Introduction[Notice]

  • Julia Grignon

Professeure à la faculté de droit de l’Université Laval – actuellement directrice scientifique de l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire et enseignante à Paris-Panthéon-Assas et Sciences Po Paris.

Le matin du jeudi 24 février 2022, comme beaucoup sans doute au travers le monde, c’est la stupeur qui me gagnait en apprenant que la Russie venait de lancer une offensive de grande ampleur sur l’ensemble du territoire de l’Ukraine, par les voies terrestres, aériennes et maritimes. Ne réalisant pas tout de suite l’ampleur de la nouvelle, la journée s’égrena au rythme de discussions un peu hébétées avec les interlocuteurs que j’étais amenée à rencontrer ce jour-là. Parmi eux, justement, une équipe d’étudiant.e.s stagiaires dont j’assumais la cosupervision dans le cadre de l’actualisation du Casebook OnlineHow does law protect in war ?, un ouvrage contenant des textes introductifs au droit international humanitaire, illustrés de cas tirés de conflits réels, passés et présents. La réunion prévue ce jour-là débutait naturellement par un échange à propos du regain des affrontements sur le territoire de l’Ukraine. Ravivant d’une part le souvenir des débuts du conflit dès 2014, tout en suscitant d’autre part l’inquiétude quant à la tournure que les événements allaient prendre, les questions en lien avec l’application du droit international humanitaire à la situation se faisaient déjà très nombreuses. Une offensive de cette ampleur sur le territoire de l’Ukraine, notamment par une pénétration par le nord-est, trouvait en moi un écho particulier puisque l’opportunité m’avait été donnée, 16 ans plus tôt, de me rendre à Kharkiv en tant que membre du jury d’un concours régional de droit international humanitaire organisé par la délégation du Comité international de la Croix-Rouge à Moscou. Or, cette semaine avait été l’occasion de faire la rencontre de Mykola Gnatovskyy, alors professeur aujourd’hui juge élu au titre de l’Ukraine à la Cour européenne des droits de l’Homme, après avoir présidé le Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe. Je repensais à nos échanges et jamais alors je n’aurais pu imaginer que l’Université Nationale de Kharkiv puisse faire l’objet de bombardements ou que la population de la ville doive vivre plusieurs jours dans son métro pour se mettre à l’abri des assauts russes qui laisseraient la ville en partie en ruines. Que ce hors-série s’ouvre sur une préface, sous la forme d’un article d’opinion, rédigée de la main du Juge Gnatovskyy est donc profondément chargé de sens, en même temps qu’un très grand honneur teinté d’une certaine fierté. Poursuivant son cours, la journée du 24 février 2022 fut ensuite l’occasion que je sois contactée par Vincent Savard, journaliste pour Radio Cité Edmonton – une radio francophone émettant en Alberta – qui souhaitait une entrevue au sujet de la situation entre l’Ukraine et la Russie. Qu’il en soit ici remercié, car cette sollicitation est en quelque sorte le point de départ de ce numéro hors-série. En effet, des personnes ayant écouté cette émission me relayaient le grand intérêt qu’elles y avaient trouvé et ajoutaient à la liste des questions, tout en manifestant un intérêt pour l’existence d’un droit applicable aux conflits armés. Je décidais alors, un dimanche matin, d’utiliser les ressources du Développement de partenariat pour la promotion et le renforcement du droit international humanitaire : une contribution canadienne, autrement appelée Osons le DIH!, financée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et dont je suis directrice, pour initier la publication de ce qui allait devenir une série de notes de blogue sur la plateforme Quid Justitiae de la Clinique de droit international pénal et humanitaire. S’inscrivant dans la participation à la diffusion du droit international humanitaire, elles avaient vocation de s’adresser à un public néophyte comme informé. Toute l’équipe étudiante rattachée à Osons le DIH! se portait immédiatement volontaire et …

Parties annexes