Résumés
Résumé
Cette réflexion essaie de transposer la théorie de la fragilité étatique aux réalités écologiques multiformes pouvant conditionner l’État dans l’accomplissement de ses fonctions régaliennes impliquant notamment la protection des droits de la personne. Dans une certaine proportion, certains États se trouvent obligés, face aux phénomènes écologiques/climatiques, d’adopter au titre des obligations positives des mesures allant au-delà des formalités d’effectivité normative en inscrivant les spécificités pragmatiques inhérentes à la protection environnementale : par la prise en compte par exemple des principes de précaution et de prévention. Illustrant l’hypothèse d’une fragilité écologique moins extrême pour l’État, l’affaire du Détroit de Torres évoque les mesures d’atténuation et d’adaptation comme obligations positives au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Laboratoire expérimental de judiciarisation des droits humains, le Comité des droits de l’homme aborde à travers cette affaire les interactions épistémologiques participant à la réalisation de deux objectifs somme toute complémentaires visant la sauvegarde des droits de la personne par la protection du climat. Elle motive à ce titre la violation des droits humains par l’absence des mesures d’adaptation et d’atténuation opportunes et adéquates.
Abstract
This paper attempts to transpose the theory of state fragility to the multifaceted ecological realities that can condition the state in the performance of its regalian functions, involving the protection of human rights. To a certain extent, some States find themselves obliged, in the face of ecological/climatic phenomena, to adopt measures under positive obligations that go beyond the formalities of normative effectiveness by incorporating the pragmatic specificities inherent in environmental protection: by taking account, for example, the principles of precaution and prevention. Illustrating the hypothesis of a less extreme ecological fragility for the State, the Torres Strait case evokes mitigation and adaptation measures as positive obligations under the International Covenant on Civil and Political Rights. As an experimental laboratory for the justiciability of human rights, the Human Rights Committee used this case to address the epistemological interactions involved in achieving two objectives that are, on the whole, complementary: safeguarding human rights by protecting the climate. In this respect, it justifies human rights violations through the absence of timely and adequate adaptation and mitigation measures.
Resumen
Este trabajo busca transponer la teoría de la fragilidad estatal a las polifacéticas realidades ecológicas que pueden condicionar al Estado en el desempeño de sus funciones regias, que implican, en particular, la protección de los derechos humanos. En cierta medida, algunos Estados se ven obligados, frente a los fenómenos ecológicos/climáticos, a adoptar medidas en virtud de obligaciones positivas que van más allá de las formalidades de la eficacia normativa al incorporar las especificidades pragmáticas inherentes a la protección del medio ambiente: teniendo en cuenta, por ejemplo, los principios de precaución y de prevención. Ilustrando la hipótesis de una fragilidad ecológica menos extrema para el Estado, el caso del Estrecho de Torres evoca las medidas de mitigación y adaptación como obligaciones positivas en virtud del Pacto Internacional de Derechos Civiles y Políticos. Como laboratorio experimental de la justiciabilidad de los derechos humanos, el Comité de Derechos Humanos utilizó este caso para abordar las interacciones epistemológicas implicadas en la consecución de dos objetivos que son, en conjunto, complementarios: salvaguardar los derechos humanos protegiendo el clima. En este sentido, justifica la violación de los derechos humanos por la ausencia de medidas de adaptación y mitigación oportunas y adecuadas.
Corps de l’article
Le sens et la portée exacte des obligations découlant des textes conventionnels de protection des droits de la personne[1] impliquent une lecture beaucoup plus pragmatique des mesures positives émanant à ce titre des États substantiellement affectés par les perturbations écologiques[2]. Le contexte des « États écologiquement fragiles »[3] illustre une singularité circonstancielle à même d’orienter la matérialité des mesures étatiques à adopter au titre du droit international des droits humains. Cette orientation procède d’une factualité destructrice de l’environnement à mesure d’impacter certains droits garantis par les textes de protection des droits humains[4]. Bien plus, la vulnérabilité écologique de l’État accentue la remise en cause de la potentialité protectrice des droits de la personne dans la mesure où cette circonstance de fragilité inscrit un double impact affectant la faisabilité des droits garantis. Cette vulnérabilité n’affecte pas seulement la capacité de l’État à assumer la protection et la promotion des droits de l’homme. Elle illustre aussi la négation des droits garantis par les textes du fait de la destruction substantielle des éléments de l’environnement. Au regard de la protection des droits de l’homme, la fragilité écologique de l’État implique deux hypothèses : le cas d’un État tenu par les engagements en matière des droits de l’homme au bénéfice des territoires étatiques et/ou des territoires infraétatiques et le cas d’un État signataire desdits engagements, mais incapable de les assumer parce qu’ayant disparu du fait des conséquences climatiques ou ayant perdu totalement ses éléments constitutifs de ces faits.
À l’épreuve des perturbations écologiques, la mise en oeuvre des traités prescrivant la protection des droits de l’homme participe ainsi à la matérialisation des droits garantis aux personnes vivant aussi bien sur les territoires étatiques que sur les territoires infraétatiques. La teneur de ces obligations positives met à l’évidence les aspects théoriques participant spécifiquement à la protection juridique de l’environnement. Les États doivent ainsi puiser, dans les principes, concepts et règles inhérents à la protection de l’environnement[5], les éléments de théorisation pour devoir définir la portée des mesures visant à ce titre la matérialisation des principes relatifs à la protection des droits garantis par des textes internationaux au niveau national. Les mesures essentiellement normatives ne suffisent pas aux fins de l’applicabilité des droits exposés aux effets pervers des conséquences écologiques/climatiques. Elles sont censées prendre en compte les dimensions anticipatives et préventives des comportements des acteurs en vue d’entrevoir les effets pervers des perturbations environnementales sur les droits garantis dans les textes conventionnels. Ces obligations consistent à ce titre en des mesures matérielles et procédurales devant en substance participer à la sauvegarde de bien des droits garantis par les conventions internationales[6]. Prenons à titre illustratif le cas des mesures visant à informer les populations entourant une entreprise des risques pouvant découler d’une activité industrielle sur la santé.
Appréhendées à la lumière des réalités liées au dérèglement climatique, les obligations positives déduites des instruments conventionnels de protection des droits de l’homme doivent faire ressortir, en plus de leur dimension normative, une dimension pratique participant à ce titre à la matérialisation des droits garantis. Si les mesures d’atténuation et d’adaptation des changements climatiques ne reflètent formellement que l’effectivité des obligations étatiques déduites des engagements climatiques, elles constituent aussi, pour les États écologiquement fragiles, un aspect spécifique des obligations positives de protection des droits humains[7]. De natures curative et anticipative, ces mesures peuvent permettre justement de concrétiser l’hybridation de deux objectifs visant la sauvegarde des droits de l’homme par la protection du climat, comme énonce le préambule de l’Accord de Paris sur le changement climatique :
Conscientes que les changements climatiques sont un sujet de préoccupation de l’humanité tout entière et que lorsqu’elles prennent des mesures face à ces changements, les parties devraient respecter, promouvoir et prendre en considération leurs obligations respectives concernant les droits de l’homme, le droit à la santé, les droits des peuples autochtones, des communautés locales, des migrants, des personnes handicapées et des personnes en situation vulnérable et le droit au développement, ainsi que l’égalité des sexes, l’autonomisation des femmes et l’équité entre générations[8].
Pour ainsi respecter et promouvoir en contexte de dérèglement climatique les droits tels que garantis dans leurs diversités par les textes, les États parties à l’Accord de Paris, à la suite de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques[9], sont tenus d’adopter dans l’ordre interne des mesures de diverses natures en vue de minimiser et prévenir les effets des conséquences climatiques sur la personne.
La Communication du Comité des droits de l’homme des Nations Unies rendue dans l’affaire des Insulaires du Détroit de Torres[10] est, à plus d’un titre, illustrative. La décision de cet organe quasi juridictionnel condamne l’État australien pour violation des articles 17 et 27 du Pacte relatif aux droits civils et politiques[11]. Se fondant sur le défaut d’adoption des mesures d’atténuation et d’adaptation du changement climatique, cette communication insiste sur l’opportunité et l’adéquation desdites mesures par rapport à la sauvegarde des droits exposés du fait des effets climatiques. L’adoption desdites mesures ne garantit pas la préservation des droits exposés à l’épreuve des impacts dus au changement climatique. Encore qu’il fallût le faire en temps voulu et de manière adéquate[12], ces mesures positives relèvent dans ce cas précis de l’obligation de diligence raisonnable[13]. En plus du fait qu’elle permet d’illustrer les mesures d’atténuation et d’adaptation des changements climatiques en tant qu’obligations positives partant d’un traité international des droits de l’homme[14], cette communication est d’un apport pédagogique sans égal s’agissant de l’hybridation de ces deux objectifs : préserver les droits de l’homme par la protection du climat[15]. Elle se révèle cependant pleine d’enseignement à lumière de toutes les récentes situations illustrant la fragilité écologique de l’État[16]. La présente décision permet non seulement de contextualiser la situation d’un État écologiquement fragile, mais de cerner aussi toutes les conséquences pouvant en découler sur les droits de la personne.
Pour une étude sur la démonstration de la vulnérabilité écologique de l’État, la défaillance de l’entité souveraine à pourvoir aux fonctions protectrices des droits de la personne du fait des conséquences climatiques convient à titre d’hypothèse. Il s’impose ainsi d’examiner, d’une part, les causes de la fragilité écologique de l’État ainsi que les conséquences pouvant y résulter sur les droits de la personne (I) et, d’autre part, la teneur de l’affaire des Insulaires du Détroit de Torres devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies en vue de contextualiser la protection des droits de l’homme par la régulation des phénomènes climatiques (II).
I. La protection des droits humains à l’épreuve de la vulnérabilité écologique de l’État
Les réalités illustrant la dérégulation du système naturel confirment la tendance qui présente l’image d’un Léviathan plié au gré des caprices écologiques et/ou climatiques[17]. L’évocation du terme États écologiquement fragiles renvoie à l’idée d’une vulnérabilité environnementale affectant à des proportions différentes la capacité de l’entité souveraine à assumer ses fonctions essentielles. L’(in)aptitude à pourvoir à la régulation des nécessités sociétales préjuge, à l’épreuve des mutations successives, la question de la survie de l’État dans l’ordre international. Cette réalité s’illustre à travers la défaillance des éléments constitutifs à l’épreuve des dégâts écologiques. Cela affecte l’aptitude à promouvoir et protéger les droits reconnus à l’individu. Pourtant, en dépit de cette fragilité, l’État est tenu d’honorer ses engagements relatifs à la protection des droits de la personne. C’est à ce titre que la technique des obligations positives doit s’étendre à des mesures pratiques visant à cet effet la prévention des conséquences écologiques/climatiques. Le présent point se propose à première vue de démontrer l’impact des conséquences écologiques sur la survie de l’État et sur sa capacité à protéger les droits de l’homme (A). Il sera à la suite question d’interroger la portée des obligations des États écologiquement fragiles, inhérentes aux droits de la personne (B).
A. L’impact de la vulnérabilité écologique sur la survie de la structure étatique et sur les droits de la personne
S’inscrivant au nombre des questions relevant des fonctions étatiques, la matérialité des droits et libertés fondamentales dépend de l’effectivité des organes de l’État qui, à leur tour, s’insèrent dans la réalité des éléments constitutifs. L’un d’entre ces éléments se trouve sérieusement menacé face à l’impact de la vulnérabilité écologique de certains États : le territoire. D’un effet géographique évident, la dérégulation du système naturel affecte à des proportions différentes la population et le territoire. Les conséquences de la vulnérabilité écologique sur les critères existentiels de l’État ont bien entendu un impact négatif sur les droits de la personne. Ce point se propose ainsi de réfléchir sur le statut de l’État au regard des menaces existentielles liées à sa fragilité écologique (1) avant d’évaluer l’impact de cette vulnérabilité étatique sur les droits de l’homme et sur la capacité étatique de les protéger (2).
1. L’État face aux menaces existentielles liées à sa fragilité écologique
Plusieurs théories sur la fragilité étatique situent les défaillances fonctionnelles de l’État tant par rapport au volet extérieur de la sécurité qu’elle représente que par rapport à la sécurité humaine[18]. Elles désignent cette réalité par des concepts variés illustrant la faiblesse, l’impuissance, et l’incapacité de l’entité souveraine à pourvoir aux fonctions essentielles inhérentes à sa qualité. Deux études retiennent cependant notre attention : celles entreprises dans le cadre de l’Agence des États-Unis d’Amérique pour le développement international (USAID)[19] et de l’Organisation pour la coopération et le développement en Europe (OCDE)[20]qui illustrent parfaitement ces évidences par des termes divers et variés. Ces dernières conviennent sur le fait que ces entités sont réputées fragiles lorsqu’elles « sont incapables ou non désireuses d’assurer de manière adéquate la sécurité et les services de base à des parties importantes de leur population et/ou la légitimité du gouvernement est remise en cause »[21]. Un autre entendement de la fragilité étatique met en relief l’incapacité d’un gouvernement central à exercer un contrôle significatif sur l’ensemble des situations prévalant dans les limites des frontières territoriales, ce qui remet en cause sa légitimité[22]. La structure étatique est en crise lorsque l’incapacité d’assurer ce contrôle affecte ainsi son autorité sur des parties importantes de son territoire et sur la nécessité de garantir la fourniture des services vitaux[23]. Si ces prémisses ont naguère sous-tendu les vulnérabilités économique, humanitaire et sécuritaire dans le cadre de cette théorisation[24], elles peuvent aussi servir à théoriser les réalités de la fragilité écologique de l’État. En effet, l’incapacité pour l’État à occuper effectivement une partie de son territoire ou à se servir de ce dernier en vue d’assurer ses fonctions essentielles suite aux conséquences écologiques et climatiques atteste sa fragilité dans l’accomplissement de ses prérogatives régaliennes[25].
Les réalités de la fragilité écologique des États rendent compte de la pertinence d’une réflexion associée à l’impact des conséquences écologiques et climatiques sur la viabilité et le statut de l’entité souveraine. Il est vrai que, par la géolocalisation, seuls quelques États insulaires situés principalement dans l’océan Pacifique sont exposés à la montée de niveau de la mer et peuvent de ce fait disparaitre par submersion[26]. Soulignant cependant le fait que les conséquences climatiques/ écologiques affectent tous les États de la planète à des proportions différentes[27], il s’avère nécessaire de généraliser cette démarche théorique à l’égard de la figure étatique dans l’ordre juridique international. Cette incapacité met à l’évidence la nécessité d’imaginer la conceptualisation d’une réalité inhérente à la vulnérabilité écologique de l’État à travers la théorisation du terme « États écologiquement fragiles ». Ce concept inclut les États insulaires en général et ceux dénommés « Petits États insulaires en développement ». Il procède d’une situation essentiellement géographique exposant certains États ou territoires aux conséquences écologiques évidentes dues par le fait des changements climatiques. Il est vrai que certains États ne se sentent peut-être pas substantiellement menacés de ces faits malgré leur situation liée à l’insularité. La situation insulaire de certains États se trouve fonder sur le fait qu’ils étendent leur souveraineté sur des îlots fortement exposés aux risques des changements climatiques. C’est à ce titre qu’il importe d’ajouter sur cette liste, des États comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Madagascar aux côtés des États et territoires constituant le groupe des petits États insulaires en développement[28]. Cela ne remet pas en cause bien évidemment la particularité du phénomène vis-à-vis de ces petits États en développement et l’urgence justifiant à ce titre une mobilisation imminente de la communauté internationale. Ainsi que l’a souligné le document final de la Conférence de Rio+20
les petits États insulaires en développement restent un cas à part en matière de développement durable en raison des handicaps auxquels ils se heurtent et qui leur sont propres, comme leur petite taille, leur isolement, l’insuffisance de leurs ressources de leurs exportations ainsi que leur vulnérabilité face aux problèmes environnementaux qui se posent à l’échelle mondiale et aux chocs économiques externes, notamment face aux nombres répercussions des changements climatiques et aux catastrophes naturelles qui les touchent de façon plus fréquente et plus intense[29].
Illustrant la vulnérabilité de l’État du point de vue économique et sécuritaire, les définitions tirées des études de l’USAID et de l’OCDE, soulignées ci-dessous, insistent sur deux critères fondamentaux de l’État sans lesquels il lui serait impossible d’assumer les fonctions sociétales essentielles : à savoir le territoire et la population. Ces deux éléments constituent les champs sur et avec lesquels l’autorité gouvernementale se déploie pour incarner la toute-puissance de l’État face aux besoins essentiels de la société[30]. Confrontés aux réalités climatiques et écologiques, les éléments constitutifs de l’État se plient face à l’hégémonie des conséquences y résultant. La vulnérabilité écologique de l’État se traduit tant à travers la négation de l’étendue territoriale que par le truchement de l’instabilité de la population. S’agissant du territoire, la montée du niveau de la mer permet d’envisager la submersion de l’espace territorial en tout ou en partie. Cette réalité présente deux cas de figure envisageant la disparition de l’ensemble du territoire occasionnant du coup la disparition possible de l’État, d’une part. D’autre part, cette situation débouche à une amputation du territoire dans la mesure où l’État se voit privé d’une bonne partie de son espace territorial. C’est justement l’occasion de souligner la différence entre les territoires étatiques et les territoires infraétatiques[31] par rapport à la menace existentielle. Dans la plupart des cas, ce sont les territoires infraétatiques dépendant des États qui disparaissent par submersion. Rares sont les cas où une partie d’un territoire ou l’ensemble de cet espace territorial disparait[32]. L’idée de la disparition du territoire avec ses lots des conséquences met en relief la pertinence de réfléchir sur la survie des pays insulaires, même si aucun État n’a jusque-là vu l’ensemble de son territoire disparaitre. Bien des recettes juridiques ont été proposées quant au sort juridique de l’État à l’épreuve de cette situation particulière allant du transfert d’un territoire habitable[33] à la fusion étatique[34].
Bien plus, touchant à un deuxième élément constitutif de l’État, la disparition du territoire par submersion met en évidence la question de l’instabilité de la population d’un État. La montée du niveau de la mer débouche à un mouvement de masse de la population fuyant les impacts y résultant par rapport au niveau de vie et aux risques de submersion. Ceci implique des conséquences de diverses natures comme l’inhabitation de certains territoires avant même leur submersion, privant ainsi l’État d’une population stable et permanente. Bien des théories alimentées par la thèse de la continuité de l’État émargent face à cette réalité. S’appuyant aussi bien sur la théorie de l’État déterritorialisé ou hors-sol que sur l’autodétermination ex-situ[35], les principales propositions envisagent « le transfert des populations et du gouvernement vers un territoire acquis par la vente ou la location, avec possibilité de maintenir la population minimale sur les terres non-encore submergés »[36]. Aussi, s’imaginant le fait que la population est un tout qui englobe notamment les nationaux vivant à l’étranger, il est dès lors permis de penser à la survivance de la population malgré la disparition du territoire[37].
Au-delà, tout ce détour rend compte de l’intérêt à réfléchir sur le sort de l’État en cas de disparition de ses éléments constitutifs. Que restera-t-il de l’État après la disparition du territoire et le déplacement de la population à la recherche d’habitation, fuyant ainsi les conséquences climatiques ? Consistant soit à créer des territoires par la construction des îles artificielles, soit à procéder par la reterritorialisation des mutations territoriales, certaines solutions demeurent inopérantes. C’est la reconnaissance d’un statut sui generis qui pourra pallier la déliquescence des éléments constitutifs de l’État[38]. Une pensée est à ce sujet faite à l’idée tendant vers la reconnaissance d’un État déterritorialisé[39]. En outre, ce problème met en relief la question du vide juridique laissé par le droit international au sujet de la situation des déplacés climatiques. Deux voies paraissent idéales pour pallier ce vide : l’édiction d’une convention internationale sur les déplacés environnementaux ou la gestion bilatérale par voie d’accord des situations migratoires intégrant la dimension écologique et/ou climatique[40]. En plus d’affecter la jouissance même de ces garanties fondamentales, cette fragilité écologique préjuge par ailleurs sur la capacité étatique de promouvoir ou de protéger les droits de la personne.
2. Les droits humains à l’épreuve de la fragilité écologique de l’État
Affectant par moment les éléments constitutifs de l’État, la vulnérabilité écologique de l’État le rend parfois inapte face à ses devoirs et obligations visant à garantir à la population ses droits comme individu ou personne[41]. Comment dès lors imaginer la garantie des droits fondamentaux dans le contexte d’un territoire submergé en tout ou en partie ou lorsqu’une bonne partie de la population est instable du fait des conséquences climatiques et/ou écologiques ?
Fragilisant le territoire, la vulnérabilité écologique de certains États affecte sans doute les droits des populations contraintes à se déplacer, fuyant les risques de submersion. Cette situation rend justement l’État impuissant d’assurer les garanties des droits fondamentaux des populations y habitant. En effet, l’empiètement de l’assiette territoriale par les réalités climatiques est d’un impact évident sur quelques prérogatives reconnues à la population comme individu. On peut illustrer à titre d’exemple le cas de l’insécurité dans l’accès à l’eau potable et à l’alimentation du fait de la salinisation des sols et de l’acidification des océans. Mentionnons dans ce registre des faits le rapport de l’ONG Human Rights Measurement initiative qui fait état d’une grave situation des violations des droits humains occasionnée par les conséquences du changement climatique dans quelques États de l’océan Indien en 2020[42]. L’enquête souligne le fait que ces conséquences, en raison notamment de l’élévation du niveau de la mer, sont à une proportion de 4,4/6 la cause de l’insécurité alimentaire et de la résistance des cultures à Fidji[43]. Elle poursuit en soulignant que l’intensification des inondations en milieu marin et la dégradation côtière forçant les relocalisations ont à 62% causé l’entrave à l’accès à l’éducation à Samoa[44]. Présentant la situation de Kiribati, ce rapport confirme que les relocalisations forcées sont à la base des violences graves à l’encontre des groupes vulnérables et, à une proportion de 85%, la cause des problèmes d’accès à l’eau potable[45].
Comme l’a si bien relevé le rapport ci-évoqué, les différentes conséquences résultant de la disparition ou de l’amputation du territoire sont d’un impact perceptible sur quelques droits économiques et socioculturels dont notamment le droit à l’éducation, le droit à l’alimentation, le droit au logement, le droit à la santé[46]. Est-il besoin de souligner le fait que ces circonstances calamiteuses ne laissent pas indifférents certains droits civils ainsi que certains droits de solidarité comme le droit à la vie, le droit au développement[47], le droit à l’intégrité physique et psychique, le droit à l’identité et à l’existence d’un peuple. Il n’en demeure pas moins illustratif de la célèbre décision du Comité des droits de l’homme dans l’affaire Teitiota qui établit aisément le lien entre les aléas climatiques et le droit à la vie en ces termes :
En outre, le risque qu’un pays entier disparaisse sous les eaux est un risque à ce point grave que les conditions de vie dans le pays en question pourraient devenir incompatibles avec le droit de vivre dans la dignité avant même que la catastrophe se produise[48].
C’est aussi l’occasion de souligner, en vue d’étayer l’entrave pouvant résulter des aléas naturels sur les droits de solidarité, le fait que les mouvements de migration occasionnés par ces aléas naturels peuvent entraver le droit à l’existence et à l’identité d’un peuple ou d’une nation[49].
La survenance des catastrophes écologiques est d’un impact perceptible sur l’intégrité de la population en tant qu’élément constitutif de l’État, affectant ainsi quelques droits liés à la sédentarisation des personnes[50]. Les soucis liés à la sédentarisation des personnes se trouvent au centre de la question relative à la planification des déplacements climatiques. Il est de notoriété publique que la dégradation des conditions de vie due par les conséquences écologiques pousse la population à se déplacer pour se relocaliser dans un autre territoire qui peut être national ou étranger[51]. En se dirigeant vers les territoires étrangers, les populations franchissent les frontières internationales et doivent par principe être régies par les normes internationales pour leur relocalisation[52]. Il se trouve curieusement qu’aucune norme du droit international ne cerne de nos jours la question des réfugiés écologiques[53]. Les difficultés sont beaucoup plus prononcées lorsque le nombre de la population est plus élevé du fait qu’elle vient d’un territoire étatique ou infraétatique victime d’une disparition totale[54].
L’État d’immigration ne peut les accueillir que dans la mesure de ses moyens. Il se trouve de ce fait qu’un nombre important des déplacés sera obligé de se prendre en charge pour se nourrir, se loger et au besoin pourvoir à l’éducation scolaire. Les conditions de vie auxquelles sont soumises ces populations préjugent sous la garantie de jouissance de leurs droits en tant que personne. Cela peut également affecter le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et la survivance de l’État[55]. Il est vrai que s’agissant de certaines situations vécues dans les territoires de l’océan Indien, les États stables comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont tout de même résolu l’octroi automatique du visa pour certains ressortissants de ces territoires en proie des aléas climatiques[56]. Évoquons à ce titre la décision d’un tribunal néo-zélandais entérinant, au détriment du vide qu’accuse la Convention de Genève sur le statut des réfugiés[57], une procédure humanitaire exceptionnelle en vue de traiter les situations migratoires en lien avec les changements climatiques[58]. Bien que réduites, les difficultés inhérentes aux relocalisations internes résultent de quelques problèmes dont notamment le financement de ces installations, l’adaptation culturelle et linguistique de ces communautés, l’accessibilité à la terre et le maintien de l’organisation sociale[59]. Ces soucis affectent justement la jouissance de certains droits socioéconomiques et la non-discrimination dans la mesure où les populations peuplant ces contrées avant la situation migratoire ne peinent pas comme les autres à accéder à ces droits. Le tableau sombre sur l’état de fragilité écologique dans certains États ne remet pas totalement en cause la teneur des obligations étatiques résultant des engagements relatifs à la protection droits de la personne.
La vulnérabilité écologique conditionne à des proportions différentes la capacité régalienne à protéger les droits de la personne. Deux cas de figure permettent d’illustrer cette affirmation : la situation des États partiellement exposés du fait des conséquences écologiques et celle des États dont la survie est entièrement menacée par l’impact des effets du changement climatique. Certains sont de ce fait dépourvus de leurs éléments constitutifs même et d’autres ne le sont pas en revanche. Dans le premier tableau, l’idée protectrice des droits de l’homme s’inscrit dans une perspective beaucoup moins grave de la relocalisation interne des populations déplacées visant à atténuer les entraves de leurs garanties fondamentales. Prenons le cas de l’Australie ou la Nouvelle-Zélande qui sont, à proprement parler, des États écologiquement fragiles parce qu’elles étendent leur souveraineté sur des petites îles exposées par les conséquences de l’élévation du niveau de la mer. Si, bien que préservés dans l’ensemble par leur localisation géographique, de l’impact de ces phénomènes, ces États sont censés adopter des mesures pratiques pour sécuriser, protéger et atténuer l’impact des aléas climatiques dans les territoires insulaires dépendant de leur souveraineté.
Le deuxième tableau présente la situation d’autres pays du pacifique essentiellement insulaires comme le Vanuatu, les Maldives, le Kiribati qui se trouvent sérieusement menacés par les conséquences climatiques à double titre : non seulement qu’ils sont économiquement faibles, ces États sont exposés à une disparition totale par submersion du fait de l’élévation de la mer. À moins qu’ils ne disparaissent du fait de cette vulnérabilité, ces États sont, à l’instar d’autres entités souveraines de la planète, tenus au respect des obligations résultant des traités relatifs aux droits de l’homme, sous peine des sanctions internationales[60]. Ils sont ainsi appelés à veiller, pour se prémunir, aux risques des dangers climatiques plus élevés pouvant attenter leurs éléments constitutifs. Sinon, l’aptitude à protéger les droits de la personne se trouve alors compromise.
B. Les États écologiquement fragiles et la portée des obligations inhérentes à la protection des droits humains
Comptables des engagements déduits des instruments conventionnels visant directement ou indirectement la protection des droits de l’homme, les États écologiquement fragiles sont tenus de ce fait à adopter un comportement pragmatique en vue de rendre concret la jouissance de ces droits par toutes les personnes relevant de leurs juridictions[61]. Il ne suffit pas d’adhérer à telles ou telles conventions protectrices des droits de l’homme pour s’acquitter du devoir moral consistant à s’impliquer dans les démarches contre les violations des prérogatives garanties aux personnes en tant que telles. Faudra-t-il encore prendre des mesures effectives et appropriées pour faire en sorte que ces droits garantis en faveur des individus soient une réalité dans l’ordre interne de chaque État. Cet éventail des dispositifs doit à cet effet refléter une appréhension pratique des mesures juridico-administratives visant à assurer l’effectivité des engagements étatiques sur les droits humains dans l’ordre interne, prenant en compte un contexte écologique critique (1)[62]. Ces dispositifs doivent aussi refléter la particularité contextuelle postulant les risques climatiques et écologiques dont l’objectif serait d’anticiper (2), d’atténuer et d’adapter l’impact des perturbations écologico-climatiques sur les droits de la personne (3).
1. Les mesures juridico-administratives doivent refléter l’effectivité normative et pratique des engagements étatiques sur les droits humains
Les mesures juridico-administratives adoptées aux fins de matérialiser les droits garantis par bien d’instruments conventionnels relatifs à la protection des droits de la personne traduisent justement la volonté des États à vouloir concrétiser le voeu perpétuel d’un monde respectueux des valeurs humaines, en dépit des contraintes écologiques. Il en va justement de l’objectif visant à « protéger des droits concrets et effectifs, et non des droits théoriques ou illusoires »[63]. L’évocation de ces obligations positives relève si souvent de la déduction jurisprudentielle. L’idéal qui postule la consécration jurisprudentielle de ces obligations en matière des droits de la personne est guidé par la nécessité d’assurer partant d’une énonciation conventionnelle vague et imprécise (et parfois inexistante) l’effectivité des droits garantis par les textes conventionnels concourant à la protection des droits humains[64]. Il s’inscrit dans la perspective pragmatique d’effectivité normative impliquant la réalisation tant des obligations négatives de respecter les droits de la personne que des obligations positives de mettre en oeuvre et protéger ces droits[65]. En protégeant les droits de l’homme, l’État est dès lors appelé à empêcher les particuliers d’entraver les droits garantis en faveur de l’individu[66]. Et, à travers l’obligation de mise en oeuvre, l’État est tenu de garantir par des obligations matérielles et procédurales la réalisation de la gamme des droits et libertés fondamentaux[67]. En vue de la réalisation des objectifs clairement affichés par bien des textes conventionnels des droits de la personne, les États sont ainsi appelés à prendre un éventail des mesures se présentant aussi bien sous une forme législative, administrative que sous une forme judiciaire et financière[68]. Soulignons dans cet ordre d’idées les mesures législatives visant à modifier ou à adopter des lois, des pratiques administratives ou jurisprudentielles et des règlementations qui entravent ou concourent à l’effectivité d’un droit fondamental considéré.
Devant refléter au fond un idéal social donné, ces dispositifs juridico-administratifs permettent ainsi aux États de concrétiser parfaitement la substance conventionnelle de telle ou telle garantie fondamentale tout en s’adaptant au contexte approprié à sa réalisation[69]. Cela requiert justement une approche pratique intégrant les dimensions singulières associées à la matérialisation de ces droits au regard de la réalité en présence. Si face à telles autres réalités associant l’effectivité d’une quelconque garantie, la concrétisation nécessite l’adoption des mesures législatives ou administratives prescrivant ou prohibant un effort financier, le contexte de vulnérabilité étatique due par les effets du changement climatique commande des mesures pratiques et appropriées[70]. La contextualisation des droits de la personne à la singularité illustrant la fragilité écologique de l’État postule l’adoption des mesures juridico-administratives qui traduisent les nécessités d’anticiper les risques climatiques en vue de préserver les droits fondamentaux de ses effets néfastes. Ces dispositifs doivent en outre refléter les besoins d’adaptation et d’atténuation des effets du changement climatique dans le but ultime d’assurer effectivement la réalisation des droits fondamentaux au regard des effets pervers des conséquences écologiques. Se voulant concrètes et effectives, ces mesures juridiques consisteraient en de simples actes de procédure ou matériels visant à surmonter les difficultés telles que l’analphabétisme, la pauvreté, ou les entraves à la liberté de circulation dans un environnement normal[71]. S’agissant du contexte de changement climatique ou des défis écologiques, les difficultés à surmonter à travers des mesures préventives et adaptatives procèdent de la vulnérabilité écologique de l’État qui ne facilite pas la réalisation des droits et libertés fondamentaux[72]. Ainsi, pour éviter de se retrouver dans une situation de faiblesse ou d’incapacité existentielle du fait de l’impact des conséquences climatiques, les États écologiquement fragiles se résignent à prévenir ces risques, à s’y adapter afin d’atténuer les effets du changement climatique dont l’impact n’est pas négligeable sur l’effectivité des droits de la personne.
Les mesures visant la matérialisation des droits de la personne en contexte des défis écologiques et des changements climatiques sont déduites à titre principal des instruments conventionnels portant protection des droits humains. Elles reposent outre mesure sur tous les textes protecteurs de l’environnement, et cela à titre subsidiaire. La Convention d’Aarhus[73] pose en des termes clairs des mécanismes pratiques préconisant la participation, l’information et l’accès au juge qui facilitent la réalisation de certains droits de la personne en contexte des défis écologiques. Ainsi que l’a souligné John Knox, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme et l’environnement, les États sont tenus partant de cet instrument à une obligation d’évaluation et de communication de l’information qui découle du droit à la liberté d’expression en vue de prévenir les populations des conséquences prévisibles résultant de la vulnérabilité écologique de l’État[74]. S’inscrivant dans cette dynamique, la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, texte du droit international de l’environnement, rappelle de ce fait l’obligation de prendre des mesures pratiques en vue de faciliter « l’accès public aux informations concernant les changements climatiques et leurs effets »[75]. C’est dans cet ordre d’idées que la Cour européenne des droits de l’homme, à travers sa grande chambre dans l’affaire Boudaieva et autres c. Russie, rappelait, en s’appuyant aussi bien sur les instruments des droits de l’homme que sur la Convention d’Aarhus, la nécessité de mettre, préalablement, « en oeuvre des politiques d’aménagement du territoire et de secours d’urgence »[76].
2. Des mesures pratiques inscrivant l’anticipation des risques écologiques
Les liens entre droits de la personne et protection de l’environnement expliquent la nécessité d’imaginer l’applicabilité du principe de précaution à la théorie des obligations positives dans le contexte de fragilité écologique de l’État. En vue de prévenir le risque d’entraves des droits exposés par le fait des risques écologiques, le pragmatisme recommande aux États d’adopter des mesures anticipatives. Prévenir les conséquences fatales pouvant résulter de la vulnérabilité environnementale de l’État participe justement à la préservation des droits exposés de ce fait. Pour permettre aux personnes de jouir effectivement des droits et libertés fondamentaux, il peut être recommandé à l’État, en vertu des conventions portant aussi bien sur les droits de la personne que sur la protection environnementale, l’adoption des mesures pratiques prescrivant l’anticipation des risques écologiques. Ces dispositifs peuvent en substance s’incarner à travers des actes juridiques de nature législative ou administrative. Ainsi, « l’État peut être tenu de mettre en place un cadre législatif ou administratif prévoyant l’instauration d’une règlementation régissant l’autorisation, la mise en place, l’exploitation, la sécurité et le contrôle d’activités et du risque qu’elles créent »[77]. Face aux aléas naturels, l’État peut du reste prévenir l’intensité des conséquences y résultant sur les personnes et leurs biens en prévoyant par voie législative ou administrative des mesures pratiques recommandant par exemple l’évacuation des quartiers inondables en période de pluie ou ceux fragiles aux effets d’éruption volcanique[78]. La prévention doit être précédée par une démarche essentiellement anticipative dont l’objet est de juguler par des études météorologiques ou volcaniques la dangerosité des intempéries ou de l’écoulement des laves[79]. Il s’en déduit de toute évidence l’intérêt de distinguer l’anticipation ex-post du risque de l’anticipation ex-ante du risque.
Anticiper le risque écologique déjà matérialisé (ex-post), participant du reste à la protection des droits humains, requiert de l’État l’adoption des mesures pratiques visant à réduire ou minimiser l’intensité des conséquences y résultant[80]. Ces mesures d’essence procédurale peuvent s’incarner à travers l’organisation d’un système d’alerte rapide du risque imminent de catastrophe écologique ou climatique en vue d’aviser la population pour la préservation des vies et des biens[81]. Il en va de la nécessité de renforcer la rapidité des systèmes d’alerte à l’épreuve des « phénomènes météorologiques extrêmes » ou des « catastrophes naturelles »; et pourquoi pas les « effets extrêmes des conséquences climatiques »[82]? Le cas de l’ouragan Gordan sur l’île d’Haïti[83]est une occasion illustrative pouvant permettre à la population haïtienne de se saisir d’une juridiction ou quasi-juridiction des droits de l’homme contre ce dernier sur fond d’entrave du droit à la vie et du droit au logement faute d’avoir adopté des mesures nécessaires pour ce faire. Soulignons à ce titre que ce défaut a occasionné 1100 morts et 87000 sans-abris[84]. Pourtant, face aux mêmes circonstances, la Jamaïque et le Cuba ont pu éviter des pertes en vies humaines et d’importants dégâts matériels en anticipant les fureurs dévastatrices de l’ouragan Gordon par des mesures assurant la mise en place des systèmes d’alerte précoce[85]. L’immédiateté du risque recommande en outre une attitude beaucoup plus rapide dans le chef des États par rapport aux mesures anticipatives. Elle requiert l’adoption des mesures d’alerte immédiate de l’urgence rendant compte du risque irréversible[86]. Cette obligation positive procédurale préconise aussi l’institution des systèmes de veille du risque écologique à un format scientifique et/ou se fondant sur les bases conventionnelles[87]. À l’image des institutions d’études météorologiques ou volcaniques instituées par bien des pays, les États écologiquement fragiles doivent procéder à la création des organes scientifiques censés notamment veiller à l’étendue des risques écologiques et climatiques. Ces dispositifs procéduraux s’inscrivent, à en croire Makane M. Mbengue, dans une perspective de mi-anticipation étant donné la quasi-certitude scientifique qui caractérise l’existence de ces risques[88]. À ces mesures s’ajoutent notamment celles adoptées par l’État à titre punitif ou réparateur. Elles rappellent justement le rôle préventif de la sanction. Rappelons de ce fait les obligations positives déduites de l’article 2 de la Convention de Lugano sur la responsabilité civile des dommages résultant des activités dangereuses[89] évoquées par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Oneryildiz contre la Turquie[90].
La dimension ex-ante dérivant des mesures anticipatives des risques écologiques et climatiques met en exergue l’idée de prévenir la survenance des dangers évidents à travers l’adoption des dispositifs permettant de mesurer la potentialité des risques au regard d’une activité humaine ou industrielle à travers des études d’impact environnemental[91]. Cela guidera justement l’État dans sa décision sur l’opportunité d’une telle ou telle activité à entreprendre. D’essence prétorienne, ce principe fut pour une première fois théorisé par la Cour internationale de justice dans l’affaire du Projet Gabcikovo-Nagymaros[92]. Ainsi, s’appuyant sur l’idée de l’état de nécessité écologique, la Cour mondiale parvient ainsi à justifier la suspension et l’abandon par la Hongrie des travaux relatifs au Projet Gabcikovo-Nagymaros au motif pris de ce que les ouvrages exigés dans l’accord entre ces États impacteraient négativement l’environnement naturel[93]. L’obligation d’enquêter pour s’assurer de l’impact positif pouvant résulter d’une activité matérielle ou industrielle sur l’intégrité de l’environnement est affirmée par tous les organes de protection des droits de la personne. Soulignons à ce sujet l’avis de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples lorsqu’elle soutient à l’occasion de l’affaire Serac c. Nigeria le fait que « l’État est tenu d’ordonner ou au moins de permettre la surveillance scientifique indépendante des environnements menacés, d’exiger et de publier des études d’impact social et environnemental avant tout développement industriel majeur »[94]. C’est dans cette optique que pouvait affirmer la Cour européenne des droits de l’homme, à travers trois affaires, le fait que
lorsqu’il s’agit pour un État de traiter […] des questions complexes de politique environnementale et économique, le processus décisionnel doit nécessairement comporter la réalisation d’enquêtes et d’études appropriées[95], […] de manière à prévoir et évaluer à l’avance les effets d’une activité qui peut porter atteinte à l’environnement et aux droits des individus[96] et à permettre ainsi l’établissement d’un juste équilibre entre les divers intérêts concurrents en jeu[97].
Ces mesures telles qu’énoncées constituent ainsi des outils à la portée des États écologiquement fragiles, pouvant leur permettre de prévenir les entraves aux droits humains en cas de risques d’une « calamité extrême » dus notamment par des perturbations climatiques quelconques. Cela dit, il importe de s’interroger sur la portée des mesures d’atténuation et d’adaptation des changements climatiques au regard de la mission protectrice des droits humains.
3. Les mesures d’atténuation et d’adaptation du changement climatique en tant qu’obligations positives en matière de protection des droits humains
Deux mesures positives ressortent des textes relatifs à la protection du climat : l’atténuation par la capacité à absorber le gaz à effet de serre et l’adaptation par la réduction résiliente de la vulnérabilité écologique. Ces deux axes de l’action climatique préconisent d’appréhender les causes et d’attaquer les conséquences de ces dérèglements[98]. Ils constituent à n’en point douter le coeur des obligations positives en la matière. Participent-elles ainsi à la matérialisation des droits garantis dans les textes internationaux relatifs à la protection des droits de la personne ? Cette préoccupation met à l’évidence l’hybridation entre deux objectifs du champ épistémique du droit international : la sauvegarde des droits de l’homme par la protection du climat. Bien des documents officiels établissent les rapports de mixité. Il fait penser à une climatisation des droits de l’homme ou une humanisation des changements climatiques[99]. L’un des plus remarquables d’entre ces documents est l’Accord de Paris dont la teneur transcrit en somme l’esprit des discussions préparatoires sur la question[100]. Le groupe de travail II du GIEC, à travers son chapitre 12 « sur la sécurité humaine », aborde d’ailleurs les particularités sur les communautés locales, la question des communautés résilientes, les savoirs traditionnels, les migrations et les déplacements des populations[101].
L’adoption des mesures d’atténuation et d’adaptation participe tant soit peu à la préservation des droits de la personne exposés du fait des conséquences dues aux changements climatiques. En cherchant à ralentir et à diminuer les changements climatiques, les mesures d’atténuation diminuent tout de même l’impact des conséquences écologiques y résultant sur les droits de l’homme[102]. Voulant réduire les risques et dommages liés aux incidences actuelles et futures dues aux changements climatiques, les mesures d’adaptation concourent à la préservation des droits et libertés fondamentaux exposés du fait des effets nuisibles y résultant[103]. Ces mesures sont, au sens des textes et jurisprudences des droits de la personne, des mesures pratiques participant à l’effectivité des garanties fondamentales reconnues à la personne en tant que telle. La matérialisation de ces mesures passe en effet par l’adoption des cadres juridiques ou administratifs décrivant l’éventail des dispositifs pratiques visant l’atténuation ou l’adaptation des changements climatiques. Si bien qu’elles sont par essence vouées à la protection du climat, ces deux axes des engagements climatiques participent outre mesure à la protection des droits de la personne au sens des obligations positives des États. Elles sont préventives et adaptatives en ce qu’elles servent non seulement à prévenir les conséquences de ces dérèglements sur les droits de la personne, mais aussi à réduire la nocivité de leur impact sur les droits fondamentaux[104]. Ces mesures s’inscrivent en effet dans la perspective des obligations positives de prévention et d’anticipation à la manière de celles déduites de certaines conventions environnementales et sur les droits de la personne. On peut par exemple lire, à travers les systèmes d’alerte des catastrophes, la substance d’une obligation d’informer à la manière de la Convention d’Aarhus[105]. L’utilisation rationnelle des ressources en eau est ainsi une des mesures pratiques participant à l’accès à l’eau, déjà énoncée par bien des textes des droits humains[106]. L’idée consistant à exhorter la construction des digues dans les États menacés par la montée des eaux et celle de la construction des murs pour prévenir les inondations vont dans le sens des injonctions faites par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Oneryildiz c Turquie au titre l’application de l’article 2. Cette disposition encourage
la mise en place d’un cadre législatif ou administratif prévoyant les règlementations régissant […] la sécurité et le contrôle des activités dangereuses en fonction des activités en cause et du risque qu’elles créent[107].
C’est dans cet ordre d’idées que s’est construite une jurisprudence dominante et concordante en droit comparé affirmant un devoir de protection tout à la fois de l’environnement et des êtres humains à charge de l’État. Mentionnons à titre illustratif les affaires Urgenda aux Pays-Bas, Juliana et consorts aux États-Unis d’Amérique et Klimaatzaak en Belgique. S’appuyant sur les normes internationales, la Hague District Court rappelle à travers l’affaire Urgenda les obligations de l’État néerlandais en matière des changements climatiques. Cette décision condamne, au nom du devoir de diligence climatique (duty of care)[108], condamne l’État hollandais pour avoir augmenté des niveaux de limitation des émissions de gaz à effet de serre[109]. C’est à ce titre qu’il lui revint de rappeler le fait qu’il a été démontré par les scientifiques que les émissions (anthropiques) des gaz à effet de serre conduisaient probablement à une élévation globale de la température, et que cela pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour l’homme et l’environnement[110]. Même si son issue s’est révélée incertaine, l’affaire Juliana illustre à plus d’un titre l’hypothèse fondant, sur pied de la Constitution américaine, l’invocabilité des entraves aux droits de l’homme du fait du quitus du gouvernement en vue de la hausse du niveau du CO2 dans l’atmosphère au risque d’entrainer la dérégulation du système-climat[111]. Dans le sillage de l’affaire Urgenda[112], l’affaire Klimaatzaak porte sur l’impératif pour l’État d’agir de manière responsable en adoptant des mesures visant à réduire le volume global des gaz à effet de serre[113]. Cela rappelle la nécessité de concrétiser les obligations positives découlant bien sûr des textes climatiques et environnementaux, participant notamment à la protection des droits de l’homme.
À s’en tenir à l’interprétation stricte des principes du droit international, ces deux mesures ne peuvent s’imposer à tous les États au titre du droit international des droits de l’homme. Elles sont opposables à certains États parties à la Convention cadre des Nations Unies sur le climat ayant dument ratifié l’Accord de Paris[114]. La situation de fragilité caractérisant écologiquement certains pays ou territoires, du reste des signataires des instruments des droits humains, justifie l’urgence d’invoquer ces dispositifs en tant qu’obligations positives du droit international des droits de l’homme à leurs égards. Elles participent à l’effectivité des normes internationales de protection des droits de la personne dans ce contexte particulier de vulnérabilité écologique. On ne peut dans ce contexte parler des obligations positives en vue de l’effectivité des droits de la personne sans préalablement penser aux mesures participant au ralentissement des effets dus au dérèglement climatique.
II. La décision du Comité des droits de l’homme des Nations Unies à propos de l’affaire relative à l’absence des mesures d’adaptation et d’atténuation du changement climatique
Particulièrement identifiée en fonction de la mobilisation tous azimuts de plusieurs aspects théoriques touchant à l’humanisation du régime climatique, l’affaire Billy et autres c Australie est à ces jours l’unique saga judiciaire à mesure d’illustrer à juste titre les contours inhérents à réalité de la fragilité écologique d’un État. Comme l’indique d’ailleurs son objet, cette affaire permet de justifier un manquement aux obligations résultant du Pacte international relatif aux droits civils et politiques partant des conséquences dues aux effets climatiques. Cette décision mobilise ainsi les principes régulateurs des effets climatiques au bénéfice de la protection des droits de la personne. Le raisonnement du Comité des droits de l’homme insiste sur la diligence devant refléter l’adoption de ces mesures. Il est bien vrai que plusieurs travaux ont été initiés, amorcés et achevés par l’Australie dans les territoires insulaires en vue de minimiser les impacts dus au dérèglement climatique. Il faut cependant déplorer le fait que certains d’entre ces travaux se sont révélés inopportuns et inadéquats parce qu’entrepris en retard. Ce faisant, la décision se limite à reconnaitre les entraves au droit à la vie privée et familiale des insulaires et au droit des insulaires à la jouissance de la culture en tant que peuples autochtones. Tout compte fait, après une description de la communication (A), ce point se propose de réfléchir sur les enseignements tirés de cette affaire à la lumière de la question sur la protection des droits de l’homme en contexte étatique de fragilité écologique (B).
A. Prétentions des parties et position du Comité des droits de l’homme
Évoquant le récit écologique des territoires insulaires dépendant juridiquement de l’Australie, la communication de cette instance quasi juridictionnelle constitue une sentence sanctionnant l’attitude adoptée par l’État australien face aux conséquences des aléas climatiques sur les droits de la personne. Elle est constituée de deux parties reprenant d’une part les faits et prétentions des parties (1) et, d’autre part, la position du Comité des droits de l’homme des Nations Unies exprimée à travers ses motivations et ses dispositifs (2).
1. Résumé des faits et prétention des parties
Ce point se propose de retracer sommairement les faits ayant motivé la plainte adressée au Comité des droits par quelques personnes issues de la minorité autochtone des Îles du détroit de Torres (a), avant de souligner les prétentions des parties à l’instance quasi judiciaire (b).
a) Résumé des faits
Tout remonte vers les années 90 lorsque l’Australie a commencé à adopter activement des politiques industrielles favorisant les émissions de gaz à effet de serre par l’extraction et l’utilisation de combustibles, à travers le charbon pour la production de l’électricité[115]. Il s’ensuivit des conséquences écologiques incalculables sur la survie de quatre petites îles dépendantes de sa souveraineté[116], situées sur le détroit de Torres : le village de Boigu est inondé chaque année ; le cyclone de 2019 provoqua de graves inondations à Masig[117] ; les marées hautes et les vents forts générèrent l’inondation du centre-ville à Warraber tous les trois ans[118] ; une grande partie du sable de l’île de Poruma fut emporté par l’érosion[119]. Ainsi que pouvait affirmer la Torres Strait Regional Authority (TSRA), un organisme gouvernemental que
[t]he effects of climate change threaten the islands themselves as well as marine and coastal ecosystems and resources, and therefore the life, livelihoods and unique culture of Torres Strait Islanders […] even small increases in sea level due to climate change will have an immense impact on Torres Strait communities, potentially threatening their viability and “large increases would result in several Torres Strait islands being completely inundated and uninhabitable[120].
Point n’est à ce titre besoin de souligner que ces conséquences ont un impact évident sur la vie des populations et sur la survie même de ces territoires. On notera notamment l’intrusion d’eau salée dans les sols des Îles, la destruction des cocotiers qui font partie de la culture alimentaire des Îles, les précipitations, la température et les moussons ont sensiblement changé dans ces Îles, les herbiers marins et les espèces qui en dépendent ont disparu[121]. Tout ceci affecte gravement le mode de vie traditionnel dans ces Îles, la survie des ressources de subsistance qui sont culturellement importantes et, par voie de conséquence, plusieurs droits garantis dans les textes internationaux de protection des droits de l’homme[122].
En vue de faire face aux conséquences écologiques de ces aléas climatiques, l’Australie (État duquel dépendent juridiquement ces petits territoires insulaires) se contenta de réaliser des travaux sur Boigu et Poruma entre 2017 et 2018[123]. Pourtant, les besoins d’une intervention étatique dépassaient de loin la hauteur des travaux entrepris par l’Australie dans ces deux îles : Boigu et Poruma[124]. Les appels de détresse émanant des autorités régionales et des insulaires à l’endroit de cet État sont restés lettre morte[125]. Au-delà de l’absence des mesures d’adaptation visant à assurer l’habitabilité de ces territoires insulaires à long terme, l’Australie n’a pas non plus réussi à adopter des mesures d’atténuation conséquentes. Les émissions de gaz à effet de serre ont en revanche augmenté en Australie, entre 1990 et 2016, au lieu d’y être sensiblement réduites[126].
b) Prétentions des parties
S’estimant lésé par l’indifférence de l’État australien face à ces conséquences écologiques dues à l’impact des changements climatiques, un groupe des personnes issu de la minorité autochtone des îles du détroit de Torres s’est résolu de saisir le Comité de droits de l’homme des Nations Unies[127]. Les auteurs affirment que l’État australien a, pour avoir manqué d’adopter à temps les mesures d’atténuation et d’adaptation afin de lutter contre le changement climatique, violé les garanties énoncées aux articles 2, 6, 17, 24 et 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques[128]. L’économie de la plainte repose sur quatre moyens construits aussi bien sur le défaut des mesures appropriées pour donner effet aux droits des auteurs au titre de ces dispositions du Pacte, sur la violation du droit à la vie, sur l’entrave de ce fait à la capacité de jouir de sa culture que sur l’entrave du droit à la vie privée[129].
Rencontrant les moyens soulevés dans la plainte, l’État australien réagit à trois préoccupations fondamentales : peut-on évoquer la violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques[130] partant de l’inobservation des instruments conventionnels sur le climat ?[131] Est-il possible d’établir un lien de causalité significatif entre la violation des droits alléguée et l’absence des mesures étatiques appropriées ?[132] L’absence de ces mesures peut-elle concrètement affecter le droit à la vie[133], le droit à la vie privée et le droit à la culture ?[134] Quant à la première préoccupation, l’État australien estime fondée l’irrecevabilité de cette action judiciaire en soutenant qu’ayant des objectifs et un champ d’application différents, les traités prescrivant les changements climatiques ne sauraient expliciter la violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le sens ordinaire d’un traité ne pouvant être utilisé pour supplanter le langage clair du Pacte[135]. La deuxième préoccupation met en évidence la question de l’imminence d’un défaut de l’État sur la violation d’un droit alléguée. S’appuyant sur l’affaire Teitiota c Nouvelle-Zélande, l’État australien estime qu’un risque qui n’est pas encore matérialisé ne peut fonder à ce titre une atteinte à un droit quelconque, étant impossible, voire illusoire, de lui attribuer seul les faits du changement climatique[136]. Bien plus, en se référant au Haut-Commissariat des droits de l’homme, l’Australie souligne que
[i]t is virtually impossible to disentangle the complex causal relationships linking historical greenhouse gas emissions of a particular country with a specific climate change-related effect, let alone with the range of direct and indirect implications for human rights […]it is often impossible to establish the extent to which a concrete climate change[137].
L’Australie est revenue sur le défaut supposé quant à l’adoption des mesures d’atténuation et d’adaptation. Elle décrit avec détail l’étendue des plans adoptés à ce titre entre 2014 à 2021 à Boigu, Warraber, Masig et Poruma, tout en soulignant que le TSRA travaille avec les conseils locaux pour la construction d’une nouvelle digue dans l’île de Saibai et l’évaluation détaillée des risques côtiers[138]. C’est à ce titre qu’elle parvient à relever le fait que les faits du changement climatique ne lui sont pas imputables à double titre : l’Australie a taché, d’une part, à déployer une importante action en vue de minimiser et d’atténuer l’impact du changement climatique[139]. D’autre part, s’il est possible de démontrer en partant de l’affaire Urgenda le lien de causalité entre le fait du changement climatique et les conséquences sur les droits de l’homme[140], l’établissement d’un tel lien est pratiquement impossible en droit international, ce qui rend le préjudice évoqué trop loin des droits évoqués à ce titre[141]. Elle souligne ainsi que les auteurs n’ont pas pu concrètement démontrer la violation par l’État partie des droits à la vie, à la vie privée et familiale et les droits à l’identité culturelle et des droits des enfants australiens[142]. L’éventail des mesures adoptées au titre de la protection du climat participe à la protection de l’enfant australien et à la survie de l’identité culturelle des insulaires du détroit de Torres[143].
En appui à leur plainte, les requérants soulignent, à travers leur commentaire aux observations de l’État australien, le fait que ces dernières ne réfutent pas totalement leurs allégations relatives à plusieurs questions touchant notamment à la science du changement climatique et ses effets présents et futurs sur les îles où vivent ces insulaires[144]. C’est dans cet ordre d’idées qu’il relève la contradiction entre ces observations et les preuves présentées ainsi que le rapport du TSRA, organisme gouvernemental[145]. Insistant sur le lien entre les faits des changements climatiques et les conséquences y relatives sur les droits de l’homme, ce commentaire évoque la trajectoire temporelle impliquant l’adoption des mesures d’atténuation et d’adaptation[146]. Il souligne la nécessité de prendre ces mesures de protection du climat bien de temps avant. « Un État peut ainsi violer », souligne-t-il, « ses obligations avant que les pires effets ne se produisent »[147]. Étayant ces affirmations, les requérants dénombrent un pan des violations actuelles et futures reposant sur une menace imminente des conséquences dues au changement climatique : entraves d’accès au droit à l’alimentation du fait de la salinisation de la mer, violations des droits à l’identité culturelle du fait de l’inondation et de la submersion des terres funéraires ancestrales, la capacité réduite à pratiquer la culture traditionnelle et à transmettre à la génération future[148]. Se voulant concret, ce commentaire dépeint les conséquences dues au défaut de l’État australien à adopter les mesures appropriées sur ces territoires insulaires[149]. Rencontrant le moyen relatif à l’invocabilité des traités climatiques en cas de violations au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les requérants soulignent le fait que les « obligations internationales des États en matière d’environnement sont effectivement pertinentes pour interpréter l’étendue de leurs devoirs en vertu du Pacte »[150].
2. Position du Comité des droits de l’homme des Nations Unies
À l’issue des échanges des mémoires, le Comité des droits de l’homme de Nations Unies aboutit à une conclusion plus ou moins significative retenant la responsabilité de l’État australien pour avoir violé les prescrits des articles 17 et 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Faute d’une mise en oeuvre opportune et adéquate des mesures d’adaptation et d’atténuation des changements climatiques, cet État partie au Pacte est coupable d’entraves aux droits à la vie privée et à l’identité culturelle[151]. Cette décision convient sur le fait que l’absence de ces mesures ne pouvait pas occasionner la violation des prescrits des articles 6 et 24 du Pacte. L’exposé des motifs repose ainsi sur l’analyse de l’applicabilité de l’article 2, pris seul et conjointement avec les articles 6,17, 24 et 27 ainsi que l’analyse des articles 6, 17, 24 et 24 du Pacte, chacun seul[152]. Il en découle un raisonnement démontrant tout à fait la pertinence de trois des sept moyens évoqués dans la plainte des requérants. Se voulant cohérent, ce raisonnement du Comité s’applique aussi à démontrer l’impertinence de quatre moyens restant évoqués dans la plainte.
Aux termes de l’article 2 du Pacte, l’État australien a manqué à l’obligation positive d’assurer la protection des personnes relevant de sa juridiction contre les violations générées par le fait des effets néfastes du changement climatique. Cette obligation implique à ce titre la mise en place des cadres législatifs, institutionnels et fiduciaires ainsi que l’adoption des mesures préventives efficaces pouvant minimiser les effets du changement climatique en vue de prévenir la violation des droits de l’homme[153]. Il est vrai qu’à en croire le rapport du TSRA évoquant la mise en place des mesures d’adaptation en application du plan régional d’adaptation et de résilience du détroit de Torres et du programme Torres Strait Seawalls[154], l’État partie s’est conformé aux prescrits de l’article 2 du Pacte. Ce rapport abonde d’ailleurs en signalant l’investissement par l’Australie de plusieurs milliards de dollars australiens dans le financement de la lutte contre les changements climatiques en vue d’obtenir des résultats escomptés en matière d’adaptation[155].
Si bien que ce programme atteste à ce titre de l’effectivité des obligations positives au sens du Pacte, il importe de souligner le fait que cela n’a pas cependant empêché la survenance des impacts négatifs dus aux effets du changement climatique : il s’en est suivi les inondations, la submersion des terrains du village et des terres de sépulcre ancestrales, des incidences sur l’approvisionnement en nutriments, etc[156]. Il se trouva que le retard dans la construction des infrastructures d’adaptation n’était pas sans impact sur l’intégrité des territoires insulaires. L’objectif pour lequel ont été adoptées ces mesures se trouve ainsi dépassé à cause du retard dans la construction de ces ouvrages[157]. L’adoption des mesures d’adaptation requiert une certaine célérité ou rapidité pour être opportune et adéquate à des circonstances climatiques données. L’opportunité des mesures d’adaptation s’inscrit dans une perspective temporelle impliquant une planification étatique conséquente prenant en compte notamment la disponibilité des finances et la survenance des situations désastreuses. Il en va de l’évaluation de l’ampleur desdites mesures en lien aux scénarios scientifiques d’accentuation des phénomènes climatiques[158]. Le Comité conclut au respect de l’article 2[159], bien que souscrivant à sa violation lorsqu’il est associé aux articles 17[160] et 27 du Pacte[161]. Si l’État australien est parvenu à mettre en oeuvre des obligations positives au titre de cette disposition, ces mesures n’ont pas pu assurer la protection des droits exposés du fait des impacts du changement climatique d’autant plus qu’elles se sont révélées inopportunes et inadéquates, car tardivement mises en oeuvre.
C’est dans cet ordre d’idées que cette communication se limite à incriminer l’État australien au titre de la violation des prescrits des articles 17 et 27 du Pacte. Rappelant les prescrits de l’article 17 du Pacte, le Comité revient sur le contexte qui dépeint les désastres dans ces territoires insulaires afin de faire le parallélisme entre les conséquences y relatives et l’ingérence dans la vie privée des insulaires du fait notamment des déplacements intempestifs dus aux inondations[162]. L’ingérence due par ces impacts face au regard impuissant de l’État australien affecte certains aspects essentiels du mode de vie traditionnel des peuples autochtones qui se trouvent très attachés à leurs territoires[163]. Cette dimension traditionnelle, corroborant l’entrave à la vie privée et à la vie familiale des insulaires du détroit de Torres, est suffisamment abordée par le Comité dans le cadre cette fois-ci du droit à l’identité culturelle exposé à l’épreuve de la vulnérabilité écologique de ces îles[164]. Cette fragilité territoriale entraine une vulnérabilité particulière des requérants en tant que membres d’un groupe minoritaire autochtone qui se voient incapables de maintenir leur culture à raison des multiples désastres dont l’érosion des terres traditionnelles et ancestrales, la réduction et la perte des zones de pêche et d’agriculture ainsi que des sites culturels[165]. Étant considérée comme moyen de faire face à la menace raisonnablement prévisible, la construction des digues préviendrait ces conséquences si et seulement si elle était entreprise en temps voulu[166]. D’où, le retard dans l’exécution de ces ouvrages équivaut au manquement à l’adoption des mesures d’adaptation opportunes et adéquates.
L’autre versant de la motivation de cette communication porte au fond sur l’applicabilité des articles 6 et 24 du Pacte au contexte. Cet aspect de l’exposé des motifs soulève l’impertinence des moyens soutenant, du fait de l’absence des mesures opportunes et adéquates, la violation du droit à la vie. Abordant la question du lien entre les conséquences dues aux impacts du changement climatique et la protection de la vie humaine, le Comité des droits de l’homme commence par contextualiser la teneur des obligations positives inhérentes au droit à la vie à toute situation pouvant d’une manière ou d’une autre mettre la vie en danger[167]. C’est à ce titre qu’il se permet d’identifier les effets néfastes du changement climatique et la dégradation substantielle de l’environnement parmi les menaces raisonnablement prévisibles pouvant entrainer la perte de la vie[168]. C’était ensuite l’occasion pour le Comité d’apprécier l’état de mise en oeuvre des mesures d’adaptation et d’atténuation par l’État australien par rapport au danger ou risque que pouvaient courir les populations de ces îles. Il en découle qu’au regard des travaux déjà entrepris, ce retard d’exécution affecte plutôt les régimes climatiques et saisonniers dont les conséquences sont l’indisponibilité des sources de nourriture traditionnelles (culturellement importantes)[169]. En soi, ces perturbations ne peuvent affecter ou menacer le droit à la vie, soutient le Comité des droits de l’homme[170]. Ayant du reste constaté la violation du Pacte au titre des articles 17 et 27, le Comité n’a pas trouvé nécessaire de rencontrer les griefs des auteurs au titre de l’article 24, insinuant le fait que son raisonnement est également valable pour ce moyen[171].
À ces deux éléments de la motivation au fond, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies ajoute un aspect important sur les recours effectifs. Cette décision recommande au titre de réparation l’allocation d’une indemnisation adéquate au bénéfice des requérants, avant de s’appesantir sur un engagement des consultations significatives permettant une évaluation des besoins afin de continuer à mettre en oeuvre, surveiller et réviser les mesures nécessaires[172].
B. Les enseignements de la décision du Comité des droits de l’homme
La communication rendue par le Comité des droits de l’homme en date du 22 septembre 2022 était particulièrement attendue, en ce qu’elle offre à cet organe l’occasion de se prononcer sur une réalité mettant en exergue l’hybridation entre questions climatiques et l’impératif de protéger les droits de la personne[173]. Elle manifeste au-delà de cet aspect théorique la sensibilité pour cet organe de s’imprégner d’une question sur la vulnérabilité écologique de l’État. Si bien que le Comité n’a pas évoqué la dimension théorique associée à la question, il est pourtant vrai que le manquement de l’Australie reposait sur un défaut de diligence face aux impacts extrêmes dus au changement climatique. Ce point de l’étude se propose de réfléchir sur trois principaux questionnements reposant essentiellement sur la capacité de l’État écologiquement fragile à assumer la protection des droits humains, sur les normes fondant le manquement aux droits de l’homme en contexte des conséquences écologiques dues au changement climatique et sur la responsabilité de l’État pour violation des droits de l’homme sur fond de mesures liées au dérèglement climatique.
1. La fragilité écologique d’un État n’implique pas nécessairement son incapacité à assumer la protection des droits humains
Cette communication met en relief une situation illustrant à suffisance la fragilité écologique de l’État. Même si le Comité des droits de l’homme ne s’y est pas suffisamment penché, le cas sous examen exemplifie en concret la vulnérabilité écologique d’un État, dont l’hypothèse la plus extrême serait la disparition de l’entité souveraine par submersion. Ainsi que le souligne un organisme public australien, en l’occurrence la TSRA :
[t]he effects of climate change threaten the islands themselves as well as marine and coastal ecosystems and resources, and therefore the life, livelihoods and unique culture of Torres Strait Islanders […] even small increases in sea level due to climate change will have an immense impact on Torres Strait communities, potentially threatening their viability and “large increases would result in several Torres Strait islands being completely inundated and uninhabitable[174].
Dans la démonstration argumentative de l’affaire des insulaires du détroit de Torres, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies ne s’est pas empêché d’envisager notamment le risque extrême qu’un pays entier soit submergé par les eaux[175].
L’affaire sous examen nous présente le contexte d’un État, l’Australie, étendant sa souveraineté sur quelques îles sérieusement exposées aux impacts du changement climatique[176]. La situation géographique de l’État australien par rapport à ces petites îles situées un peu plus loin de son territoire ne peut conforter la thèse extrême de sa fragilité écologique : la disparition du fait de l’immersion totale. Bien qu’étant un territoire entouré de toute part par la mer[177], la taille de sa superficie ne peut l’exposer à un risque écologique existentiel. Si bien que perdues dans la mer de corail, entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ces îles dépendent juridiquement de l’Australie[178]. Toute conséquence d’ordre géographique sur ces espaces territoriaux affecterait naturellement l’Australie qui est censée y assumer les garanties de souveraineté. En soi, la partie territoriale comprise dans la superficie de 7 741 200 kilomètres carrés[179], définie comme territoire étatique, ne peut pas à proprement parler l’exposer aux risques extrêmes des changements climatiques. Cette situation géographique met en relief un questionnement juridique reposant sur la distinction entre territoires étatiques et territoires infraétatiques. Le terme territoire étatique fait allusion à l’espace géographique compris dans les limites de la superficie de l’État[180]. Les territoires infraétatiques illustrent quant à eux la situation juridique des espaces géographiques se situant en dehors du territoire national, mais dépendant juridiquement de l’État[181].
C’est au titre de ce lien de souveraineté avec les îles du détroit de Torres que l’Australie se trouve catégorisée parmi les États écologiquement fragiles[182]. La fragilité écologique de l’Australie n’est pas substantielle au point d’affecter sa capacité régalienne à protéger les droits de la personne. Elle se fonde sur la situation écologique critique de ces îles exposées aux effets des aléas climatiques. L’Australie assume dès lors la responsabilité de protéger les droits de la personne vivant dans ces territoires infraétatiques[183]. Elle est responsable de toute ingérence due par le fait des conséquences écologiques résultant des impacts du changement climatique dans tous ces territoires. Autant elle est tenue à l’égard des personnes vivant sur le territoire étatique, l’Australie est au titre des conventions internationales des droits de l’homme débitrice des garanties fondamentales reconnues aux populations habitant tous les territoires infraétatiques, se situant sur les petites îles du détroit de Torres.
L’attachement de ces territoires à État australien répond à la question relative à la définition du statut juridique d’un peuple autochtone perdu dans les confins insulaires de l’Océan Pacifique[184]. Il s’est avéré nécessaire de les laisser vivre sur leurs terres ancestrales tout en pensant bien entendu à une possibilité juridique qui les lierait à une entité souveraine afin de les permettre de profiter de la plénitude des compétences révolue à cette dernière[185]. Cette possibilité participe justement à la matérialisation de ce contentieux climatique des droits de l’homme. Ceci est correct d’autant plus que lesdites minorités sont habilitées à saisir le Comité des droits de l’homme parce que l’Australie est signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. C’est aussi fort de son aptitude à contracter internationalement que l’État australien est tenu à protéger et promouvoir les droits et libertés fondamentales consacrés par ce traité international[186] au bénéfice notamment des minorités autochtones habitant les territoires insulaires du détroit de Torres. Cette situation juridique ne changera pas, même au pire de cas où ces territoires disparaissaient par submersion. Cet État procèdera sûrement par une relocalisation interne de ces populations vers le territoire étatique, ce qui permettra à ces personnes de toujours se prévaloir des obligations juridiques positives déduites de ces instruments conventionnels.
2. La protection des droits humains en contexte de changement climatique : Les contours d’une hybridation dans le champ épistémique du droit international
Laboratoire expérimental de judiciarisation des questions climatiques, le Comité des droits de l’homme aborde à travers cette décision les interactions épistémologiques entre deux enjeux majeurs contemporains : droits de l’homme et changements climatiques[187]. Dans les sentiers imaginatifs du possible[188], l’illustration de cette mixité appelle avec elle un pan d’interrogations reposant sur la faisabilité de la démarche. Elle s’inscrit dans une dynamique positiviste du droit international à travers des questionnements somme toute orientés vers la portée normative de pertinents traités environnementaux contraignants au regard de l’interprétation contextuelle des droits de l’homme. Cette orientation appelle à de profondes réflexions sur le soubassement normatif du manquement d’un État écologiquement fragile en cas de violations des droits internationalement garantis et la teneur des droits des peuples autochtones en contexte du changement climatique. Elle postule aussi la question sur la due diligence dans l’adoption des obligations positives en vue de rencontrer les effets pervers du changement climatique au titre d’un traité international des droits de l’homme.
Quant au soubassement normatif sous-tendant le manquement prohibé à ce titre, l’imagination juridique voudrait que la juris-dictio se repose sur le corpus normatif qui lui est matériellement proche et le plus adapté in specie casu[189]. Cela permet de contextualiser aisément les prescrits normatifs par rapport à l’objet du litige. Dans le cas sous examen, il requiert de se référer aux normes protectrices des droits de l’homme parce que les comportements visés entravent les droits garantis par les textes sur la protection des droits de l’homme[190], si bien qu’ils affectent dorénavant la régulation du système climatique[191]. Le rapprochement de l’objet du litige à la juridiction saisie milite à la faveur des traités relatifs à la protection des droits humains comme corpus juris du différend. Toutefois, cela n’interdit pas à la juridiction de se référer en guise d’interprétation aux textes relatifs à l’environnement et/ou du climat pour statuer sur la portée prescriptive ou prohibitive des comportements susceptibles d’incarner l’entrave aux droits de la personne[192].
L’article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités recommande à la juris-dictio de s’appuyer, par rapport au contexte, sur toute norme liant ultérieurement les parties au litige[193]. Les objectifs d’atténuation et d’adaptation peuvent de ce fait orienter aussi l’effort interprétatif des organes des droits de l’homme. C’est à ce titre que pouvait, à raison, souligner le Comité des droits de l’homme, en guise de réponse à l’argument de l’État partie :
However, to the extent that the authors are not seeking relief for violations of the other treaties before the Committee but rather refer to them in interpreting the State party’s obligations under the Covenant, the Committee considers that the appropriateness of such interpretations relates to the merits of the authors’ claims under the Covenant »[194]. Ainsi, poursuit-il, « [i]nternational environmental legal obligations of States are indeed relevant to interpreting the scope of their duties under the Covenant. Treaties should be interpreted in the context of their normative environment[195].
Les réalités illustrant la vulnérabilité découlant des impacts dus aux changements climatiques ne rendent pas effectivement facile la matérialisation des obligations positives inhérentes aux instruments conventionnels sur la protection des droits fondamentaux. Cette difficulté met en exergue la question du degré de diligence requis devant ressortir des mesures concrètes censées être adoptées par l’État signataire du Pacte en vue de faire face à la menace que représentent les actes des personnes ou acteurs privés relevant de son contrôle au regard des risques climatiques ? Face à la singularité de la causalité dans la réalité des effets dus aux changements climatiques, les États signataires des traités sur les droits de la personne se trouvent bien souvent dans l’impossibilité d’apprécier la portée des obligations qui leur sont dues en guise de diligence raisonnable[196]. Le standard d’appréciation du degré de diligence requise peut à ce titre s’appuyer sur la norme énoncée à l’article 4 paragraphe 3 de l’Accord de Paris. Ce dernier exige que l’État fixe au préalable ses objectifs les plus élevés quant à ce au prorata de ses possibilités et de la proportionnalité du but à atteindre. Les États doivent ainsi adopter des mesures nécessaires, significatives et efficaces.
Ainsi que le soulignent, entre les lignes, les observations de l’État australien au titre de l’affaire sous examen :
Positive obligations under the Covenant do not require maximum possible resources nor highest possible ambition. To adopt such an unprecedented test would not only place an impossible burden on States but would also displace reasonable policy choices made in good faith by States as they assess a range of threats and challenges that impact on the enjoyment of human rights under the Covenant and decide how to distribute limited resources to address them[197].
En l’espèce, l’appréciation de la diligence raisonnable reposerait à ce titre sur la célérité et la précision desdites mesures dont la teneur préjuge de l’opportunité et de l’adéquation desdites obligations positives par rapport à leur finalité[198].
Deux leçons, en rapport avec la protection des droits des peuples autochtones dans le contexte des effets induits du dérèglement climatique, ressortent de l’analyse de l’affaire Daniel Billy et autres : la cohabitation des droits des peuples autochtones avec les droits à la vie privée et à la jouissance de sa culture, d’une part et, la relation contradictoire entre le droit à culture et le droit à la vie dans le contexte du changement climatique, d’autre part. Cette réflexion participe à l’harmonisation des objectifs assignés tant par les principes relatifs à la protection des droits humains que par ceux visant la préservation des droits des autochtones. Il n’en demeure pas moins illustratif de l’« autochtonisation » des droits de la personne[199]. Relative à la relation entre les droits consacrés à l’article 17 et 27 du Pacte, la première leçon distingue le droit des minorités à l’existence du droit « des minorités autochtones » à la vie privée et familiale[200]. Si la première prérogative relève d’une consécration claire à travers un article du Pacte[201], la deuxième relève par ailleurs d’une interprétation contextuelle ou évolutive d’un article du Pacte[202]. Visant ainsi la situation des personnes en général, le droit à la vie privée et familiale illustre à travers cette communication du Comité des droits de l’homme la singularité de la situation des autochtones. Il en va d’une interprétation large tenant au contexte spécifique du terme « famille » visant à inclure dans l’explication de cette disposition les éléments sur les considérations traditionnelles (mode de vie) « afin de viser toutes les personnes qui composent la famille telle qu’elle est perçue dans la société concernée »[203]. Pourtant, sur pied des dispositions de l’article 27, le Comité des droits de l’homme met en relief les entraves au droit spécifique de ces autochtones[204]. Ainsi, l’absence des mesures opportunes et appropriées en vue de minimiser les effets induits du dérèglement climatique participe à la négation des droits garantis au titre des articles 17 et 27 du Pacte. Liée aux conséquences relatives à la fragilité écologique de l’État, la deuxième leçon met en relief la remise en cause des droits liés à la protection de l’identité culturelle au bénéfice du droit à la vie. Obligées de se déplacer en vue de fuir les conséquences dues au changement climatique, les minorités autochtones préservent leur vie au détriment de leurs traditions culturelles qui sont essentiellement liées à leurs terres.
3. Les mérites de l’interprétation évolutive des instruments conventionnels des droits humains en contexte de perturbations climatiques
L’analyse de cette décision du Comité des droits de l’homme des Nations Unies apporte une lumière sur les l’interprétation évolutive des conventions internationales de protection des droits humains par rapport à l’établissement de la responsabilité de l’État et à l’articulation des normes du droit international.
Cette communication vient éclairer sur la question de la place de l’interprétation évolutive dans l’établissement de la responsabilité de l’État pour violation des droits de la personne. Cette interprétation valide l’idée d’une reconnaissance des larges pouvoirs au bénéfice du Comité en vue d’assimiler avec le temps qui coure notamment l’action ou l’inaction des États face au dérèglement climatique comme constitutive d’entrave aux droits garantis par le Pacte. C’est le lieu de catégoriser, à la manière de la Cour européenne des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques au nombre des instruments vivant devant être interprété à la lumière des conditions de vie actuelles et des conceptions qui prévalent de nos jours[205]. Ainsi, les obligations juridiques internationales des États en matière d’environnement sont effectivement pertinentes pour interpréter l’étendue de leurs devoirs en vertu du Pacte. Les traités doivent être interprétés dans le contexte de leur environnement normatif[206].
Au-delà de la préoccupation inhérente aux problèmes d’imputation[207], il s’avère nécessaire de cogiter sur la teneur même des comportements constitutifs de fait internationalement illicite à la lumière du droit international des droits de l’homme. Le manque de diligence caractérisant certains États à l’épreuve des perturbations climatiques peut aussi être constitutif d’un fait internationalement illicite. Fort d’un entendement évolutif du Pacte, l’Observation générale n° 36 sur le droit à la vie pouvait affirmer que l’obligation des États parties de respecter et de garantir le droit à la vie s’étend aux menaces raisonnablement prévisibles et aux situations mettant la vie en danger qui peuvent entrainer la perte de la vie[208]. C’est à ce titre que le Comité des droits de l’homme considère que:
les menaces à la vie peuvent inclure les effets néfastes des changements climatiques et rappelle que la dégradation de l’environnement, les changements climatiques et le développement non durable constituent certaines des menaces les plus pressantes et les plus graves qui pèsent sur la capacité des générations actuelles et futures de jouir du droit à la vie[209].
Une interprétation similaire du droit à la vie privée et familiale a permis au Comité d’assimiler l’inaction de l’État australien face aux impacts induits du règlement climatique sur les tombes ancestrales des insulaires comme une entrave au mode de vie traditionnel[210]. Cet exemple confirme la justiciabilité des impacts négatifs du changement climatique devant les organes (quasi) juridictionnels des droits de l’homme au bénéfice des peuples autochtones[211]. Il fonde ainsi la responsabilité de l’État australien sur pied du Pacte pour inaction face aux perturbations climatiques.
Ainsi donc, l’entendement du Comité des droits de l’homme ou de tout autre organe (quasi) juridictionnel sur les éléments de définition des droits substantiels garantis par les textes internationaux peut ramener à l’identification des perturbations climatiques ou écologiques. Il est vrai qu’à l’adoption de la plupart des conventions internationales de protection des droits de la personne, le dérèglement climatique n’était pas envisagé comme réalité pouvant influer sur la protection des droits et libertés garanties. Cependant, les rédacteurs de ces instruments ont tout de même pensé laisser, par précaution légistique, aux (quasi) juridictions les soins d’assimiler d’autres cas qu’ils ne pouvaient s’imaginer lors de l’élaboration du traité[212]. Plus qu’une exigence de contextualisation, l’interprétation évolutive justifie l’intérêt pour le juge d’assimiler les termes des textes aux nouveaux évènements, comme l’industrialisation à outrance et ses lots des conséquences sur l’environnement, « les choses, changeant elles-mêmes selon qu’il plait aux hommes qui ne s’inquiètent point des significations premières »[213].
Il est vrai qu’au regard de ce cas de figure, chaque juris-dictio, selon que c’est la (quasi) juridiction des droits de l’homme, le juge spécialisé à la question climatique ou la Cour mondiale, statuant comme juge de responsabilité de l’État, qui est saisi, s’appuiera pour statuer sur la sanction à ces comportements sur l’instrument juridique qui lui est proche. C’est là justement le cas du Comité qui se réfère au Pacte international relatif aux droits civils et politiques pour établir la responsabilité de l’État australien. Au-delà, la solution à cet embarras illustre un aspect important participant à la défragmentation du droit international. On est dès lors appelé à se référer au droit international général, au droit international des droits de l’homme ou au droit international de l’environnement. Quel que soit le corpus normatif que tel ou tel juge s’appuiera pour statuer sur le litige, ce dernier sera obligé de recourir aux autres textes ayant un lien avec la situation pour interpréter le texte normatif qui lui est proche. Il y a dès lors connexion entre les différents domaines[214]. L’article 31, paragraphe 3 C) de la Convention de Vienne sur le droit des traités qui envisage une interprétation systémique permet ainsi d’assurer la cohérence d’application d’un corps des règles spéciales avec le droit international ou d’autres branches de droit spécial[215]. La méthode évolutive vient de ce fait faciliter cette coordination en ce que la prise en compte des situations changeantes motivant l’adoption de tel autre instrument conventionnel permet de comprendre les nouveaux évènements par rapport aux textes de traité de base se révélant dépassés[216]. Cela permet de coordonner le système international en se passant de la logique de sous-régimes autonomes qui se révèle dépassée. Il se fait sentir un besoin de coordination des jurisprudences, censée destiner à garantir l’unité d’interprétation et d’application du droit international[217].
***
Au terme de cette étude, deux leçons méritent d’être mises en évidence en guise de conclusion. Premièrement, la teneur de certaines contraintes illustrant la dérégulation du système naturel affecte la vulnérabilité écologique des États, à des proportions différentes, au point d’impacter les prérogatives régaliennes et par voie de conséquence les fonctions sociétales essentielles. Si le dérèglement écologique exemplifie dans certaines circonstances une simple destruction des éléments de l’environnement, il illustre dans d’autres circonstances une vulnérabilité affectant substantiellement les fondements de l’État. Cernant la situation d’une cinquantaine d’États s’identifiant comme « [p]etits États insulaires en développement », grands États insulaires et États côtiers, le concept États écologiquement fragiles met à l’évidence les effets des impacts écologiques sur la survie de l’entité souveraine à des rythmes divers. La disparition des territoires par submersion due à l’élévation du niveau de la mer, avec ses lots de conséquences sur la population, illustre là une situation extrême de ces réalités écologiques. L’actualité sur les situations de quelques territoires infraétatiques en voie de disparition et sur les diverses démarches juridiques agencées par le groupe des petits pays insulaires au titre de la saisine de la Cour internationale de justice et de la criminalisation universelle des actes constitutifs d’écocide rend compte de l’intérêt de s’y pencher à fond.
Ayant trait à l’impact de la fragilité écologique de l’État sur les fonctions sociétales essentielles, la deuxième leçon met en exergue l’incidence du dérèglement écologique/climatique sur les droits de l’homme et la capacité de l’État à assumer la promotion et la protection des droits humains. Non seulement qu’ils affectent de manière négative la jouissance de certains, à la manière du constat fait dans le cadre des affaires Teitotia et Portillo Cáceres devant le Comité des droits de l’homme, les effets des impacts écologiques/climatiques mettent certains États dans l’incapacité d’assurer cette mission régalienne. C’est à ce titre qu’il s’est révélé opportun d’adapter la teneur des obligations positives résultant du droit international des droits de l’homme à la singularité liée à la dérégulation écologique dans ces États. Au-delà, l’effectivité des normes protectrices des droits humains n’implique pas seulement la dimension normative d’adaptation sur le plan national. Cette adaptation doit aussi consister à prévenir et anticiper les conséquences néfastes de la dérégulation écologique. Si cette dimension adaptative s’impose à ce titre à tous les États s’agissant de la protection des droits humains en contexte du dérèglement écologique, il n’en est pas le cas pour ce qui des États écologiquement fragiles. Ces derniers sont tenus d’appliquer les mesures d’atténuation et d’adaptation du changement climatique au titre des obligations positives partant des traités relatifs à la protection des droits de l’homme. Ces mesures viennent ainsi compléter les mesures élémentaires adoptées en vue de concrétiser la teneur de ces conventions des droits de la personne. Consacrées à l’effectivité des normes sur la protection internationale du climat sur le plan national, ces mesures servent d’obligations positives déduites des normes internationales protectrices de la personne en contexte particulier des États écologiquement fragiles. La communication du Comité des droits de l’homme dans l’affaire des Insulaires du Détroit de Torres permet d’illustrer à juste titre cette affirmation. Cette décision condamne l’Australie pour absence des mesures d’atténuation et d’adaptation du changement climatique. Ainsi, faute d’avoir adopté ces mesures au moment opportun et de manière adéquate, l’État australien n’a pas su protéger le droit des autochtones à la vie privée et familiale et le droit de peuples autochtones comme minorité.
Parties annexes
Notes
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[*]
Christian Tshiamala Banungana, Enseignant- chercheur à la faculté de droit de Université de Kinshasa et avocat au barreau de Kinshasa. Contact: tshiamalakrist@gmail.com.
-
[1]
Hugues Dumont et Isabelle Hachez, « Les obligations positives déduites du droit international des droits de l’homme : dans quelles limites ? », dans Yves Cartuyvels, Hugues Dumont, François Ost, Michel Van de Kerchove et al., Les droits de l’homme, bouclier ou épée du droit pénal ? Bruxelles, Bruylant, 2007 aux pp 45-73.
-
[2]
Armelle Gouritin, « La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur les obligations positives en matière environnementale peut-elle s’appliquer aux changements climatiques ? », dans Christel Cournil et Catherine Colard-Fabregoule, dir., Changements climatiques et défis du droit, Bruxelles, Bruylant, 2010 à la p 257.
-
[3]
Un Etat est reputé écologiquement fragile lorsque par les faits des conséquences écologiques/climatiques sur l’un de ses critères fondamentaux son gouvernement se trouve incapable d’assurer les fonctions de souveraineté. Cette défaillance resulte des impacts des effets climatiques ou écologiques sur certaines conditions géographiques qui ne les permettent pas d’assumer matériellement son rôle. Voir Agnès Michelot, « Protection internationale du climat et souveraineté étatique » (2018) 18 :1 VertigO, en ligne : <journals.openedition.org/vertigo/1968>. Voir aussi Yves Petit, « La fragilité environnementale et territoriale » (2012) 28 Civitas Europa aux pp 79-98.
-
[4]
Agathe van Lang, « Environnement (Droit à-et de l’-) », dans Joel Andriantsimbazovina et al, dir, Dictionnaire des droits de l’homme, Paris, PUF, 2008 à la p 373 ; Voir aussi Franco Francioni, « Principle I : Human Beings and the Environment », dans Jorge E. Vinuales, dir., The Rio Declaration on Environment and Development: A Commentary, Oxford, University Press, 2015 aux pp 93-104.
-
[5]
Nicolas De Sadeleer, Environmental Principles: From Political Slogans to Legal Rules, 2e éd, Oxford, Oxford University Press, 2020.
-
[6]
Nina Le Bonniec, La procéduralisation des droits substantiels par la Cour européenne des droits. Réflexion sur le contrôle juridictionnel du respect des droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 2017 à la p 50.
-
[7]
Christina Voigt, « The Climate Dimension of Human Rights Obligations: Due Diligence and States’ Positive Obligations » (2022) 171 J Hum Rts & Envt 152. Voir aussi Antonio Cançado Trindade, « The Parallel Evolutions of International Human Rights Protection and of Environmental Protection and the Absence of Restrictions upon the Exercise of Recognized Human Rights » (1991) 13 Revista del Instituto Interamericano de Derechos Humanos 50.
-
[8]
Accord de Paris sur le changement climatique, 12 décembre 2015, 3156 RTNU 79, considérant 11 du Préambule [Accord de Paris].
-
[9]
Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, 9 mai 1992, 1771 RTNU 107 [CCNUCC],
-
[10]
Daniel Billy et al c Australie, CDH communication n° 3624/2019, Doc NU CCPR/C/135/D/3624/2019 (2022) [Daniel Billy et al c Australie].
-
[11]
Florian Aumond, « Changements climatiques, droits humains et droits des autochtones. Autour des constatations du Comité des droits de l’homme dans l’affaire Daniel Billy et autres contre Australie (21 juillet 2022) » (2023) 41 Rev Jur politique & économique Nouvelle-Calédonie 161.
-
[12]
Daniel Billy et al c Australie, supra note 10 au para 5.7.
-
[13]
Samantha Besson, La due diligence en droit international, The Hague, Brill et Nijhoff, 2021.
-
[14]
Voir Samantha Besson, « Due diligence and Extraterritorial Human Rights Obligations – Mind the Gap! », (2020) 9:1 Esil Refections. Voir aussi Katia Martin-Chenut et Camila Perruso, « Organes de protection des droits de l’homme et responsabilité des entreprises : la contribution des obligations positives », dans Katia Martin-Chenut et René de Quenaudon, dir, La RSE saisie par le droit. Perspectives interne et internationale, Paris, Pedone, 2016, 659.
-
[15]
Christel Cournil, « De la mobilisation à la réception des droits de l’homme dans le contentieux climatique en Europe Entre hybridation, construction et mutation des droits » (2022) 1 J européen Dr homme 64.
-
[16]
Verena Kahl, « Rising Before Sinking. The UN Human Rights Committee’s landmark decision in Daniel Billy et al. c. Australia » (3 octobre 2022), en ligne (blogue): Verfassungsblog on Matter Constitutional <verfassungsblog.de/rising-before-sinking/>.
-
[17]
Geoff Mann et Joel Wainwright, Climate Leviathan: A Political Theory of our Planetary Future, Oxford, Oxford, 2017.
-
[18]
Mélanie Dubuy, « États fragiles et droits de l’homme » (2012) 1:28 Civitas Europa 37.
-
[19]
USAID, Fragile State Strategy, Kinshasa, USAID, 2005.
-
[20]
OCDE, États fragiles 2018, Paris, Éditions OCDE, 2018.
-
[21]
Voir OCDE, Principes pour l’engagement international dans les États fragiles et les situations précaires, avril 2007.
-
[22]
Dubuy, supra note 18 à la p 38.
-
[23]
Lire sur la théorie des crises, les critères élaborés par CRISE (Center for Research on Inequality, human security and ethnicity). Les trois critères sont : « authority failures », « service failures », « legitimacy failures ». Les critères du CRISE rappellent ceux du CIFP (Canada’s Country Indicators for Foreign Policy): lack of « functional authority », « institutional capacity » et « political legitimacy »
-
[24]
Dubuy, supra note 18.
-
[25]
Michelot, supra note 3. Voir aussi Petit, supra note 3.
-
[26]
Ces États sont au nombre de 14, dont notamment Vanuatu, Kiribati, Fiji, Tonga, Tuvalu, Nauru, Samoa, Cook Islands, Nauru, etc. Voir le lien évoquant la question de l’alliance des petits États au sein des Nations Unies. <aosis.org/about/memberstates/#:~:text=about%20us,sustainable%20development %20negotiations%20and%20processes>.
-
[27]
Voir Émilie Lorant-Plantier, « Un indicateur global d’évaluation de la vulnérabilité écologique du milieu le long de grandes infrastructures linéaires : Pourquoi ? Comment ? » Cybergeo: European Journal of Geography (16 juillet 2014), en ligne: <journals.openedition.org/cybergeo/26362>.
-
[28]
Petit, supra note 3 à la p 83.
-
[29]
Cet ensemble est constitué de 54 États en tout, réunissant notamment les grands Pays insulaires comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Madagascar, les 14 petits États insulaires du Pacifique, les 16 États de la Caraïbe, les 9 États de l’océan Indien, de l’Afrique et du sud de la Chine. Le groupe des petits États insulaires est inclus dans ce grand ensemble. Voir Gonzalo Sozzo, « Les petits États insulaires », dans François Collart Dutilleul, Valérie Piron et Agathe van Lang, dir, Dictionnaire juridique des transitions écologiques, Paris, Institut universitaire Varenne, 2018, 587.
-
[30]
Voir Boris Barraud, « Souveraineté de l’État et puissance de l’État » (2017) Rev recherche jur – Drt prospectif 123.
-
[31]
Voir Christine Margetic et Julien Joël, « Territoire », dans François Collart Dutilleul, Valérie Piron et Agathe van Lang, dir, Dictionnaire juridique des transitions écologiques, Paris, Institut universitaire Varenne, 2018, 793.
-
[32]
Guillaume Le Floch, « La question de la survivance de l’État en cas de submersion de son territoire et d’exode de sa population », dans Valérie Boré Eveno, dir., Élévation du niveau de la mer et droit international. De l’adaptation à l’action, Paris, Pedone, 2022 à la p 56.
-
[33]
Ibid à la p 64.
-
[34]
Ibid à la p 66.
-
[35]
Maxine Burkett, « The Nation Ex-Situ: on climate change, deterritorialized nationhood and the post-climate era » 2011 2 Climate L 345.
-
[36]
Géraldine Giraudeau, « Le Pacifique insulaire face à l’élévation du niveau de la mer : des territoires et des populations en ligne des conséquences et des réponses juridiques », dans Valérie Boré Eveno, dir, Élévation du niveau de la mer et droit international. De l’adaptation à l’action, Paris, Pedone, 2022 à la p 35.
-
[37]
Ibid.
-
[38]
Ibid.
-
[39]
Voir Davorin Lapaš, « Climate Change and International Legal Personality: “Climate Deterritorialized Nations” as Emerging Subjects of International Law? », (2022) 59 Can YB Intl Law 1.
-
[40]
Christel Cournil « Quelles protections spécifiques pour les déplacés environnementaux ? » (2012) 23 Après-demain 34.
-
[41]
Mihaela Ailincai, « Exploitation des ressources naturelles et droit à un environnement sain », dans Mihaela Ailincai et Sabine Lavorel, dir, Exploitation des ressources naturelles et protection des droits de l’homme, Paris, Pedone, 2013 aux pp 84 et s.
-
[42]
Voir K Chad Clay et al, « Using practitioner surveys to measure human rights: The Human Rights Measurement Initiative’s civil and political rights metrics » (2020) 57:6 J Peace Research 715. Voir aussi Anne-Marie Brook, K Chad Clay et Susan Randolph, « Human rights data for everyone: Introducing the Human Rights Measurement Initiative (HRMI) » (2020) 19:3 J Human Rights 67.
-
[43]
Ibid.
-
[44]
Ibid.
-
[45]
Ibid.
-
[46]
Cette affirmation met à l’évidence la question de la justiciabilité des droits socio-économiques et culturels rencontrée par une abondante doctrine. Elle postule le fait que la réalisation par les États des engagements garantissant les droits-créance dépend de leurs capacités économiques à rencontrer les besoins pouvant permettre de les concrétiser. Cela impacte justement sur l’aptitude potentielle de ces droits à être contrôlée par le juge, ce qui d’ailleurs conforte la thèse de l’inexistence de cette catégorie des droits. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels utilise en son article 2§ 1 une formule un peu vague s’agissant des clauses de réalisation : « Chacun des États parties s’engage à agir […] au maximum de ses ressources disponibles en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus ». Il importe à la suite de ce raisonnement de souligner le protocole du PIDESC instituant une procédure de recours individuel. Pour une appréhension fournie de la question Voir Jean-François Akandji Kombe, « Droits économiques, sociaux et culturels » dans Joel Andriantsimbazovina et al, dir, Dictionnaire des droits de l’homme, Paris, Presses universitaires de France, 2008, 322 aux pp 324-25. Voir aussi Arnaud Le Bretton, « Les enjeux du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels » (2010) 8 Dr fondamentaux. Voir aussi Olivier de Schutter « Article 2, L’obligation de réalisation progressive au maximum des ressources disponibles » dans Emmanuel Decaux et Olivier De Schutter, dir, Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Commentaire article par article, Paris, Ecomomica, 2019, 67. Voir aussi Catarina De Albuquerque, « Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels » dans Emmanuel Decaux et Olivier De Schutter, dir, Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Commentaire article par article, Paris, Ecomomica, 2019, 515 aux pp 519-21.
-
[47]
Souvent contesté à cause de son caractère programmatique, le droit au développement, encore incertain dans ses sources et contenu, peut être évoqué par une pluralité des titulaires concurrents (États, peuples, individus) dans le contexte du dérèglement climatique. Voir Enguerrand Serrurier, La résurgence du droit au développement. Recherche sur l’humanisation du droit international, Paris, Pedone, 2022 à la p 611.
-
[48]
Ioane Teitiota c Nouvelle-Zélande, CDH, communication no. 2728/2016, Doc NU CCPR/C/127/D/2728/2016 au para 9.11.
-
[49]
Michèle Morel et Nicole de Moor, « Migrations climatiques : quel rôle pour le droit international ? » (2012) 8:88 Cultures & Conflits 16.
-
[50]
Giraudeau, supra note 36 à la p 46.
-
[51]
Le Floch, supra note 32 à la p 58.
-
[52]
Giraudeau, supra note 36 aux pp 46-52.
-
[53]
Cournil, supra note 40 à la p 40.
-
[54]
Giraudeau, supra note 36 à la p51.
-
[55]
Nathan J Ross, Low-Lying States, Climate Change Induced Relocation and the Collective Right to Self-Determination, thèse de doctorat en droit, Université Victoria de Wellington, 2019 à la p 10 [non publiée].
-
[56]
Giraudeau, supra note 36 à la p 51.
-
[57]
Convention de Genève sur le statut des réfugiés, 28 juillet 1951, 189 RTNU 137 [Convention de Genève].
-
[58]
Ibid.
-
[59]
Ibid à la p 48.
-
[60]
À moins qu’ils ne survivent de ces conséquences, ces États pourront répondre de leur défaillance sur pied du défaut de précaution et de prévention. Dans le cas contraire, on se trouve dans une situation de disparition d’États où le sujet qui doit répondre internationalement des entraves aux droits de la personne n’existe plus.
-
[61]
Gouritin, supra note 2 à la p 70.
-
[62]
Dumont et Hachez, supra note 1 à la p78.
-
[63]
Affaire Airey c Irlande (1979), Cour Eur DH (Sér A) 33 au para 24.
-
[64]
Voir Le Bonniec, supra note 6 aux pp 62 et s.
-
[65]
Jean Pierre Marguenaud, La Cour européenne des droits de l’homme, Paris, Dalloz, 2012 à la p 36.
-
[66]
Voir Denis Spielman, Obligations positives et effet horizontal des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme : L’interprétation la Convention européenne, Bruxelles, Bruylant, 1998 à la p 18.
-
[67]
Voir Sebastien van Drooghenbroeck, « L’horizontalisation des droits de l’homme » dans Hugues Humont, François Ost et Sebastien van Drooghenbroeck, dir, La responsabilité, face cachée des droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 2005, 355 à la p 356.
-
[68]
Affaire relative à certains aspects du régime linguistique de l’enseignement en Belgique (1968), Cour Eur DH (Sér A) 6 à la p 201
-
[69]
Fréderic Sudre, « Les obligations positives dans la jurisprudence européenne des droits de l’homme » (1995) no 23 Rev trimestrielle droits homme 363.
-
[70]
Olivier de Schutter et Sebastien van Drooghenbroeck, Droit international des droits de l’homme devant le juge national, Bruxelles, Larcier, 1999.
-
[71]
Gouritin, supra note 2 à la p 261.
-
[72]
Ibid à la p 268.
-
[73]
Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière de l’environnement, 25 juin 1998, 2161 RTNU 447 [Convention d’Aarhus]
-
[74]
Rapport spécial sur la question des obligations relatives aux droits de l’homme se rapportant aux moyens de bénéficier d’un environnement sûr, propre, sain et durable, HCR, 31e sess, Doc NU A/HRC/31/52 (2016).
-
[75]
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, 9 mai 1992, 1771 RTNU 107.
-
[76]
Boudaïeva et autres c Russie [GC], n° 11673/02, 15339/02, 15343/02, 21166/02, 20058/02, [2008] CEDH.
-
[77]
Oneryildiz c Turquie, n° 48939/99, [2004] CEDH aux para 89-90.
-
[78]
Voir Philippe Billet, « Prévention (principe de) » dans Marta Torre-Schaub et al, dir, Dictionnaire juridique du changement climatique, Paris, Mare et Martin, 2022, 435 ; voir aussi Nicolas Pottier, L’utilisation des outils juridiques de prévention des risques d’inondation : évaluation des effets sur l’homme et l’occupation des sols dans les plaines alluviales (application à la Saône et à la Marne), thèse de doctorat en sciences et techniques de l’environnement, École Nationale des Ponts et Chaussées, 1998 [non-publiée].
-
[79]
Voir Alessandra Donati, « Précaution (principe de) » dans Marta Torre-Schaub et al, dir, Dictionnaire juridique du changement climatique, Paris, Mare et Martin, 2022 423.
-
[80]
Gouritin, supra note 2 à la p 261.
-
[81]
Makane M Mbengue, Essai sur une théorie du risque en droit international public : L’anticipation du risque environnemental et sanitaire, Paris, Pedone, 2009 à la p 296.
-
[82]
Akiho Shibata, « Creating an International Urgent Assistance Mechanism in Case of Natural and Industrial Catastrophes » dans David D Caron et Charles Leben, dir, The International Aspects of Natural and Industrial Catastrophes, La Haye et Leiden, Martinus Lijhoff, 2001, 457.
-
[83]
Mbengue, supra note 81.
-
[84]
Ibid.
-
[85]
Ibid.
-
[86]
De Sadeleer, supra note 5 aux pp 189 et s.
-
[87]
François Walter, « Catastrophes » dans Dominique Bourg et Alain Papaux, dir, Dictionnaire de la pensée écologique, Paris, Presses universitaires de France, 2017, 131 à la p 134.
-
[88]
Mbengue, supra note 81 aux pp 65 et s.
-
[89]
Convention sur la responsabilité civile des dommages résultant des activités dangereuses pour l’environnement, 21 juin 1993, Série des traités européens n° 150 [Convention de Lugano].
-
[90]
Oneryildiz c Turquie, supra note 77 aux para 89-90.
-
[91]
Marthe Lucas, « Évaluation environnementale » dans Marta Torre-Schaub et al, dir, Dictionnaire juridique du changement climatique, Paris, Mare et Martin, 2022, 247.
-
[92]
Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), [1997] arrêt du 25 septembre 1997, CIJ Rec 1997 7 aux para 111-13.
-
[93]
Ibid aux para 48 et s.
-
[94]
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Social and Economic Rights Action Center (SERAC) and Center for Economic and Social Rights (CESR) c Nigeria (2001), n° 155/96, 30e sess, 15e rapport d’activité [Ogoni c Nigéria] au para 53.
-
[95]
Hatton et autres c Royaume-Uni [GC], n° 36022/97 (8 juillet 2003) au para 128.
-
[96]
Taskin et autres c Turquie, n° 46117/99 (10 novembre 2004) au para 119.
-
[97]
Tatar c Roumanie, n° 67021/01 (27 janvier 2009) au para 88.
-
[98]
Voir Marta Torre-Schaub, « Climat (droit du) » dans Marta Torre-Schaub et al, dir, Dictionnaire juridique du changement climatique, Paris, Mare et Martin, 2022, 109. Voir aussi Sandrine Maljean-Dubois, « Climat » dans François Collart Dutilleul, Valérie Piron et Agathe van Lang, dir, Dictionnaire juridique des transitions écologiques, Paris, Institut universitaire Varenne, 2018, 197.
-
[99]
Christel Cournil et Camila Perruso, « Réflexions sur “l’humanisation” des changements climatique et la “climatisation” des droits de l’Homme : émergence et pertinence »,(2018) 14 R Intl droits homme
-
[100]
De Cancun à Paris, le vocabulaire des droits de l’homme intègre progressivement dans le discours sur les changements climatiques. Si bien que limitée, l’inscription des droits de la personne dans l’Accord de Paris vient réduire l’attribut décoratif que représentait jadis le discours droits-de-l’hommiste dans le champ de la protection internationale du climat. Il valait la peine de souligner le fait que l’inscription de cet objectif dans le cadre des simples conférences qui n’ont accouché que des déclarations des États ne pouvait juridiquement engager les États face aux enjeux climatiques. Il s’est dès lors présenté comme une démarche d’embellissement, même si elle participe à la mobilisation des acteurs dans la lutte contre la destruction du climat. Est-il besoin de soulever le fait que cette timide consécration est consécutive à d’intenses discussions sur la place des droits de l’homme dans l’écriture de ce projet de convention. Ayant débouché à une seule mention directe et explicite aux droits humains, au paragraphe 11 de son préambule, ce projet inscrivait, à son article 4 rejeté, la prise en compte des droits de l’homme dans le cadre des mesures d’adaptation. Ces prémices vont générer un activisme judiciaire et juridique sans égal dans l’appréhension des changements climatiques sur la question des droits de l’homme. On peut à ce sujet souligner l’accélération des contentieux climatiques et une importante place des droits de l’homme dans ces derniers. Voir François Gemenne, « Les négociations internationales sur le climat. Une histoire sans fin ? » dans Franck Petiteville, dir, Négociations internationales, Paris, Presses de Sciences Po, 2013, 395.
-
[101]
Intergovernmental Panel on Climate Change (Working Group II), Climate Change 2014: Impacts, Adaptation, and Vulnerability. Part A: Global and Sectoral Aspects. Contribution of Working Group II to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, Cambridge, Cambridge University Press, 2014, ch 12, en ligne : IPCC <https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/02/WGIIAR5-PartA_FINAL.pdf>.
-
[102]
Voir Celine Fercot, « Droits fondamentaux » dans François Collart Dutilleul, Valérie Piron et Agathe van Lang, dir, Dictionnaire juridique des transitions écologiques, Paris, Institut universitaire Varenne 2018, 327.
-
[103]
Hubert Delzangles, « Adaptation » dans Marta Torre-Schaub et al, dir, Dictionnaire juridique du changement climatique, Paris, Mare et Martin, 2022, 35.
-
[104]
Séverine Nadaud et Jean-Pierre Marguenaud, « Droits de l’homme » dans Marta Torre-Schaub et al, dir, Dictionnaire juridique du changement climatique, Paris, Mare & Martin, 2022, 189.
-
[105]
Mbengue, supra note 81 aux pp 65 et s.
-
[106]
Marie Baudel, « La protection des droits de l’homme face aux risques liés à l’élévation du niveau de la mer », dans Valérie Boré Eveno, dir, Élévation du niveau de la mer et droit international : de l’adaptation à l’action, Paris, Pedone, 2022, 153 aux pp 156 et s.
-
[107]
Oneryildiz c Turquie, supra note 77.
-
[108]
Marta Torre-Schaub, « Duty of care (devoir de diligence climatique) » dans Marta Torre-Schaub et al, dir, Dictionnaire juridique du changement climatique, Paris, Mare et Martin, 2022, 200 aux pp 201 et s.
-
[109]
Urgenda Foundation v The State of Netherlands, C/09/456689/ HA ZA 13-1396, (9 octobre 2019) [The Hague District Court, Pays-Bas] [Urgenda].
-
[110]
Emma Petrinko, « De la décision d’Urgenda aux perspectives d’un nouveau contentieux climatique » dans Christel Cournil et Leandro Varison, dir, Les procès climatique : entre le national et l’international, Bruxelles, Bruylant, 2010, 123.
-
[111]
Kelsey Cascadia Rose Juliana et al v US Governement et al, Civ 6:15-cv-01517-AA (Dist Ct Or 2023) (dépôt de la plainte : 12 août 1015) [Juliana]; voir aussi Emnet Gebre, « L’affaire juliana et al. c. États-Unis et al. Coordonnée par l’Association our Children’s Trust : enjeux et perspectives » dans Christel Cournil et Leandro Varison, dir, Les procès climatiques : entre le national et l’international, Pedone, Paris, 2018, 129 aux pp 140 et s.
-
[112]
Delphine Misonne, « Renforcer l’ambition climatique de l’Etat global dans un régime federal ? “Klimaatzaak” : la Belgique a aussi son affaire climat » dans Christel Cournil et Leandro Varison, dir, Les procès climatiques : entre le national et l’international, Bruxelles, Bruylant, 2010, 149 à la p 150.
-
[113]
VZW Klimaatzaak c Kingdom of Belgium, 2014, Tribunal de première instance (Belgique) [Klimaatzaak].
-
[114]
Nathalie Clarenc, « Les difficultés entourant l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris (suites de la COP 21) » (2016) 62 AFDI 693.
-
[115]
Maïté Le Gleuher et Robert Farhi, Les nouvelles technologies de l’énergie en Australie, Ambassade de France, 2005 à la p 16.
-
[116]
Les auteurs indiquent que les insulaires du détroit de Torres constituent 0,14 % de la population totale de l’Australie, mais représentent la quasi-totalité de la population installée dans la région du détroit de Torres. Chaque île possède sa propre culture. Voir Australia Humans Rights Score Card, Fiche d’information sur les Aborigènes et Insulaires du détroit de Torres, 2020, en ligne: <upr-info.org/sites/default/files/documents/2020-12/4._ipo_factsheet_fr.pdf>.
-
[117]
Daniel Billy et al c Australia, supra note 10 au para 2.7.
-
[118]
Ibid.
-
[119]
Ibid.
-
[120]
Torres Strait Regional Authority (Land and Sea Management Unit), Torres Strait Climate Change Strategy 2014-18: Building Community Adaptive Capacity and Resilience, 2014 à la p iii.
-
[121]
Daniel Billy et al c Australia, supra note 10 au para 2.7.
-
[122]
Ibid.
-
[123]
Ibid.
-
[124]
Ibid.
-
[125]
Ibid.
-
[126]
Ibid.
-
[127]
Annalisa Savaresi, « The UNHRC recognizes the right to a healthy environment and appoints a new Special Rapporteur on Human Rights and Climate Change. What does it all means? » (10 décembre 2021), en ligne: EJIL Talk!. <ejiltalk.org/torres-strait-islanders-united-nations-human-rights-committee-delivers-ground breaking-decision-on-climate-change-impacts-on-human-rights/>.
-
[128]
Daniel Billy et al c Australia, supra note 10 au para 3.1.
-
[129]
Ibid.
-
[130]
Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre1966, 999 RTNU 171 [PIDCP].
-
[131]
Christina Voigt, « UNHRC is Turning up the Heat: Human Rights Violations Due to Inadequate Adaptation Action to Climate Change » (27 septembre 2022) en ligne: EJIL: Talk!. <ejiltalk.org/torres-strait-islanders-united-nations-human-rights-committee-delivers-ground-breaking-decision-on-climate-change-impacts-on-human-rights/>.
-
[132]
Ibid.
-
[133]
Voir Portillo Cáceres v Paraguay, CDH, communication n° 2751/2016, Doc NU CCPR/C/126/D/2751/2016 (2019).
-
[134]
Daniel Billy et al c Australia, supra note 10 au para 4.2.
-
[135]
Ibid au para 4.1.
-
[136]
Ioane Teitiota c Nouvelle-Zélande, supra note 48 au para 9.12.
-
[137]
Report of the Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights on the relationship between climate change and human rights, AG CDH, 10e sess, Doc NU A/HRC/10/61 (2009) au para 70.
-
[138]
Daniel Billy et al c Australia, supra note 10 au para 4.5.
-
[139]
Ibid.
-
[140]
Urgenda, supra note 109 au para 3.2.
-
[141]
Daniel Billy et al c Australia, supra note 10 au para 4.7.
-
[142]
Ibid aux para 4.7-4.11.
-
[143]
Ibid au para 4.12.
-
[144]
Ibid au para 5.1.
-
[145]
Ibid au para 5.2.
-
[146]
Ibid.
-
[147]
Ibid.
-
[148]
Ibid.
-
[149]
Ibid.
-
[150]
Ibid au para 5.6
-
[151]
Voigt, supra note 131.
-
[152]
Daniel Billy et al c Australia, supra note 10 au para 4.7 [notre traduction].
-
[153]
Voir généralement Sarah Jamal, « L’interdépendance des droits de l’homme et du droit de l’environnement : source de nouvelles obligations en matière de pollutions (Comité des droits de l’homme, Norma Portillo Caceres c. Paraguay, 20 septembre 2019, comm. n° 2751/2016) » (2020) n° 18 Droits fondamentaux, en ligne : CRDH <https://www.crdh.fr/revue/n-18-2020/linterdependance-des-droits-de-lhomme-et-du-droit-de-lenvironnement-source-de-nouvelles-obligations-en-matiere-de-pollutions-comite-des-droits-de-lhomme-norma-portillo-cacere/>.
-
[154]
TSRA, supra note 113.
-
[155]
Daniel Billy et al c Australia, supra note 10 au para 8.11.
-
[156]
Ibid au para 8.7.
-
[157]
Ibid au para 8.12.
-
[158]
Sabine Lavorel, « Incertitudes et perspectives scientifiques autour des « pertes et préjudices résultant des changements climatiques » dans Marta Torre-Schaub et Blanche Lormeteau, dir, Droit et changement climatiques : comment répondre à l’urgence climatique, regards croisés à l’interdisciplinaire?, Mare et Martin, 199.
-
[159]
Daniel Billy et al c Australia, supra note 10 au para 8.12.
-
[160]
Ibid au para 8.14.
-
[161]
Ibid au para 12.
-
[162]
Ibid.
-
[163]
Ibid au para 8.13.
-
[164]
Voigt, supra note 131.
-
[165]
Daniel Billy et al c Australia, supra note 10 au para 8.13.
-
[166]
Kahl, supra note 16.
-
[167]
Voir Portillo Cáceres c Paraguay, supra note 133 au para 2.4.
-
[168]
Daniel Billy et al c Australia, supra note 10 au para 8.14.
-
[169]
Ibid.
-
[170]
Ibid au para 8.8
-
[171]
Ibid au para 10.
-
[172]
Ibid au para 11.
-
[173]
Ibid.
-
[174]
TSRA, supra note 120.
-
[175]
Daniel Billy et al c Australia, supra note 10 au para 8.7.
-
[176]
Ibid au para 2.1. Voir aussi Florence Faberon, « Chronique des États d’Océanie – 2019 » (2020) 122:508 Rev fr dr constl 499. Voir aussi Martin Préaud, « La terre à plusieurs. Territorialités autochtones et déterminations juridiques australiennes » (2010) 41:2 Multitudes 87.
-
[177]
C’est à ce titre que certains géographes la dénomment comme une grande île ou une île-continent. Voir John Fitzpatrick, « European settler colonialism and national security ideologies in Australian history » dans Richard Leaver et Dave Cox, dir, Middling, Meddling, muddling: Issues in Australian foreign policy, St Leonards (Austl), Allen & Unwin, 1997, 98. Voir aussi Fabrice Argounès, « Quel espace régional pour l’Australie ? Mutations et recompositions des identités australiennes » (2015) 701:1 Annales de géographie 76.
-
[178]
Frederic David McCarthy, « Trade in Aboriginal Australia, and trade relationships with Torres Strait, New Guinea and Malaya » (1939) 9:4 Oceania 405.
-
[179]
Larousse, « Australie », en ligne : Larousse <larousse.fr/encyclopedie/pays/Australie/106796>.
-
[180]
Voir Giraudeau, supra note 36 aux pp 46-52.
-
[181]
Ibid.
-
[182]
Une partie de son territoire, soit-il infra-étatique, se trouve sérieusement menacé du fait des impacts climatiques.
-
[183]
Au nom des prérogatives régaliennes de souveraineté sur ces territoires infra-étatiques.
-
[184]
C’était la solution pour que ces territoires ne soient pas qualifiés de terra nullius. Voir Bruce Rigsby, « A survey of property theory and tenure types » dans Nicolas Peterson et Bruce Rigsby, dir, Customary Marine Tenure in Australia (Oceania Monograph no 48) (1998), Sydney, Oceania Publications, 1998 à la p 24
-
[185]
Paul Sutton, Country: Aboriginal boundaries and land ownership in Australia, Canberra, Aboriginal History Inc., 1995 à la p 42.
-
[186]
Voir Brigitte Stern, « Quelques observations sur les règles internationales relatives à l’application extraterritoriale du droit » (1986) 32:52 AFDI 7 à la p 11.
-
[187]
Voy Christel Cournil et Camila Perouso, « Les droits de l’Homme au service de la lutte climatique » dans Christel Cournil, dir, La fabrique d’un droit climatique au service de la trajectoire « 1.5 », Paris, Pedone, 2021, 3.
-
[188]
Corinna Heri « Legal Imagination, and the Turn to Rights in Climate Litigation: A Rejoinder to Zahar », (6 octobre 2022) en ligne: EJIL Talk! <ejiltalk.org/torres-strait-islanders-united-nations-human-rights-committee-delivers-ground-breaking-decision-on-climate-change-impacts-on-human-rights/>.
-
[189]
Voir Véronique Champeil-Desplats, « Droit, pluralité des modes de normativité et internormativité. Regard juridique » (2019) n° 16 R droits homme.
-
[190]
Christina Voigt et Grant Evadne « The Legitimacy of Human Rights Courts in Environmental Disputes – Editorial » (2015) 1:2 J Human Rights & Envt 131.
-
[191]
Voir Christina Voigt, « Climate Change as a Challenge for Global Governance, Courts and Human Rights » dans Wolfgang Kahl et Marc-Philippe Weller, dir, Climate Change Litigation: A Handbook, Munich, Verlag C.H.Beck, 2021, 1.
-
[192]
Heri, supra note 188.
-
[193]
Voir Jean-Marc Sorel et Valerie Bore-Eveno, « Article 31 (1996) » dans Olivier Corten et Pierre Klein, dir, The Vienna Conventions on the Law of Treaties. A Commentary, Oxford, Oxford University Press, 2011, 804.
-
[194]
Daniel Billy et al c Australia, supra note 10 au para 7.5.
-
[195]
Ibid au para 5.6.
-
[196]
Sandrine Maljean-Dubois, « Les obligations de diligence dans la pratique : la protection de l’environnement » dans Société française de droit international (Sarah Cassella), dir, Le standard de due diligence et responsabilité internationale, Paris, Pedone, 2017, 145.
-
[197]
Daniel Billy et al c Australia, supra note 10 au para 6.10.
-
[198]
Heri, supra note 188. L’opportunité devant illustrer la diligence des mesures à ce titre postule l’essence même de cette nature des obligations. Avec le temps, la jurisprudence a au fur et à mesure enrichi le contenu et la teneur de la due diligence. L’affaire Lafico a cerné les obligations positives à ce titre comme impliquant le « reasonable care » (« Affaire LAFICO c État du Burundi : Sentence arbitrale du 4 mars 1991 » (1990) n° 2 Rev b dr Intern 517 à la p 543 au para 48). L’affaire Nick Cibich postule ainsi la mise en oeuvre d’une « reasonable diligence » (Nick Cibich (USA) v United Mexican States (1926) RSA, vol IV à la p 58). L’Affaire des biens britanniques au Maroc espagnol recommande des acteurs internationaux le déploiement à ce titre d’une « prévoyance normale et raisonnable » (Affaire des biens britanniques au Maroc espagnol (Espagne contre Royaume-Uni) (1925) RSA, vol II à la p 644). Et le guide interprétatif sur la responsabilité des entreprises de respecter les droits de l’homme se veut beaucoup plus illustratif de ce point de vue lorsqu’il définit « [l]a diligence raisonnable comme étant “une mesure de prudence, d’action, d’assiduité, qui est attendue, à juste titre, de la part d’une [personne] prudente et raisonnable dans des circonstances particulières” » (La responsabilité des entreprises de respecter les droits de l’homme: Guide interprétatif, New York et Genève, Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, 2012 à la p 6].
-
[199]
Florian Aumond, « Changements climatiques, droits humains et droits des autochtones. Autour des constatations du Comité des droits de l’homme dans l’affaire Daniel Billy et autres contre Australie (21 juillet 2022) » (2023) 41 R Jur politique & économique Nouvelle-Calédonie 161 à la p 169.
-
[200]
James S Anaya, « The Human Rights of Indigenous Peoples: United Nations Developments » (2013) 35 U Haw L Rev 983 aux pp 1008-10.
-
[201]
Aumond, supra note 199 à la p 163.
-
[202]
Voir Christina Voigt, « The Protection of Indigenous Forests on Private Land and the Role of Local Government » (2003) 7:202 NZJ Envtl L 169.
-
[203]
François Hopu et Tepoaitu Bessert c France (1995), 55 Comm Eur DH communication n° 549/1993, constatations du 29 juillet 1997.
-
[204]
Daniel Billy et al c Australia, supra note 10 aux para 8.13-8.14.
-
[205]
Kress c. France [GC], n° 39594/98 (7 juin 2001) au para 70.
-
[206]
Daniel Billy et al c Australia, supra note 10 aux para 8.13-8.14.
-
[207]
Haritini Dipla, La responsabilité de l’État pour violation des droits de l’homme : Problèmes d’imputation, Paris, Pedone, 1994.
-
[208]
Observation générale n° 36, CDH, Doc NU CCPR/C/GC/36 (2019) au para 7.
-
[209]
Ibid au para 62.
-
[210]
Daniel Billy et al c Australia, supra note 10 aux para 8.13-8.14.
-
[211]
Monica Feria-Tinta, « Torres Strait Islanders: United Nations Human Rights Committee Delivers Ground-Breaking Decision on Climate Change Impacts on Human Rights » (27 septembre 2022), en ligne: EJIL Talk! <ejiltalk.org/torres-strait-islanders-united-nations-human-rights-committee-delivers-ground-breaking-decision-on-climate-change-impacts-on-human-rights/>.
-
[212]
Voir George Letsas, « The ECHR as a living instrument: its meaning and legitimacy » dans Andreas Føllesdal, Birgit Peters et Geir Ulfstein, dir, Constituting Europe: The European Court of Human Rights in a National, European and Global Context, Cambridge, Cambridge University Press, 2013, 106.
-
[213]
Hugo Grotius, Le droit de la guerre et de la paix, Paris, Presses universitaires de France, 2012 [1625] à la p 396.
-
[214]
Julie Ferrero, « L’interprétation évolutive des conventions internationales de protection des droits de l’homme. Contribution à l’étude de la fonction interprétative du juge international » Paris, Pedone, 2019 à la p 345.
-
[215]
Campbell McLachlan, « The Principle of Systemic Integration and Article 31(3)(c) of the Vienna Convention » (2005) 54:2 Intl & CLQ 279.
-
[216]
Ferrero, supra note 214 à la p 346.
-
[217]
Pierre-Marie Dupuy, « L’unité d’application du droit international à l’échelle globale et responsabilité des juges » (2007) 1:2 European J Leg Studies 29.