix du et/est. De toute évidence, est pose plus de problèmes à l’élève que et :
Peu d’enfants recourent à la discrimination auditive, comme le proposaient certains manuels :
Et cette discrimination peut même être source de confusion pour des enfants habitant le sud de la France :
En effet, comme l’écrivent Branca et Piolat 1979, dont l’article traite des problèmes relatifs à la graphie des sons /e/ et /ε/ à la finale[20] : «…pour pouvoir prononcer, il fallait avoir identifié la forme et le recours à la prononciation fonctionne tout au plus comme une relecture.»
7.1 Interprétation étonnante du s dans le est
Cette marque écrite de pluriel en français (les grands chats) est appliquée à est, si bien que le choix du et ou du est est conditionné par le nombre : est est relié à la notion de pluriel et et à celle du singulier. C’est à 6 ans et à 7 ans, là où il n’y a pas d’apprentissage scolaire de la règle, que nous trouvons des enfants qui relient est au pluriel, ainsi que chez deux enfants de 8 ans et 9 ans :
Pour d’autres enfants, cette «stratégie» du nombre fonctionne dans l’autre sens, et et est alors relié à la notion d’addition. Leurs explications rappellent la formule mathématique insérée dans l’ouvrage scolaire de Guion et Guion 1980 «et = 1+1» :
Mais des ambiguïtés demeurent sur les nombres à considérer pour écrire et ou est :
7.2 Le paradigme de la grammaire scolaire
Des élèves, essentiellement à partir de 8 ans, expliquent leur choix en recourant à la fameuse règle paradigmatique que la grammaire scolaire enseigne, en principe à 8 ans. Quelques enfants de 6 ans et 7 ans affirment qu’un adulte (le plus souvent la mère) leur a expliqué la règle.
Ce sont alors des fragments de paradigme que les élèves essaient de faire fonctionner en remplaçant est par était :
et en remplaçant est par sont :
ou encore en identifiant est comme un verbe indispensable à la phrase :
ou encore en associant est au pronom il ou elle :
finalement en remplaçant et par et puis :
D’autres enfants essaient de croiser plusieurs indices :
Mais ce fonctionnement par paradigme (par commutation) pose des problèmes à l’élève, comme l’ont déjà montré certains commentaires et comme le prouve cette déclaration de Coline :
Quelques enfants de 9 ans et 10 ans[21] donnent l’impression qu’ils ont parfaitement intégré le paradigme que l’école leur a appris (selon eux) :
Mais est-ce vraiment un paradigme que l’enfant a intégré? Relier est, était et être fait peut-être partie des mécanismes intégrés, mais l’enfant n’a pas forcément accès à la connaissance de ce mécanisme. C’est ce que soupçonnaient Obadia et Rausch 1996b, dans leur ouvrage scolaire, quand ils alertaient les enseignants contre un apprentissage systématique de la règle du et/est : «Mais pour que cette recette soit efficace, il faut d’une part s’assurer que l’enfant est capable d’identifier les catégories grammaticales et d’autre part attirer son attention sur le sens de la phrase, afin qu’il ne se contente pas d’une application mécanique qui ne résoudrait rien.»[22]
Peut-on vraiment établir le paradigme de est en ayant recours au changement de temps? Nous savons qu’une coupure sémantique forte oppose le présent de être à son imparfait était : ainsi, si on dit à quelqu’un elle était gentille, il risque fort de demander «Comment, était? Elle est morte?» Ce terrain du changement de temps pour est est peu stable pour faire une substitution. Branca et Piolat 1979 mettaient déjà en garde contre cette procédure de substitution : «Pour pouvoir appliquer la procédure de commutation, il faut savoir circonscrire la portion de phrase où faire fonctionner le mécanisme, savoir déjà ce qu’on veut questionner, et donc avoir en quelque sorte déjà résolu le problème en emmagasinant un nouveau contexte syntaxique.»
C’est aussi en termes de contexte qu’Establet 1985 : 695, dont l’expérimentation a porté sur les formes en /E/ des verbes en -er, situe la réussite : «Ils (les enfants) sont rivés à l’axe syntagmatique et incapables d’utiliser l’axe paradigmatique. Les meilleurs élèves se distinguent des plus faibles uniquement en ceci qu’ils semblent connaître davantage des contextes types.»
La réussite de certains n’est-elle pas liée à des contextes d’apparition du et ou du est qui sont mis en mémoire plutôt qu’au bon fonctionnement d’une règle? C’est en effet ce que semblent nous dire ces élèves :
Ce fonctionnement par paradigme ne serait opératoire que si, en même temps, s’effectue un traitement du syntagme.
8. Conclusion
Dans un premier temps, les tests ont montré que le facteur âge (la maturation) jouait un rôle dans l’appréciation de la compétence orthographique des élèves (à propos de et/est) et que le facteur sexe ne jouait que pour le texte à trous, les garçons rattrapant en performance les filles à partir de 9 ans. Ils ont aussi révélé deux secteurs privilégiés d’emplois du et et du est : et est employé dans les listes de noms (10 fois plus de noms que d’adjectifs dans les coordinations) et est dans un emploi de verbe attributif avec adjectif (5 fois plus d’adjectifs que de noms). La réussite dans ces contextes privilégiés se retrouve dans les résultats obtenus pour le texte à trous.
Dans un second temps, les commentaires des enfants ont révélé qu’au delà d’un traitement paradigmatique du problème de et/est (tel que la grammaire scolaire l’enseigne), ce sont des contextes types qui sont pris en compte par l’élève. Le traitement se fait sur des éléments de la chaîne syntagmatique, comme le montre la «stratégie» du nombre que certains appliquent. Au delà de la simple opération de commutation qui lui est enseignée, c’est du sens que l’élève reconstruit et ce sont des contextes types qu’il mémorise. Et si le facteur âge joue un rôle majeur lors de la réussite au et/est, c’est, à notre avis, parce que cette mémorisation va de pair avec l’âge. Nous pouvons penser que c’est plutôt par les contextes que les enfants apprennent les catégories. Tests et commentaires ont également montré que l’apprentissage du c’est se fait indépendamment de celui du est, en dehors de l’apprentissage orthographique et qu’il est plus vraisemblablement lié à celui de la lecture.
Parties annexes
Annexes
Annexe 1
Le texte à trous (pour la passation du 1er test)
Écris et ou est en rouge dans le texte.
Le chasseur
Il _____ 5 heures du matin. Un jour, un chasseur _____ son chien partent à la chasse. Aujourd’hui, le chien _____ content.
Le chasseur _____ dans la prairie. Le chien a senti une odeur. _____ soudain, le chasseur entend un bruit. Il voit quelque chose. C’_____ un lapin. Le chasseur tire. Le chien va chercher le petit lapin gris _____ blanc. Le chasseur félicite son chien _____ lui dit qu’il aura une belle récompense. Maintenant, ils rentrent chez eux _____ puis ils mangent le lapin.
Annexe 2
Les phrases (pour la passation du 2e test)
Écris 3 exemples avec et (autres que ceux du texte).
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Écris 3 exemples avec est (autres que ceux du texte).
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Notes
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[1]
Les âges (mentionnés dans l’article) réfèrent à la classe dans laquelle se trouvent les enfants : cours préparatoire (CP : 6 ans), cours élémentaire 1ère année (CE1 : 7 ans), cours élémentaire 2ème année (CE2 : 8 ans), cours moyen 1ère année (CM1 : 9 ans) et cours moyen 2ème année (CM2 : 10 ans).
-
[2]
On sait que cette différenciation se maintient au Québec.
-
[3]
Tous les manuels scolaires mentionnés dans l’article figurent dans la bibliographie.
-
[4]
Pour et, il faut reconnaître que c’est un mot «qui ne change jamais» (Rivais 1989) ou un mot «invariable» (Bois et Henri 1983; Goupil et Goupil 1990; Berlion 1993; Obadia et Rausch 1996a), qu’au cours moyen, on appellera par son nom de «conjonction» (Bled et Bled 1954) ou «conjonction de coordination» (Landier et Marchand 1996; Ley 1996). Pour est, ce mot appartient au paradigme du verbe être (Obadia et Rausch 1996a). Quelques auteurs proposent, dans des exercices, de le conjuguer à différentes personnes : il est, elle est, on est, je suis (Guion et Guion 1994), tu es (Ley 1996), ils sont (Obadia et Rausch 1996a) ou à différents temps : il était ou il sera en remplaçant dans les phrases aujourd’hui par autrefois ou demain (Bois et Henri 1983; Capet et Artoux 1989; Goupil et Goupil 1990).
-
[5]
Je tiens à remercier Frédéric Lamouroux et Stéphanie Leone pour leur aide lors de la passation des tests et pour leurs précieuses notes.
-
[6]
Notre expérimentation a porté sur une même école. Il serait utile de refaire ces tests dans une autre école, ces premières observations pouvant être ainsi prolongées.
-
[7]
C’est la fréquente utilisation de et puis et de et soudain, dans les productions d’enfants, qui a guidé ce choix lexical.
-
[8]
Comme ces deux tests ont été passés à la suite l’un de l’autre, le danger était que les enfants reproduisent, dans le second test, des phrases issues du premier, mais il n’en a rien été. Parfois certaines phrases ont eu comme sujet le chien. Mais ces influences paraissaient minimes, comparées à l’ensemble des réponses.
-
[9]
Je tiens à remercier Michel Piolat (département de psychologie, Université de Provence) et Patrick Brüderlein pour leur aide précieuse et leurs conseils avisés lors du traitement statistique des données.
-
[10]
Pour un effectif de 20 sujets, pour toute valeur supérieure à 0.49, la corrélation est significative à 0.01 (soit 1 chance de se tromper sur 100). Pour celles comprises entre 0.42 et 0.49, la corrélation est significative à 0.05 (soit 5 chances de se tromper sur 100) et pour toute valeur inférieure à 0.42, la corrélation n’est pas significative.
-
[11]
Cette corrélation augmente de 6 ans à 8 ans (6 ans : + 0,20, 7 ans : + 0,44, 8 ans : + 0,63). À 9 ans et à 10 ans, il n’y a plus de corrélation possible puisque le plafond est atteint, tout étant réussi pour la majorité des enfants.
-
[12]
Même si dans d’autres écoles, les résultats ne sont pas aussi bons et même s’il reste des adultes qui font des fautes, nous pensons que l’âge (la maturation) est un facteur de réussite.
-
[13]
Pour vérifier cette idée, on pourrait placer et à différentes distances du début de l’énoncé et observer s’il y a une différence dans les résultats.
-
[14]
Nous avons aussi noté trois emplois insolites de et qui n’entreront pas dans l’analyse : Maman travaille et au boulot. (6 ans) Je suis allée à la maison et faire mes devoirs. (7 ans) J’étais à l’école puis j’ai eu une mauvaise note et mal colorié. (9 ans)
-
[15]
S’il y a 0 graphie correcte, cela signifie ou que l’enfant a mal orthographié le mot ou que dans le contexte choisi, aucune phrase n’a été produite.
-
[16]
À 8 ans, ce sont principalement 7 garçons et 5 filles qui ont réalisé 3 phrases avec et entre deux noms, soit 36 des emplois sur un total de 42.
-
[17]
La ponctuation et l’orthographe de l’enfant (sauf pour le et/est) ont été corrigées.
-
[18]
N = nom, A = adjectif. En fait, sur un total de 39 emplois, 5 garçons et 5 filles (soit la moitié des élèves de 10 ans) sont responsables de 25 emplois.
-
[19]
Nous laisserons de côté les réponses du c’est, déjà signalées. Il faut aussi mentionner que tous les enfants n’ont pas apporté une justification à leur choix.
-
[20]
L’expérimentation de Branca et Piolat a porté sur une classe de CE1 pendant toute une année scolaire et a montré que les élèves développaient des stratégies syntagmatiques pour orthographier /e/ ou /ε/ à la finale.
-
[21]
Ces enfants font partie de ceux dont la réussite dans les phrases est totale. C’est le cas de 9 enfants de 9 ans et de 14 enfants de 10 ans.
-
[22]
Un exemple de cette application mécanique de la règle m’a été fourni par un élève de 7 ans ayant parfaitement bien réussi un exercice à trous sur et/est à l’aide de la règle : le seul défaut était que tous les et devaient être des est et inversement. Cet enfant avait tout simplement appris la règle à l’envers (et pour était et est pour et puis)!
Références
- Angoujard, a. et coll. 1994 Savoir orthographier, Paris, Hachette.
- Bled, E., O. Bled et D. Berlion 1988 «L’échec en orthographe», Science et Vie 164 (hors-série) : 32-36.
- Branca, S. et M. Piolat 1979 «L’acquisition de l’orthographe, état d’une recherche», Études et documents, hors-série, Recherches sur l’acquisition de l’orthographe, Montréal, 5-30.
- Catach, N. 1978 L’orthographe, Paris, PUF (Que sais-je? no 685).
- Catach, N., C. Gruaz et D. Duprez 1986 Orthographe française. Traité théorique et pratique avec des travaux d’application et leurs corrigés, Paris, Nathan.
- Charmeux E. 1979 L’orthographe à l’école, Paris, CEDIC.
- Chervel, A. et C. Blanche-Benveniste 1978 (éd. augmentée) L’orthographe, Paris, Maspero.
- Establet, R. 1985, «La rentabilité sociale différentielle de la scolarisation», thèse de doctorat en lettres et sciences humaines, Université de Nantes.
- Jaffre J.P. 1992 Didactiques de l’orthographe, Paris, Hachette. L’École des lettres 1990 no 12 (spécial) : L’orthographe. Enseignement, recherche, évolution.
- Pothier B. 1996 Comment les enfants apprennent l’orthographe. Diagnostic et propositions pédagogiques, Paris, Retz.
- Thimonnier R. 1967 Le système graphique du français, Paris, Plon.
- Bastien, R. et coll. 1998 Tout le français au CE2, cycle 3, Paris, Nathan.
- Berlion, D. 1993 L’orthographe à 4 temps, CM (6° des collèges), Paris, Hachette.
- Bled, E. et O. Bled 1948 Cours d’orthographe, Cours élémentaire et moyen, Paris, Hachette.
- Bled, E. et O. Bled 1954 Cours d’orthographe, Cours moyen, classes de 6° et 5°, Paris, Hachette.
- Bois, G. et E. Henri 1983 L’orthographe quotidienne au CE, Paris, Nathan.
- Capet, B. et D. Artoux 1989 Orthographe, Paris, Nathan.
- Demers, C. et G. Tremblay 1996 L’Artichaut, Écrire et s’autocorriger, Québec, Éd. L’Artichaut, Diffusion : Paris, Hatier.
- Goupil, A. et M. Goupil 1990 La semaine de français, Exercices CE1, Paris, Nathan.
- Guion, J. et J. Guion 1980 Apprendre l’orthographe, CM2, Paris, Sermap-Hatier.
- Guion, J. et J. Guion 1983 Apprendre l’orthographe, CE1, Paris, Sermap-Hatier.
- Guion, J. et J. Guion 1992 Apprendre l’orthographe, CE1, Paris, Hatier.
- Guion, J. et J. Guion 1994 Orthographe, CE1, Paris, Hatier.
- Landier, J-C. et F. Marchand 1996 Français, cycle 3, CM2, La courte échelle, Paris, Hatier.
- Ley, R. 1996 Le petit crac, Guide d’autocorrection, Paris, Hatier.
- Obadia, M. et A. Rausch 1996a Les efficaces français, CE2, Paris, Nathan.
- Obadia, M. et A. Rausch 1996b Les efficaces français, CM, Paris, Nathan.
- Rivais, Y. 1989 Grammaire impertinente, De 9 à 15 ans, Paris, Retz.
- Souche, A. et J. Grunenwald 1966 Grammaire française, 3°, Paris, Nathan.
Livres scolaires consultés
Liste des figures
Fig. 2
Graphie du est. Moyennes de réussite par âge et par sexe.
Liste des tableaux
Tableau A
et entre deux noms (152 emplois) [16]
Tableau B
et entre deux adjectifs (15 emplois)
Tableau C
et entre deux propositions (68 emplois)
Tableau D
est suivi d’un attribut (116 emplois, soit 18 noms et 98 adjectifs)[18]
Tableau E
est suivi d’un complément circonstanciel (40 emplois) suivi d’un locatif (25 emplois)
Tableau F
emploi de c’est (43 emplois)
Tableau G
Tableau H
et suivi d’un attribut (21 emplois fautifs)
Tableau I
et suivi d’un participe passé ou d’un circonstanciel (19 emplois fautifs)
Tableau J
est entre deux propositions (36 emplois fautifs)
Tableau K
est entre deux noms ou deux adjectifs (16 emplois fautifs, soit 14 noms et 2 adjectifs)
Tableau L
et entre deux noms
Tableau M
et entre deux adjectifs
Tableau N
et entre deux propositions
Tableau O
est suivi d’un attribut