Revue québécoise de linguistique
Volume 26, numéro 1, 1998
Sommaire (5 articles)
Articles
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Une étude sociophonétique des affriquées désonorisées en franco-québécois
Margaret Bento
p. 13–26
RésuméFR :
Cette étude montre que la dynamique de la variation linguistique des affriquées, notamment en ce qui concerne les phénomènes de désonorisation, est non seulement soumise à des pressions d’ordre combinatoire, mais réagit aussi à des facteurs sociaux.
Ainsi, cette analyse révèle qu’outre l’influence de l’environnement phonétique, les facteurs sexe (les femmes assibilant moins et dévoisant plus leurs articulations que les hommes) et région d’origine (les locuteurs de Chicoutimi assibilant et dévoisant moins que ceux de Québec) sont à prendre en considération dans l’explicattion de la variation linguistique.
EN :
This study shows that the dynamic of the linguistic variation of affricates doesn't only depend on the place of articulation, but reacts to some social factors, as well and notably with devoicing phenomenon.
Indeed, a close analysis reveals that, apart from the influence of the phonetic environment, a sexual factor (women tend to assibilate less and devoice more than men) and a local one (people from Chicoutimi tend to assibilate and devoice less than people from Quebec) are to be taken into account to explain this linguistic variation.
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Prosodie et discours. Le cas du discours rapporté en français québécois oral spontané
Monique Demers
p. 27–50
RésuméFR :
L’analyse prosodique de l’énoncé rapporté en parole spontanée montre qu’il existe une relation entre la prosodie et la valeur discursive. En effet, les fluctuations de F0 observées à la transition (écart de F0 entre la dernière syllabe du discours citant et la première syllabe du discours cité) du discours direct sont fonction de la valeur de reproduction (fondée sur le temps du verbe, l’identification de l’énonciateur, du destinataire et du contexte). Plus il y a d’indices de reproduction dans l’énoncé, plus la transition a tendance à être montante et plus le débit de l’énoncé a tendance à être rapide. L’analyse de la perception montre également une relation entre le pourcentage de réussites dans la perception du discours direct et la valeur de reproduction.
EN :
The prosodic analysis of reported speech in spontaneous language shows a relationship between prosody and discursive value. The F0 fluctuations observed at the transition point (the F0 difference between the last syllable of quoting speech and the first syllable of quoted speech) in direct speech are a function of the reproduction value (based on verb tense, identification of enunciator, receiver and context). The more reproduction clues there are in the utterance, the more the transition tends to be ascending and the more the articulation speed tends to be high. The analysis of perception also shows a relationship between the percentage of successful perception of direct speech and the reproduction value.
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Une première systématique des évaluatifs en français
Paul Pupier
p. 51–78
RésuméFR :
Le présent article offre une description synthétique des évaluatifs en français. On commence par caractériser les évaluatifs ou expressions de valeur. Puisque les évaluatifs sont bipolaires et peuvent présenter une gradation dans leur évaluation, il est naturel de vérifier si leur répartition n’est pas identique à celle des antonymes de degré. En fait, elle en est indépendante dans une large mesure. La morphologie dérivationnelle fournit des corrélations plus fortes avec le marquage axiologique. D’abord, il n’existe pas de suffixe axiologiquement positif en français. Ensuite, les suffixes péjoratifs n’opèrent pas tous de la même façon : en gros, la valeur négative peut être introduite par le suffixe ou, au contraire, être héritée du radical. Pour ce qui est des préfixes, leur impact axiologique n’est pas déterminé entièrement par la négation qu’ils expriment. Il y a d’autres marqueurs de l’axiologie que les morphèmes : par exemple certaines constructions, comme la célèbre N de N. Au niveau lexical aussi, le jugement de valeur peut être présupposé ou impliqué par l’usage de certains mots. En axiologie, comme dans d’autres domaines de la linguistique, se pose le problème de la projection des valeurs élémentaires. Nous abordons ce problème à partir de quelques exemples. Enfin, nous reprenons la question de l’ironie, phénomème dont nous avions dû faire abstraction pour fonder nos intuitions axiologiques, et nous montrons que la valeur entre dans la définition même de l’énoncé ironique.
EN :
Value words (or evaluatives) seem to have been a neglected topic in North American linguistics. This article offers a survey of evaluatives in French. After a brief characterization of evaluatives, I will show that, contrary to some reasonable expectations, they are not structured by the relation(s) of antonymy. Derivational morphology provides stronger correlations with axiological polarity. Suffixals can only bear a negative axiology, but this value is not inherent to the suffix, since, in many cases, it can be inherited from the word stem. Prefixes also have an axiological impact, which is not always a value reversal due to negation. Inside lexical units, values can be entailed or presupposed. Beyond the morpheme, there exist value-creating constructions, such as N de N expressions, and there is also a projection problem for axiology. We consider these axiological sites in succession, before turning to ironical utterances, and we show that the latter contain implicit value judgments.
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Quand inverse
Svetlana Vogeleer
p. 79–101
RésuméFR :
L’objectif de l’étude est d’établir les conditions sémantiques, discursives et pragmatiques qui favorisent ou, au contraire, empêchent l’interprétation dite « inverse » de la subordonnée temporelle postposée introduite par quand ou lorsque. Les phrases à subordonnée temporelle postposée qui permettent une interprétation « inverse » sont soumises au traitement à l’aide du concept de point de vue. Ce traitement vise à mettre en évidence le rapport entre la localisation spatio-temporelle du sujet de conscience (porteur du point de vue) et la possibilité de l’interprétation « inverse » de la subordonnée, ainsi qu’à éclaircir les causes sémantiques, discursives et pragmatiques des deux effets de sens les plus saillants de l’interprétation « inverse » : l’effet de surprise (l’événement décrit dans la subordonnée est ressenti comme inattendu) et l’effet d’interruption (l’événement décrit dans la subordonnée semble interrompre l’action décrite dans la principale).
EN :
The aim of the present paper is to specify the semantic, textual, and pragmatic conditions which promote or, on the contrary, impede the so-called "inverse" (or "narrative") interpretation of the postponed quand-causes in French. Sentences with quand-clauses that permit an "inverse" interpretation are analyzed in light of the viewpoint concept. This treatment aims, on the one hand, to emphazise the relationship between the spatio-temporal localization of the individual whose viewpoint is represented and the possibility of an "inverse" interpretation and, on the other hand, to clarify the semantic, textual, and pragmatic causes of the two most prominent components of the "inverse" interpretation: the surprise effect (the event described in the quand-clause is perceived as unexpected) and the interruption effect (the event described in the quand-clause seems to interrupt the action described in the main clause).